(Rome, Paris, 25 janvier 2022). Un groupe de réflexion révèle comment, de 2004 à 2019, le Qatar a financé des associations salafistes et des mosquées radicales à hauteur de près d’un milliard d’euros. Et les Saoudiens annoncent la « renaissance culturelle » dans le journal City
Des femmes et des jeunes filles qui marchent les yeux baissés, cachées sous des voiles intégraux qui dévoilent à peine entrevoir leur visage, des bouchers halal, des mosquées de fortune au sous-sol, des cours de Coran à l’école, des boutiques qui vendent des poupées sans visage pour se conformer aux prescriptions de l’islam radical, des restaurants qui prévoient des espaces spéciaux pour accueillir les femmes. Ce sont des scènes que l’on voit désormais dans les quartiers des villes et métropoles du Vieux Continent, de Berlin à Marseille, de Bruxelles à Rome, de Stockholm à Roubaix, comme le rapporte Alessandra Benignetti dans son article dans le journale italien «Il Giornale».
C’est l’Europe qui change de visage, grâce aussi aux fonds qui viennent des pétromonarchies du Golfe. Plus de 770 millions d’euros, ont été distribués par le Qatar entre 2004 et 2019 à 288 organisations radicales en Occident sous forme d’«aide humanitaire». Le Middle East Forum, un groupe de réflexion américain fondé dans les années 1990 par le journaliste et historien néoconservateur Daniel Pipes, recueille les documents révélant les transferts d’argent des caisses de l’association de «l’Eid Charity» vers les mosquées de l’Europe.
L’ombre d’Al-Qaïda et de l’EI
L’association Eid Bin Mohammad Al Thani Charitable, mieux connue sous le nom d’Eid Charity, est une organisation semi-gouvernementale qatarie, qu’un autre penseur, le «Carnegie Endowment for International Peace», décrit comme « la plus grande et la plus influente organisation humanitaire contrôlée par les salafistes au monde ». Son fondateur, Abd El Rahman Nouaïmi, serait lié à Al-Qaïda. Et en 2013, il figurait sur la liste des terroristes du gouvernement américain.
Pourtant, souligne le centre d’étude, l’Eid Charity a jusqu’à présent joui d’une impunité totale au niveau international, envoyant des fonds à une série d’institutions musulmanes et de personnes liées à l’islam radical. En Suède, par exemple, la mosquée d’Örebro a reçu 2,4 millions de dollars de la fondation qatarie entre 2007 et 2016. Peu importe s’il y avait un recruteur de l’EI, arrêté en 2015, prêchant en son sein.
Une autre mosquée suédoise qui a fait l’éloge de la conquête de Mossoul par le califat islamique, celle de Gävle, a été subventionnée par Doha à hauteur d’un million d’euros. Les mêmes montants sont également arrivés en France pour être distribuées à un nombre d’organisations liées aux Frères musulmans. Mosquées, instituts, centres d’études et espaces multifonctionnels comme le centre An-Nour à Mulhouse. Une structure avant-gardiste où la grande salle est entourée d’un espace dédié aux événements culturels, aux piscines, aux salles de sport, aux boutiques et aux restaurants : le tout est strictement « halal ». L’objectif, notent certains journalistes français, est de créer des « micro sociétés autarciques en Europe », fondées sur l’orthodoxie islamique.
En Allemagne, ajoute Alessandra Benignetti, la mosquée Al Mouhsinine (les bienfaiteurs, en arabe : المحسنين) de Bonn, où des prédicateurs radicaux encourageaient les fidèles à se rendre « dans les camps d’entraînement d’Al-Qaïda », aurait reçu 400.000 dollars du Qatar via l’association «Arabischer Kulturverein». La même association a acheminé l’argent vers un autre «hub salafiste» allemand, la mosquée Assalam à Essen, fréquentée par des soldats du califat tels que Silvio K, qui a, à plusieurs reprises, menacé de frapper l’Allemagne. En 2009, un autre fidèle de la même mosquée a été rapatrié par les autorités après avoir été retrouvé en possession d’instructions pour construire un engin rudimentaire.
Aux Pays-Bas, l’association Eid Charity a contribué à hauteur de 1,1 million d’euros au financement de la mosquée Al Fourqaan à Eindhoven, fréquentée par la « cellule de Hambourg » impliquée dans les attentats du 11 septembre. La liste est longue et comprend également un certain nombre d’associations salafistes et de centres culturels et religieux au Canada, en Suisse et au Royaume-Uni.
Entre-temps, la « Renaissance culturelle de l’Arabie saoudite » est désormais annoncée dans le Financial Times, pour laquelle le royaume de Mohammed Bin Salman al Saoud, via le centre culturel « Ithra », est devenu « partenaire de contenu ». Une véritable campagne de promotion pour la « renaissance culturelle » du pays, qui va « de la mode à la littérature ». Dommage que, dans l’ombre de La Mecque, encore trop de droits soient bafoués.