Polaris 21, grandes manœuvres en Méditerranée

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(Rome, 01 décembre 2021). La mer Méditerranée occidentale a été labourée ces jours-ci par des dizaines d’unités navales. Sous la direction de la Marine Nationale, des navires français, espagnols, américains, grecs, italiens et britanniques se sont réunis non loin de la Corse pour participer aux exercices Polaris 21. Une manœuvre impressionnante, la plus importante organisée par la France ces derniers temps, et qui vise à entraîner les unités françaises et alliées de l’OTAN à un scénario de conflit de haute intensité en agissant simultanément en mer, sur terre, dans le ciel (y compris l’espace) jusqu’au domaine cybernétique. Un théâtre d’opérations extrêmement complexe, certains segments de cet exercice se déroulant simultanément sur le continent jusqu’aux côtes atlantiques.

Comme le rapporte Lorenzo Vita dans le quotidien «Inside Over», il s’agit pour Paris d’une remarquable démonstration de force qu’il ne faut pas sous-estimer. Sous la conduite du groupe d’attaque du porte-avions Charles de Gaulle, la France a l’opportunité non seulement de montrer ses capacités de manœuvre au sein du quadrant méditerranéen, mais surtout de le mener en se coordonnant avec les plus proches alliés du monde euro-atlantique. Un choix qui, comme cela s’est passé pour la « Mare Aperto » italienne, implique la volonté de renforcer le système d’intégration entre les différentes forces alliées et qui, pour cette raison même, a vu l’implication à la fois de l’Alliance atlantique et de la Sixième Flotte américaine. Il s’agit d’un signe tangible de l’intérêt de Washington pour tout ce qui se passe à grande échelle au sein de la Méditerranée, surtout dans une phase de tension croissante avec la Russie non seulement en ce qui concerne la frontière orientale, mais aussi pour le renforcement de Moscou dans le soi-disant «mers chaudes».

Mais l’exercice français a aussi une autre signification, plus interne à la France. Et c’est la ligne de continuité avec cette vision stratégique définie par le document Mercator 2021 dans lequel Paris a mis noir sur blanc la possibilité qu’il soit impliqué dans un conflit de « haute intensité » dans un avenir proche. La Marine Nationale grandit non seulement en ambition, mais aussi en nombre d’unités et en processus de modernisation. Et ce regain d’intérêt pour le domaine maritime se traduit dans un exercice comme Polaris 21, un moment de partage avec les partenaires atlantiques en Méditerranée mais aussi une démonstration de force qui doit montrer au monde que la France s’intéresse à la Méditerranée et tout ce qui est naval.

La confirmation de ce nouveau cap de la Marine Nationale, profondément active tant sur le front de la diplomatie navale que sur celui des exercices, relève de deux éléments de cet exercice, ajoute Lorenzo Vita. Au-delà de la démonstration de force proprement dite (environ six mille hommes déployés de novembre au 3 décembre), en effet, la Défense française a organisé Polaris 21 afin d’avoir deux phases. La première phase, expliquent les analystes, consiste à étudier et à améliorer les compétences de coordination ; la seconde phase, en revanche, est représentée par la configuration d’un scénario d’affrontement entre forces symétriques qui vont se diviser en deux grands groupes pour « pratiquer la guerre ». Tout cela se déroule alors après la conclusion d’un autre exercice, le Kraken, qui, comme l’a indiqué la Marine nationale elle-même, avait également pour but de renforcer la synergie air-mer et la création d’une task force dédiée.

 Le fait que la flotte française continue constamment de s’entraîner sur ce type d’opération signifie que de nombreux analystes estiment désormais que l’objectif de Paris de sécuriser sa projection maritime est clair. Mobiliser les moyens les plus modernes, simuler un conflit défini comme « réel » et « crédible » par les experts eux-mêmes, le mener en Méditerranée et dans la lignée de ce qui a déjà été exprimé dans les documents programmatiques de la Défense implique la volonté transalpine d’accroître son ambition navale. Il s’agit d’une question particulièrement pertinente au regard de l’intérêt français pour la Méditerranée orientale et de la poussée des États-Unis pour une plus grande implication dans l’Indo-Pacifique. Ce sont des théâtres d’opérations maritimes où l’Elysée entend renforcer son leadership en Europe et se tailler une place de plus en plus importante également au sein de l’OTAN.