(Rome, 04 octobre 2021). Après avoir rompu ses relations diplomatiques et la fermeture de l’espace aérien avec le Maroc, l’Algérie adopte la même méthode avec la France, renforçant son isolement international
Le gouvernement algérien, de plus en plus en difficulté sur le plan intérieur en raison de la crise économique et des protestations croissantes, notamment en Kabylie, poursuit sa stratégie de recherche de responsabilité extérieure pour ses problèmes.
Après le conflit politique et diplomatique de longue date avec le Maroc, dont le dernier acte a été de rompre les relations et de fermer l’espace aérien aux vols de la Compagnie nationale marocaine malgré la main tendue à plusieurs reprises par Mohammed VI au dialogue, c’est cette fois le tour de La France, selon l’analyse de Massimiliano Boccolini dans le quotidien «Formiche».
Alger a en effet interdit aux avions militaires français d’utiliser son espace aérien. Il s’agit d’une réponse à un différend qui a débuté sur la question des visas et a donné lieu à une série de commentaires critiques du président Emmanuel Macron à l’encontre du régime actuel qui gouverne l’Algérie.
Des jets français survolent régulièrement l’ancienne colonie française pour atteindre la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, où ses soldats aident les pays de la région à combattre les djihadistes dans le cadre de son opération Barkhane. « Ce matin, lorsque nous avons présenté les plans de vol de deux avions, nous avons appris que les Algériens avaient interdit aux avions militaires français de survoler leur territoire », a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’armée française, Pascal Ianni.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre des tensions qui ont éclaté samedi 2 octobre lorsque le gouvernement algérien a rappelé son ambassadeur en France, dénonçant « une ingérence inadmissible » dans ses affaires. Cette fois ce sont les considérations historiques formulées par Emmanuel Macron qui déchaînent les foudres d’Alger qui, parlant de la guerre d’indépendance de l’Algérie en 1954-1962, il affirmait que le pays était gouverné par un « système politico-militaire » qui avait « totalement réécrit » son histoire. « On voit que le système algérien est fatigué, il a été fragilisé par le Hirak », a-t-il ajouté, faisant référence au mouvement pro-démocratie qui a forcé Abdelaziz Bouteflika à quitter le pouvoir en 2019 après deux décennies à la tête du pays.
Ce n’est pas la première fois qu’Alger rappelle son ambassadeur à Paris, ajoute Massimiliano Boccolini. Il l’avait déjà fait en mai 2020 après que les médias français eurent diffusé un documentaire sur le mouvement Hirak.
Toutefois, les tensions entre Paris et Alger sont apparues la semaine dernière, lorsque le gouvernement algérien a protesté contre le fait que la France avait réduit de manière drastique le nombre de visas qu’elle accordait aux citoyens algériens. Le ministère algérien des Affaires étrangères a convoqué mercredi l’ambassadeur de France, François Gouyette, pour une « protestation formelle ». Pourtant dans un article publié dans « Le Monde », le Président Macron souligne à ses interlocuteurs que la réduction des visas n’aura pas « d’impact » sur les étudiants et les entrepreneurs. L’idée est d’«agacer les personnes qui se trouvent dans l’environnement dominant» et qui «avaient l’habitude de demander facilement des visas».
En réponse à une jeune fille ayant grandi à Alger, le chef de l’Etat français a assuré, selon « Le Monde », qu’il ne pensait pas qu’il y ait une « haine » contre la France « de la part de la société algérienne dans son ensemble », mais seulement d’une organisation politico-militaire ». Dans son échange, le président français a assuré avoir eu « un bon dialogue avec le président (algérien), Abdelmajid Tebboune », mais a tout de même ajouté : « Je vois qu’il est prisonnier d’un système très dur ».
La presse algérienne a émis de vives critiques. Le journal « El Watan » a consacré sa Une à l’affaire avec un article affirmant que « le président français a exprimé de sévères critiques à l’encontre des dirigeants algériens ». Pour les médias locaux, un autre passage contesté des déclarations de Macron concerne l’identité même des Algériens.
« Y avait-il une nation algérienne avant la colonisation française ? Telle est la question », s’est interrogé le président français, rappelant qu’il y a eu des « colonisations antérieures » sur ce territoire. Selon « Le Monde », M. Macron s’est dit « fasciné de voir la capacité de la Turquie à faire complètement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée », faisant allusion à l’Empire ottoman.
Pour comprendre le cadre géopolitique dans lequel s’inscrit cette crise, poursuit Massimiliano Boccolini, il suffit de lire l’éditorial publié par Abdel Bari Atwan, le célèbre ancien rédacteur en chef du journal « al-Qods al-Arabi », ancien partisan du régime de Saddam Hussein et des factions palestiniennes. Dans un éditorial publié dans son nouveau journal, « Ra’i al-Youm », et repris par la presse algérienne, Atwan écrit que « les déclarations du président français Emmanuel Macron dans lesquelles il niait l’existence du peuple algérien avant l’occupation française en 1830, et dans lesquelles il insulte le président, le régime et l’armée algérienne, constituent une déclaration de guerre contre l’Algérie dans le cadre d’un complot américano-israélien qui la prend pour cible. Il veut la mettre à genoux, la vider et la démanteler, à l’instar de ce qui s’est passé en Syrie, en Libye et en Irak ».
Cette analyse d’Atwan n’est pas fortuite et montre de plus en plus quel côté l’Algérie a décidé de prendre au niveau régional et international. En fait, ce n’est pas un hasard si le seul pays à avoir soutenu sa décision de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc était précisément l’Iran, à un moment où l’ensemble du monde arabe appelait au dialogue avec Rabat.