De l’Afghanistan à la Syrie, toutes les troupes non-retirées de Poutine

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(Rome, Paris, 17 février 2022). Au regard des précédents, mieux vaut faire attention : Moscou pourrait « préparer la scène » en annonçant une désescalade, mais cherchant en même temps un prétexte qui justifie une incursion. L’avertissement d’Anna Borshchevskaya (The Washington Institute)

Les forces russes massées le long des frontières de l’Ukraine ont augmenté d’environ 7.000 hommes ces derniers jours. Cette augmentation rend « fausses » les affirmations de Moscou concernant un premier retrait partiel de la frontière. C’est ce qu’a déclaré un haut responsable de l’administration américaine lors d’un briefing avant le départ de la vice-présidente Kamala Harris pour l’Allemagne, où elle assistera à la Conférence de Munich sur la sécurité et rencontrera le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Chaque indication que nous avons, dit qu’ils (les Russes, ndlr) ont seulement l’intention de faire des déclarations sur la réduction de l’escalade, tout en se préparant discrètement à la guerre », a déclaré le responsable. Les nouvelles estimations porteraient le nombre de forces russes au-dessus de 150.000, un chiffre cité par le président Joe Biden dans un discours télévisé plus tôt cette semaine, lit-on dans le décryptage de Luigi Romano dans les colonnes du média italien «Formiche».

Ce ne serait pas la première fois que Moscou annoncerait un retrait sans le mettre en œuvre. Anna Borshchevskaya, chercheuse au Washington Institute, a effectué une brève enquête.

Commençons par la Syrie. Le président Vladimir Poutine a annoncé un retrait partiel des forces armées russes un an après son intervention en soutien au régime de Bachar al-Assad. Le New York Times cite des responsables américains qui ont déclaré que le Kremlin « avait atteint un tournant dans sa campagne, où le coût, aux niveaux national et international, de rester engagé, l’emportaient sur les avantages ». Mais le retrait n’a pas eu lieu. Tout comme il n’y avait pas eu de retrait l’année suivante. En effet, Moscou dispose aujourd’hui de bases navales et aériennes en Syrie pour faire pression sur l’Ukraine.

Revenons à l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 et aux années qui ont suivi. Le Kremlin a périodiquement annoncé des « retraits » pour embrouiller les Etats-Unis, rappelle l’experte. A tel point qu’à la veille d’un sommet en décembre 1987 entre le président américain Ronald Reagan et le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le Wall Street Journal s’interrogeait : « Combien de fois les Soviétiques peuvent-ils annoncer leur retrait d’Afghanistan sans réellement le faire ? ».

Contrairement à l’Occident, poursuit Anna Borshchevskaya, en Russie il n’y a pas de déconnexion entre diplomates et militaires : au contraire, l’approche est «whole of government», l’ensemble du gouvernement, uni. C’est pourquoi, même en regardant les précédents, mieux vaut faire attention. Moscou pourrait «préparer le terrain» en annonçant une désescalade et en montrant la volonté d’apaiser les tensions, mais dans le seul but d’«inventer» un prétexte qui justifie une incursion : « Poutine a peut-être déjà approché un point de non-retour, où il ne peut pas quitter l’Ukraine les mains vides, et puisque l’Occident ne se pliera pas à juste titre à ses exigences extrêmes, il n’aura d’autre choix que d’agir », écrit-elle.

Les dernières nouvelles en provenance de l’est de l’Ukraine semblent aller dans le sens indiqué par l’experte, ajoute Luigi Romano. Les républiques populaires autoproclamées de Lougansk et de Donetsk ont ​​dénoncé «des attaques de l’armée ukrainienne», les milices pro-russes rapportant avoir riposté. Serait-ce le prétexte pour Moscou ?