(Rome, 16 août 2021). Kaboul est désormais aux mains des talibans et en quelques jours l’ensemble de l’Afghanistan est devenu un émirat islamique après une campagne militaire éclair qui ramène le groupe radical au pouvoir, après une précédente domination qui a duré de 1996 à 2001. Voici le portrait d’Akhundzada ainsi que autres chefs talibans, comme le rapporte le site de la chaine italienne «Rai News».
Haibatullah Akhoundzada, le leader général : le mollah a été nommé à la tête des talibans en mai 2016. Son accession au pouvoir a été rapide, quelques jours après la mort de son prédécesseur, Akhttar Mansour, tué par un drone américain au Pakistan. Avant sa nomination, peu d’informations circulaient sur ce savant, le plus grand spécialiste des questions juridiques et religieuses, moins encore de la stratégie militaire. Selon plusieurs analystes, son rôle à la tête du mouvement aurait été plus symbolique qu’opérationnel, mais en réalité Akhoundzada a pu rapidement obtenir une promesse de loyauté d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaïda. Ce dernier l’a surnommé « l’émir des croyants », lui permettant d’affirmer sa crédibilité dans la galaxie djihadiste. Akhoundzada – le fils d’un théologien, originaire de Kandahar, berceau de l’ethnie pachtoune et des talibans, dans le sud de l’Afghanistan – a également réussi la difficile tâche d’unifier le groupe, très divisé par une violente lutte pour le pouvoir après la mort de Mansour et la révélation de la mort cachée du fondateur, le mollah Omar. Au cours des dernières années, Akhoundzada a réussi à maintenir la cohésion du groupe, tout en restant très discret, se limitant à diffuser des messages à l’occasion des principales fêtes islamiques.
Abdul Ghani Baradar, le co-fondateur : né en 1968 dans la province d’Uruzgan (Sud), élevé à Kandahar, il a lutté contre les Soviétiques dans les années 1980. Après l’éviction des Russes en 1992 et l’engloutissement du pays par la guerre civile, Baradar a établi une madrassa (école coranique) à Kandahar avec son ancien commandant et beau-frère présumé, Mohammad Omar, décédé en 2013 et dont la mort a été cachée pendant deux ans. Ensemble, les deux mollahs ont fondé les talibans, un mouvement dirigé par de jeunes érudits islamiques voués à la purification religieuse du pays et à la création d’un émirat. Baradar est considéré comme l’architecte de la victoire militaire de 1996 ainsi que celle d’aujourd’hui. Pendant les cinq années du régime taliban, jusqu’en 2001, il a occupé une série de rôles militaires et administratifs et à la chute de l’Émirat, il occupait le poste de vice-ministre de la Défense. En 2001, après l’intervention américaine et la chute du régime taliban, Baradar aurait fait partie d’un petit groupe d’insurgés prêts à signer un accord reconnaissant l’administration de Kaboul, mais ce fut une initiative infructueuse, qui n’a pas abouti. En 2010, lorsqu’il a été arrêté à Karachi, au Pakistan, Baradar était alors le chef militaire des talibans. Pendant de son exil, qui a duré au total 20 ans, il a pu conserver la direction du mouvement. En 2018, il a été libéré à la demande expresse et sous pression de Washington, et a signé les accords de Doha. Ecouté et respecté par les différentes factions talibanes, il est par la suite nommé à la tête de leur bureau politique, établi au Qatar, d’où Baradar a mené des négociations avec les Américains, qui ont abouti au retrait des forces étrangères d’Afghanistan et à l’échec des négociations de paix avec le gouvernement afghan. Il est désormais le principal candidat à la présidence du nouveau gouvernement intérimaire afghan. Il y a seulement quelques jours, il a quitté Doha pour rejoindre Kaboul.
Sirajouddin Haqqani, chef du réseau Haqqani : fils du célèbre commandant du jihad antisoviétique, Jalalouddin Haqqani, Sirajouddin est le numéro 2 des talibans et le leader du puissant réseau qui porte le nom de sa famille. Le réseau Haqqani, fondé par son père, est considéré comme terroriste par Washington, qui l’a toujours considéré comme l’une des factions les plus dangereuses pour les troupes américaines et de l’OTAN depuis deux décennies. Le réseau est connu pour son recours aux kamikazes, qui ont perpétré l’une des attaques les plus dévastatrices perpétrées en Afghanistan ces dernières années. Sirajouddin Haqqani a été accusé d’avoir tué certains dirigeants afghans importants et d’avoir pris en otage des Occidentaux, qui ont ensuite été libérés contre rançon ou en échange de prisonniers. Ce fut le cas, par exemple, avec le soldat américain Bowe Bergdahl, libéré en 2014 en échange de cinq détenus afghans dans la prison de Guantanamo. Connus pour leur indépendance, leur capacité à se battre et à conclure des affaires «rentables», les Haqqani seraient responsables des opérations des talibans dans les zones montagneuses de l’est de l’Afghanistan et auraient une forte influence sur les décisions prises par les dirigeants du mouvement.
Le mollah Yaqoub, l’héritier : Mohammad Yaqoub, 30 ans, est le fils du feu mollah Mohammad Omar, chef de la puissante commission militaire des talibans qui établit les lignes stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan. Yaqoub bénéficie d’une forte influence et de l’héritage de son père, objet d’un véritable culte, ce qui fait de lui une figure fédératrice au sein d’un mouvement large et divisé. Cependant, son rôle précis au sein du mouvement fait l’objet de nombreuses spéculations, certains observateurs considérant sa nomination à la tête de la commission en 2020 comme purement symbolique.