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L’Etat islamique en Afghanistan pourrait déstabiliser les talibans

(Rome, 23 août 2021). Un autre danger existe pour les milliers d’Afghans qui tentent de fuir Kaboul. En effet, selon les renseignements américains, l’Etat islamique pourrait se réactiver et organiserait une attaque dans les zones adjacentes à l’aéroport de la capitale. L’alerte a été donnée ces dernières heures par des sources sécuritaires américaines, citées par le journal New York Times. Concrètement, les miliciens fidèles à l’État islamique (EI) voudraient profiter du chaos actuel qui règne à l’aéroport de Kaboul, assiégé par des milliers de réfugiés, visant à déstabiliser la situation dans la ville et mettre les talibans en difficulté. Il y a de l’animosité parmi les étudiants coraniques et les djihadistes. Cependant, l’impression est que l’alerte à l’aéroport de Kaboul cache bien d’autres dangers futurs, d’après l’analyse de Mauro Indelicato dans le quotidien «Il Giornale/Inside Over».

Pourquoi l’EI voudrait attaquer l’aéroport

Bien que les deux factions aient leurs racines dans l’extrémisme islamique, les talibans et les adeptes de l’État islamique ont toujours été sur une trajectoire de collision. Principalement pour des raisons idéologiques. Les nouveaux maîtres de Kaboul ont pour objectif la formation d’un émirat afghan, alors que l’Etat islamique a toujours plaidé pour un califat international sur le modèle de ce qu’il avait réussi à réaliser entre la Syrie et l’Irak il y a quelques années. Ensuite, il existe un autre aspect. Au sein des cellules de l’État islamique afghan se trouvent de nombreux combattants étrangers. Pour les héritiers du mollah Omar, les groupes EI présents sur leur propre territoire sont donc considérés comme des envahisseurs. Dans plusieurs districts d’Afghanistan entre les deux parties, la guerre était ouverte jusqu’à il y a quelques années, particulièrement dans les zones proches de Jalalabad, dans les campagnes proches de la frontière pakistanaise. Ici, les talibans ont combattu l’EI entre 2015 et 2016, tuant plusieurs dirigeants locaux de la faction adverse. Tout cela, sans trop de mystère, avec l’approbation des Américains avant même le début formel des pourparlers entre les Etats-Unis et les étudiants coraniques qui ont eu lieu en 2018.

L’EI a donc un compte ouvert avec les nouveaux maîtres de l’Afghanistan, ajoute Mauro Indelicato. Et maintenant que ces derniers sont au pouvoir, l’objectif djihadiste est de les mettre en difficulté. L’attaque de l’aéroport de Kaboul représenterait un coup dur pour les nouveaux dirigeants afghans. Tout d’abord, il s’agirait d’une atteinte importante à leur image, tant au niveau local qu’à l’international. Sur le plan local, les talibans ne seraient pas en mesure d’assurer la sécurité tant souhaitée (et promise). En revanche, les étudiants coraniques à l’étranger seraient accusés de n’avoir rien fait pour assurer la sécurité de ceux qui fuient Kaboul. Sur le plan politique, une attaque contre l’aéroport de la capitale pourrait faire office de détonateur dans les relations entre les États-Unis et les talibans. Washington se sentirait autorisé à sortir du périmètre aéroportuaire et à étendre son champ d’action actuel à certains points clés de la ville. L’objectif ultime serait d’achever l’évacuation des citoyens en difficulté.

L’EI en Afghanistan

Le pays asiatique est connu pour avoir accueilli des bases d’Al-Qaïda dans les années 1990 et 2000. Le centre de gravité du terrorisme international s’est ensuite déplacé entre l’Irak et la Syrie, notamment après la naissance du califat islamique proclamé par Abou Bakr Al-Baghdadi en 2014. L’EI y avait ses bases, et le territoire afghan n’a donc été convoité par les miliciens de l’Etat islamique que dans un second temps. Beaucoup d’entre eux ne sont pas Afghans. Au contraire, ce sont des combattants irakiens, syriens ou maghrébins qui ont déjà combattu au sein du califat. Des combattants étrangers se sont ensuite installés dans les montagnes autrefois habitées par les disciples d’Oussama Ben Laden. La présence des talibans a empêché l’EI de s’enraciner profondément en Afghanistan. Mais le mouvement djihadiste est tout aussi très dangereux. Selon des sources sécuritaires américaines, entre 600 et 800 miliciens opèrent et beaucoup d’entre eux sont concentrés dans la zone située autour de Jalalabad.

Une zone dangereuse car proche de la frontière avec le Pakistan, d’où peuvent passer des armes et des munitions. Le danger de l’EI en Afghanistan est attesté par les récentes attaques terroristes sanglantes. Les drapeaux noirs du califat ont revendiqué le 8 mai dernier l’attentat contre l’école des filles de Kaboul, un épisode au cours duquel 55 victimes ont été dénombrées, dont de nombreuses jeunes étudiantes. Des écoles et des établissements de formation ont été pris pour cible à d’autres occasions, comme en novembre, toujours dans la capitale afghane, où une explosion à l’université a tué 20 étudiants. L’Etat islamique est donc très actif et constitue actuellement une menace sérieuse. Tant pour les civils afghans que pour l’équilibre politique que les talibans voudraient mettre en place.

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