Les talibans accélèrent la reconquête de l’Afghanistan

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(Rome, 22 juin 2021). Les nouvelles en provenance d’Afghanistan sont de plus en plus inquiétantes. Alors que le retrait des troupes américaines et internationales se poursuit comme prévu, les talibans continuent d’avancer vers le nord du pays, conquérant de nouvelles villes et menaçant les grands centres urbains, les seuls qui sont vraiment protégés par les forces afghanes.

L’avancée des talibans, mettant en danger la population locale, montre clairement la faiblesse des forces régulières et l’incapacité du gouvernement de Kaboul à garantir la paix et la sécurité dans le pays sans l’aide de troupes étrangères. Le problème s’était déjà posé ces dernières années, mais l’intervention des soldats de l’OTAN et le soutien aérien garanti par les forces américaines avaient limité l’avancée des talibans. Actuellement, la situation sur le terrain évolue et les talibans savent que le moment est venu d’exploiter la faiblesse de l’armée afghane en leur faveur, notamment en vue de la reprise des pourparlers de paix.

L’avancée des talibans dans le nord

Ces derniers jours, les talibans ont réussi à pénétrer dans deux provinces du nord, Kunduz et Fâryâb, infligeant de lourdes pertes à l’armée afghane et prenant possession du matériel militaire qui leur a été remis par les forces américaines. L’avancée des combattants dans le nord a non seulement une valeur stratégique, mais aussi symbolique : Kunduz, chef-lieu de la province du même nom, avait déjà été conquise par les talibans en 2015-2016 et n’a ensuite été libérée que grâce à l’intervention américaine. Cette fois, les talibans ne sont parvenus qu’à l’entrée de la ville, mais ont conquis d’autres districts ruraux de la même province et des régions voisines, augmentant ainsi le territoire sous leur contrôle. Dans le cas de Fâryâb, l’assaut contre la capitale Maimana a coûté la vie à 24 agents des forces d’élite de l’armée afghane et des dizaines d’autres soldats ont été contraints de se rendre et de quitter la zone pour sauver leur vie.

Les talibans, comme cela s’est déjà produit dans les années 1990, ont promis d’épargner les soldats qui déposent les armes et passent des accords avec les dirigeants locaux pour prendre le contrôle des villages et des villes sans recourir à la force. Un accord que beaucoup, notamment dans les zones périphériques, ont décidé d’accepter, conscients qu’aucun renfort ne viendrait de Kaboul ou des capitales provinciales. Pour tenter de mettre un terme aux défections et à ce genre d’accords, le président Ashraf Ghani a menacé d’arrêter ceux qui collaborent avec les talibans, mais ses déclarations n’ont eu aucun effet. Le gouvernement ne dispose pas des ressources nécessaires à de telles opérations et n’a aucun intérêt à disperser ses troupes sur le vaste territoire afghan, déployées pour défendre les principaux centres de population.

Une armée faible

L’avancée des talibans et les défections parmi les agents mettent en évidence toute la faiblesse de l’armée afghane quelques mois après le retrait des troupes internationales et les perspectives à long terme ne sont pas très rassurantes. Comme le rapporte le « New York Times », l’armée est trop dépendante des sous-traitants étrangers pour les opérations de réparation, d’entretien et de formation, ce qui réduit encore la capacité de l’armée à résister une fois que les troupes étrangères quittent le pays. C’est l’armée de l’air qui est particulièrement touchée par ce problème, dont les opérations seront fortement réduites après le retrait américain.

La seule solution jusqu’à présent avancée par le Pentagone est d’amener le gouvernement de Kaboul à engager des entrepreneurs privés capables de se substituer à ceux payés par l’administration américaine, contournant ainsi les termes de l’accord négocié avec les talibans. Cela devrait conduire à une augmentation des dépenses de défense alors que la population demande au contraire plus d’attention à d’autres questions, en premier lieu celui de la lutte contre la pauvreté. Un fait à ne pas sous-estimer lorsque plusieurs dirigeants locaux ont décidé de se rendre aux talibans parce qu’ils sont déçus par un gouvernement qui n’a pas fait assez pour améliorer les conditions de vie de ses citoyens.

Les pourparlers de paix

Après des mois d’impasse, à la mi-juin, une nouvelle réunion a eu lieu entre les talibans et les envoyés du gouvernement afghan à Doha, au Qatar, pour discuter du processus de paix, mais la route vers un accord final entre les parties est encore longue. Les talibans n’ont pas encore présenté de proposition officielle sur la base de laquelle poursuivre les pourparlers, se limitant à affirmer que la vie en Afghanistan doit être réglementée par un « véritable système islamique ». Le chef politique des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, a également précisé que les femmes et les minorités seront protégées, mais n’a pas fourni plus de détails sur les droits qui leur seront accordés. Pendant ce temps, l’impasse dans lesquels se trouvent les pourparlers fait entre-temps le jeu des talibans : grâce à la conquête de nouveaux territoires, ces derniers peuvent négocier en position de force croissante, mettant en difficulté les représentants de Kaboul et leurs alliés internationaux.

La prise du pouvoir par les talibans était un scénario tenu pour acquis une fois le retrait des troupes étrangères terminé, mais l’Afghanistan passe aux mains des fondamentalistes plus tôt que prévu.

Futura D’Aprile. (Inside Over)