Libye: ce qui n’a pas été décidé sur les élections

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(Rome, 03 juillet 2021). Les réunions organisées par l’ONU pour délimiter le périmètre constitutionnel avant le vote de décembre ont échoué. Les délégués politiques libyens ont montré toutes leurs divisions, qui constituent également le résultat de nouvelles tensions entre certains des acteurs extérieurs tels que l’Egypte et la Turquie

Comme le rapportent Massimiliano Boccolini et Emanuele Rossi dans «Formiche», les pourparlers du Forum de dialogue politique sur la Libye ont échoué. La réunion parrainée par l’ONU dont l’objectif était d’ouvrir la voie aux élections en Libye (fixées par l’ONU le 24 décembre) n’a pas réussi à trouver un terrain d’entente pour construire un cadre constitutionnel en vue du vote.

La communication, rendue publique tard dans la soirée du vendredi 2 juillet par l’adjoint de la mission des Nations Unies en Libye, résumait une semaine d’entretiens au cours de laquelle certains hommes politiques membres du Forum ont tenté de reporter la date du vote malgré la forte pression exercée par l’ONU et diverses chancelleries (comme Rome et Washington).

Raisedon Zenenga, secrétaire général adjoint et coordinateur de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (Unsmil), a déclaré lors de la séance de clôture que « le peuple libyen se sentira certainement déçu car il aspire toujours à avoir la possibilité d’exercer ses droits démocratiques lors des élections présidentielles et législatives du 24 décembre. Cela ne présage rien de bon pour la crédibilité et la pertinence futures du FDPL (le Forum de dialogue politique libyen, ndlr) ».

« Je vous encourage à continuer à vous concerter pour rechercher un compromis viable et cimenter ce qui vous unit », a-t-il ajouté, clôturant la réunion au cours de laquelle toutes les divisions présentes dans le paysage politique libyen ont été démontrées. Des divisions qui se manifestent dans une phase délicate, où le démarrage du processus de stabilisation qui a suivi le cessez-le-feu d’octobre 2020 et la nomination d’un gouvernement d’union nationale par le Forum, est particulièrement sensible à certaines évolutions.

La communauté internationale a déjà rappelé lors de la conférence de Berlin-2 du 23 juin que le vote de décembre doit être considéré comme un moment crucial pour la création d’équilibres plus solides dans le pays. Ce passage est à combiner avec la sortie du pays des différentes forces étrangères qui ont pris parti sur les deux fronts lors de la dernière guerre (avril 2019 – octobre 2020) et le lancement des réformes à caractère économique.

  Selon des sources du Forum de Genève parlant à «Formiche.net», ajoutent MM Boccolini et Rossi, l’une des raisons de l’impasse est liée à la volonté de certains membres de permettre à l’homme fort de Cyrénaïque, Khalifa Haftar, de se présenter aux élections présidentielles. Haftar, qui avait lancé en avril 2019 un assaut militaire contre le précédent gouvernement onusien du GNA, est considéré par une grande partie de la Tripolitaine comme un rival, d’où une forte intransigeance à l’Ouest sur sa personne.

Vendredi soir, le Premier ministre désigné par le Forum avec pour mission de diriger le pays vers les élections, Abdelhamid Dabaiba, a tweeté en demandant à toutes les âmes libyennes d’assumer la « responsabilité » de « donner la priorité à l’intérêt public et de s’accorder sur une formule garantissant la tenue des élections à temps et permettent au peuple libyen d’exercer son droit de vote ».

Selon une source libyenne, cette déclaration (qui va à l’encontre des spéculations selon lesquelles Dabaiba voulait prolonger son mandat et reporter le vote) est liée à la nécessité d’anticiper la candidature de Haftar. La même source explique à «Formiche.net» que le refroidissement des relations entre l’Egypte et la Turquie pèse sur le processus de dialogue qui se déroule en Suisse. Les deux pays sont deux acteurs extérieurs majeurs dans le dossier libyen, l’un du côté de la Cyrénaïque et l’autre du côté de la Tripolitaine, qui après un redémarrage des relations sont revenus aux frictions post-Berlin-2, lorsqu’ils ont adopté des positions différentes sur le retrait de forces étrangères. L’Egypte a demandé des garanties de sortie complète, la Turquie s’est rendue disponible pour retirer les mercenaires syriens mais pas les unités régulières qui avaient soutenu Tripoli sur la base d’un accord de coopération signé avec le GNA.