(Rome, 10 juillet 2021). L’État islamique brandit la menace contre Rome dans le nouveau numéro du magazine Al Naba. Un objectif convoité, tant d’un point de vue symbolique que pratique, annoncer vouloir frapper l’Italie est utile à la propagande du groupe terroriste, qui profite de la réunion de la Coalition mondiale contre Daech pour faire passer son message aux prosélytes
« Le ministre italien des Affaires étrangères a admis qu’il ne suffit pas de traiter avec l’État islamique en Irak et en Syrie, mais nous devons regarder « d’autres endroits » où il est présent, étant donné que l’expansion de l’État islamique en Afrique et au Sahel est «préoccupante», affirmant que protéger les régions du Sahel signifie « protéger l’Europe » ! ». L’extrait cité est tiré de l’auteur du magazine Al Naba, une publication de l’État islamique qui a maintenant atteint son 294e numéro, qui déguisé en magazine faisant autorité, analyse ce qui se passe autour du groupe et raconte ses évolutions. Le but, ne l’oublions pas : c’est la propagande.
Ce qui fait référence au ministre Luigi Di Maio (jamais mentionné) est une page narrative qui reprend la réunion de la Coalition mondiale anti-Daesh qui a eu lieu à Rome, et exploite l’évènement pour lancer des messages menaçants dans le seul but de capter l’attention de prosélytes et de nouveaux adeptes potentiels, comme l’analysent Massimiliano Boccolini e Emanuele Rossi dans le célèbre site «Formiche». L’État islamique est, à tout point de vue, une entreprise qui se nourrit de prosélytisme : plus il parvient à s’emparer de personnes qui suivent son idéologie et ses activités, plus il devient fort. C’est sur cela que se fondait le statut d’État obtenu entre 2014 et 2016 entre la Syrie et l’Irak.
C’est à cette époque où les prédicateurs de l’Etat islamique d’alors, devenu plus tard l’acronyme mondial EI (qui a supprimé les références territoriales à l’Irak et à la Syrie), ont réussi à faire en sorte que leurs propres instances prennent racine parmi les jeunes sunnites irakiens harcelés par des années d’oppression de la minorité chiite, ou chez les Syriens en pleine guerre contre le régime alaouite. De là est né le Califat, qui a ensuite exporté ses pensées ailleurs, créant des points chauds internationaux (comme celui de la Libye). Les conditions ont changé précisément grâce aux forces de la coalition qui se sont réunies à Rome.
La guerre contre les forces bagdadistes se poursuit : ayant perdu son statut d’État sous les frappes des unités militaires également dirigées par les Américains, l’État islamique est désormais réduit à une force rampante en Syrie, mais ailleurs il inquiète. Notamment, comme le rappelle M. Di Maio, en Afrique. C’est là que se concentre l’attention de la Coalition : les faiblesses nord-africaines, les frontières floues du Sahel, la déstabilisation des régions centrales permettent (comme il y a sept ans en Syrie et en Irak) l’expansion du groupe. La fusion entre les différentes branches, certaines en contact avec la maison mère (du Moyen-Orient), pourraient avoir des conséquences dévastatrices.
Al Naba, ajoutent Mrs. Boccolini e Rossi, lance le message suivant : « L’État islamique prendra Rome ». Une menace qui n’est pas nouvelle : Rome est une cible symbolique autant qu’une cible (géo) politique. Il ne s’agit manifestement pas d’une campagne militaire en préparation. Mais du point de vue de la propagande, frapper l’Italie, c’est à la fois attaquer le pays qui abrite l’État du Vatican (le royaume des mécréants pour l’EI, avec le Pape qui en mars, depuis l’Irak, avait envoyé un puissant message contre les terroristes), à la fois une nation centrale dans la dynamique européenne, membre du G7, pierre angulaire du système occidental et centre d’activités opérationnelles contre le terrorisme.
Une attaque sur le sol italien serait un grand coup pour les bagdadistes, et c’est pour cette raison qu’elle fait l’objet d’une propagande depuis un certain temps. Comme auparavant, les menaces contenues dans Al Naba sont également considérées par les unités de renseignement et de sécurité italiennes comme de la pure propagande. Mais l’attention ne faiblit pas ; la sous-estimation n’est pas possible. Comme le souligne l’analyste Stefano Mele, la force des bagdadistes en ce moment se concentre encore dans la capacité de recruter des acteurs isolés, dépourvus de techniques offensives, et de les endoctriner jusqu’à les faire passer à l’action. Des loups solitaires capables de produire la panique et la déstabilisation, car ils sont encore capables d’être mortels comme l’a démontré il y a quelques semaines à Wuezburg en Allemagne.
(Photo-Formiche)