(Paris, 05 mars 2022). Le Premier ministre israélien Naftali Bennett est la première personnalité à rencontrer Poutine pour lui demander d’arrêter la guerre au nom des relations privilégiées entre Israël et la Russie
Outrepassant exceptionnellement les dispositions relatives au shabbat, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a rencontré le président russe Vladimir Poutine au Kremlin aujourd’hui, samedi 5 mars, pour discuter de la crise ukrainienne. Après une réunion de 3 heures, Bennett a eu une conversation téléphonique avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et retournera à Berlin dans la soirée pour informer le chancelier Olaf Scholz de son entretien à Moscou. Une véritable médiation est en cours, Israël ayant certainement des contacts avec Washington, entre autres, le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a rencontré aujourd’hui le ministre des affaires étrangères de Kiev, Dmytro Kuleba, à la frontière polono-ukrainienne, comme le rapporte Emmanuel Rossi dans le quotidien «Formiche».
Pour la «Rai News», le déplacement de Bennett à Moscou a été coordonné à l’avance avec les États-Unis, la France et l’Allemagne, tous engagés dans les pourparlers nucléaires de Vienne. La Turquie a également été informée, puisque le vol du Premier ministre traverse son espace aérien.
Israël, qui accueille une importante population d’immigrants russes (juifs russes), a proposé de trouver une forme de médiation pour arrêter l’attaque russe contre l’Ukraine, qui est dirigée par un président juif, Volodymyr Zelensky et dont le récit poutinien dit – en altérant la réalité – qu’elle est plutôt aux mains des nazis.
Lors de l’entretien au Kremlin, le Premier ministre Bennett et le président Poutine ont discuté non seulement de l’Ukraine, mais aussi de l’état des négociations de Vienne sur le rétablissement de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA). Un thème qui a toujours tenu à cœur au gouvernement israélien. Bennett a réitéré sa ferme opposition au retour à l’accord de 2015, qui est au cœur de longues négociations dans la capitale autrichienne et qui semble être entré dans la phase finale. Très peu de communications du côté russe : « Ils ont discuté de la situation sur l’Ukraine », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Les médias israéliens, cités toujours par la Rai, rapportent que Bennett a également téléphoné au président français Emmanuel Macron pour l’informer du contenu de ses entretiens avec le président Vladimir Poutine. Bennett s’est ensuite envolé pour Berlin pour s’entretenir avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
Les responsables israéliens ont minimisé les attentes d’une percée, bien que le pays ait des liens avec les deux parties. En raison de cette proximité avec les deux belligérants, Israël a proposé de servir de médiateur, une proposition soutenue par les responsables ukrainiens. Alors qu’Israël, proche allié des États-Unis, a condamné l’invasion russe, exprimé sa solidarité avec Kiev et envoyé une aide humanitaire à l’Ukraine, il a également annoncé qu’il maintiendrait les contacts avec Moscou dans l’espoir de contribuer à atténuer la crise. Il existe un intérêt direct pour Jérusalem. Au cours de la dernière décennie, l’État hébreu a connu une sorte de crise existentielle liée au conflit syrien, qui a vu des milices dirigées par l’Iran pénétrer les frontières israéliennes. Des groupes comme le Hezbollah, qui est techniquement en guerre avec Israël dans le sud du Liban depuis 2006, ont reçu des armes des Pasdaran, substantielles et technologiquement sophistiquées, qui ont tenté de transformer la Syrie en une plate-forme d’attaque contre l’État hébreu.
La guerre syrienne a créé un écran de fumée qui a permis ces transferts d’armes et a fourni à Israël des opportunités d’action. Les avions de chasse de Tsahal ont bombardé la Syrie des centaines de fois pour empêcher les Pasdaran de procéder à ce renforcement des milices chiites, et pour ce faire, Israël a procédé à des accords avec la Russie. Moscou contrôle le ciel syrien, et bien qu’il soit un partenaire de l’Iran dans le soutien du régime de Damas, il a souvent fermé les yeux, considérant qu’Israël en tant qu’allié, plus précieux que la République islamique.
Ce comportement, qui est à la base de certaines frictions russo-iraniennes, témoigne de l’existence d’une relation particulière entre Moscou et Jérusalem. Poutine a construit une relation directe avec l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, une relation qui se poursuit à ce jour avec le nouveau Premier ministre car pour Israël (comme pour la Russie), a une valeur stratégique, poursuit Emanuele Rossi.
Bennett, un juif religieux, a pris un vol en violation de la loi du shabbat parce que le judaïsme ne l’autorise que lorsque le but est de préserver une vie humaine, a déclaré son porte-parole. Le Premier ministre israélien a récemment rencontré le chancelier allemand et les chefs du commandement du Pentagone pour le Moyen-Orient.
Revenons sur la médiation (de M. Bennett) : la décision du Premier ministre israélien intervient à un moment où les diplomaties américaine et européenne semblent incapables de trouver une stratégie de sortie après que tous les pays occidentaux, bien qu’avec des intensités distinctes, aient uni leurs forces pour soutenir Kiev, en fournissant une assistance économique et militaire et en imposant des sanctions économiques contre la Russie. Bien qu’il n’appartienne ni à l’UE ni à l’OTAN, Israël est considéré à tous égards comme une nation du camp occidental, notamment en tant qu’allié de premier plan des États-Unis, souligne la Rai News.
Pour cette raison, sa démarche de condamnation prudente envers la Russie, son évitement des sanctions contre Moscou et son refus de transfert d’armes à Kiev, a jusqu’à présent suscité mécontentement et perplexité des deux côtés de l’Atlantique et en Ukraine. Mais Israël est aussi le seul pays occidental qui peut se prévaloir de relations privilégiées à la fois avec la Russie (pour des raisons historiques, l’immigration et le rôle de Moscou en tant qu’intermédiaire de pouvoir au Moyen-Orient) qu’avec l’Ukraine (où vit une communauté d’environ 50.000 Juifs, dont le président Volodymyr Zelensky lui-même). Pour cela, il a essayé de garder un canal ouvert avec les deux parties. Selon la reconstitution du journaliste Barak Ravid, Bennett a déjà proposé son rôle de médiateur à Poutine lors de leur première rencontre à Sotchi en octobre dernier mais le « tsar » l’avait refusé. Aujourd’hui, le tableau a changé et aucun pays ne semble plus équidistant qu’Israël. Selon certains médias, c’est Kiev qui a demandé un plus grand rôle israélien en tant qu’intermédiaire.