La Syrie vers une nouvelle phase politique

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(Rome, 06 octobre 2021). La Syrie s’achemine vers une nouvelle phase politique. La récente ouverture des frontières avec la Jordanie et la reprise des vols entre Damas et Amman semblent avoir marqué la voie. Le gouvernement syrien du président Bachar Al Assad pourrait d’ores et déjà réintégrer la Ligue arabe dans les prochaines semaines. Il en a été expulsé en 2011, à la suite du déclenchement de manifestations qui ont conduit à la guerre civile en cours, bien que remportée par Assad lui-même. La Syrie, en bref, est prête à être « réhabilitée » dans le contexte international.

Damas sur le point de rejoindre la Ligue arabe

Selon l’analyse de Mauro Indelicato dans «Il Giornale-Inside Over», les nouveaux accords avec la Jordanie n’ont pas seulement une valeur purement locale pour la Syrie. Rouvrir les frontières avec son voisin, signifie l’activation des routes commerciales fondamentales. Un véritable ballon d’oxygène pour Damas, toujours empêtré dans l’engrenage des sanctions occidentales qui l’empêchent de relancer son économie. Faire transporter ses marchandises vers le royaume de Jordanie a aussi le goût d’un rapprochement progressif avec tous les pays de la zone. Pour cette raison, dans les milieux diplomatiques, certains observateurs parlent d’un retour de la Syrie dans la Ligue arabe. En vérité, depuis le début du conflit, ce n’est pas la première fois que ce « retour » est mentionné. Déjà en 2018, par exemple, à la veille d’un délicat sommet de l’organisation fixé à Tunis, beaucoup pariaient sur une réintégration de Bachar Al Assad dans la communauté politique arabe. Cette circonstance alors ne s’est jamais produite.

Les temps semblent, cette fois, plus matures. D’abord parce que le président syrien contrôle les deux tiers du pays et que l’armée n’est en dehors que de certaines parties de la province septentrionale d’Idlib. Deuxièmement, parce qu’Assad a aussi de son côté la «victoire» électorale du 26 mai dernier (avec des scores d’un autre temps, 95,1 % des voix à l’issue d’un scrutin condamné par l’opposition en exil et les pays occidentaux, ndlr). Ce sont ces éléments qui rendent le gouvernement de Damas légitimé pour représenter la Syrie. Par ailleurs, après l’avancée des talibans en Afghanistan et l’épouvantail de la rupture des équilibres anciens et nouveaux au Moyen-Orient, tous les pays de la zone ont bien conscience de devoir se concentrer sur la stabilité régionale. Dans cette perspective, la Syrie ne peut rester longtemps comme un trou noir diplomatique entre la Méditerranée et la Mésopotamie. Après les contacts avec la Jordanie, plusieurs rencontres de moyen et haut rang entre des représentants syriens et d’autres gouvernements voisins ont eu lieu. Il n’y a pas encore de date, mais la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe ne serait désormais qu’une question de temps.

Le changement de stratégie des USA

Ce n’est pas un hasard si cette nouvelle phase politique pour la Syrie a commencé en Jordanie, estime Mauro Indelicato. Amman est un allié des États-Unis au Moyen-Orient. En juillet, le roi de Jordanie Abdallah II s’est rendu à la Maison Blanche où il a rencontré le président américain Joe Biden. Les deux hommes ont discuté de la Syrie. Le souverain a évoqué ouvertement, lors de ses entretiens à Washington, la nécessité d’inclure à nouveau Damas au sein de la communauté internationale. C’était la première fois que l’idée de maintenir des relations normales avec Bachar Al Assad était ouvertement évoquée dans la capitale américaine. Le fait que quelques semaines plus tard la Jordanie ait rétabli des relations importantes avec la Syrie est donc fortement révélateur. Il semble très probable que Biden, ait donné le feu vert pour tenter la voie du dialogue.

Aux États-Unis, ce qui fait le plus effrayant, même avant Assad, c’est l’activisme iranien. Téhéran a beaucoup aidé le président syrien pendant le conflit, également dans le cadre du projet de croissant chiite conçu par le général Soleimani, tué par un raid américain à Bagdad le 3 janvier 2020. Un projet qui n’a jamais pris fin, toujours d’actualité. En effet, aujourd’hui plus que jamais, l’Iran a une emprise très forte sur la Syrie, comme le mouvement chiite libanais Hezbollah, dont les militants se sont battus dans les moments les plus chauds de la guerre civile syrienne. Par conséquent, ajoute Mauro Indelicato, l’objectif des États-Unis est maintenant d’empêcher Assad, qui est désormais au pouvoir, de rester trop dans l’orbite iranienne à l’avenir. D’où l’idée de parvenir, étape par étape, à apaiser les tensions diplomatiques avec Damas. Une voie amorcée par la Jordanie et qui devrait être poursuivie par les pays voisins, jusqu’à une éventuelle réduction des sanctions occidentales. De l’autre côté de l’Atlantique, certains vont déjà jusqu’à affirmer, comme l’analyste Neil Quilliam, que les États-Unis vont bientôt se retirer de l’est de la Syrie, un territoire dominé par les forces pro-kurdes où sont présents des centaines de soldats américains.