France-Italie. L’œil international sur «Dracron»

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(Rome, Paris, 26 novembre 2021). La presse internationale regarde le traité du Quirinal avec un grand intérêt. Mario Draghi et Emmanuel Macron sont désormais considérés comme les leaders «pivots» de cette Union européenne orpheline d’Angela Merkel. Et alors que les dirigeants bruxellois sont à la peine, notamment après la fin de l’ère Merkel, ce sont désormais les Italiens et les Français qui sont considérés comme les figures de proue de cette Union renouvelée. Et cette perception soulève une série de questions de Berlin à Londres en passant par la capitale belge.

Selon l’analyse de Lorenzo Vita dans le quotidien «Il Giornale/Inside Over», le premier journal étranger faisant autorité à miser sur l’accord franco-italien fut le Financial Times. Le journal économico-financier, thermomètre de la finance internationale et de ses humeurs, a mis l’accent sur la possibilité que Draghi et Macron veuillent renforcer leur influence sur l’Union européenne. Comme le rapporte l’agence Nova, le journal britannique s’est concentré sur les motivations du Premier ministre italien, qui « profiterait de cette opportunité pour renforcer sa position en Europe, à un moment où l’Allemagne est susceptible de se concentrer vraisemblablement sur sa politique intérieure après la sortie de la scène de l’ancienne chancelière Angela Merkel ». Une analyse qui regarde avec intérêt les ambitions italiennes, mais qui n’oublie certainement pas les aspirations du chef de l’Elysée. Pour le FT, Macron peut contribuer à cet accord également pour blinder le consensus modéré et conservateur, qui regarde avec intérêt un agenda étranger européen et axé sur la perspective de liens avec l’Italie également dans les domaines industriel et économique. Une hypothèse sur laquelle le journal britannique tire la sonnette d’alarme : dans les relations entre l’Italie et la France remaniées par le traité du Quirinal « il pourrait y avoir des frictions sur le front des investissements, qui a toujours été un sujet de conflit entre les deux pays ». Et les regards ne peuvent que se porter sur l’industrie de la défense, notamment sur le sujet très brûlant d’«Oto Melara et Wass».

Alors que Londres, ajoute Lorenzo Vita, fait état des opportunités et des risques sur la question du nouveau partenariat italo-français qui se définit à Rome, l’attention est particulièrement soutenue en Allemagne. Berlin se considère comme l’invité de marque du Traité, non seulement parce qu’elle est le centre économique de l’Union européenne, mais aussi parce qu’elle est l’autre sommet de l’axe franco-allemand et un partenaire fondamental de l’Italie. Comme le précise l’agence Nova, le journal Handelsblatt prévient que Macron et Draghi veulent « mettre leur empreinte sur l’UE dans l’ère post-Merkel », puisqu’ils sont « deux chefs de gouvernement forts dans le sud de l’Europe, avec de grandes ambitions même au-delà de la frontière ». Pour l’Allemagne, donc, l’alarme «Dracron» est déclenchée, ce qui risque d’être le premier « défi » international pour le nouvel exécutif dirigé par les socialistes. L’unité d’intention italo-française concernant la dette et les règles de contrôle imposées par l’Union européenne est préoccupante, notamment du côté des libéraux et des conservateurs allemands. Le président du Parti libéral-démocrate (FDP), Christian Lindner, a souligné à plusieurs reprises que, pour lui, l’UE « ne doit pas devenir une union de la dette ». Une lecture que pourtant certains analystes retiennent, d’autant que personne ne remet en cause la solidité de l’axe franco-allemand et des accords antérieurs à celui du Quirinal (de celui de l’Elysée à Aix-la-Chapelle) qui ont construit l’image de Paris et Berlin en tant que véritables locomotives de l’Union européenne. L’accord franco-italien est un moyen d’accélérer le partenariat bilatéral, mais tous nient une redéfinition des accords avec l’Allemagne, où les observateurs, les politiques et les universitaires ont en effet tendance à réaffirmer comme fondamentaux tant pour Paris que pour Rome.

De son côté, Politico, une voix venue des couloirs bruxellois, souligne également les problèmes qui ont émergé ces dernières années dans les relations entre les deux pays. Malgré le rapprochement marqué avec cette arrivée de Macron à Rome, l’édition européenne du quotidien américain pointe également les profils qui ont divisé les deux Etats, à commencer par les pôles industriels et stratégiques. Politico nous fait comprendre comment la manière de percevoir les relations entre la France et l’Italie a changé ces derniers temps, même au sein de la droite la plus critique à cet égard. Il n’oublie pas pour autant les problèmes d’ordre stratégique tel que la question libyenne et la pénétration française dans l’industrie italienne. Une relation qui, selon le journal, peut être inégale et pour cette raison, le traité du Quirinal doit être important pour briser la crainte des «actes prédateurs» que l’Elysée a démentie mais sur laquelle une attention est placée par divers segments de la communauté politique et du renseignement.