(Montréal, 17 mai 2021). Le prestigieux journal francophone libanais, L’Orient-Le-Jour (OLJ) a fait preuve d’une grave légèreté d’analyse et induit ses lecteurs dans l’erreur. Consciemment ou inconsciemment, l’OLJ, se revendiquant pourtant souverainiste, joue le jeu des anti-souverainistes en tentant de saper le dernier socle du Liban libre. Le 12 mai dernier, il a titré : « après la visite de Le Drian, les Forces Libanaises semblent de plus en plus isolées ».
Dans son analyse, l’OLJ cite une source anonyme attribuée aux FL pour souligner que « les Français ont fini par réaliser que nos craintes quant au risque que leur initiative finisse par renflouer la classe politique actuelle sont avérées ». Alors que l’opinion publique plébiscite les FL, non seulement en régions chrétiennes mais aussi et surtout dans la communauté sunnite, car elles demeurent le dernier rempart contre l’effondrement de l’Etat, l’OLJ a cru bon de conclure que les FL sont aujourd’hui « politiquement isolées sur la scène locale ». Ce constat erroné du journal tient au fait que le ministre français des Affaires étrangères n’a pas rencontré des représentants des FL lors de sa dernière visite au Liban.
Pourtant, Paris avait fait comprendre que « neuf mois après les visites du président Macron à Beyrouth, au lendemain de l’explosion du port, et le lancement de son initiative politique pour sortir le Liban de la crise, Paris constate que les Forces Libanaises avaient raison dans leur approche, basée essentiellement sur la nécessité d’organiser des élections législatives anticipées pour en finir avec la majorité actuelle ». L’échec de l’initiative française et celui du premier ministre désigné Saad Hariri à former un gouvernement, en raison des conditions imposées par la présidence de la République au nom de Gebran Bassil et du Hezbollah, prouvent que les FL avaient raison. Mieux encore, la persistance de la crise politique, la très mauvaise gestion économique, l’ampleur de la corruption institutionnalisée, la complicité de la classe dirigeante avec le Hezbollah par opportunisme ou par peur, ne font pourtant que renforcer les FL dans leur rôle de « sauveur du Liban ».
Dans son argumentaire, l’OLJ souligne que certaines composantes de la contestation (Hirak) refusent farouchement de collaborer avec les FL, accusées d’avoir longtemps fait partie du pouvoir. Il s’agit ici d’une double erreur : d’abord, les FL n’avaient pas de ministères régaliens, se sont toujours opposées à la politique de compromission et des passations des marchés de gré à gré, et ont démissionné du gouvernement au lendemain de l’éclatement de la révolte du 17 octobre 2019. De ce fait, les FL n’ont jamais réellement fait partie de la classe dirigeante. Et s’appuyer sur le témoignage des composantes de la contestation, sans les citer, est une erreur de très mauvais goût. Car justement, parmi ces composantes, figurent notamment les gauchistes et autres marxistes, qui ont toujours donné la primauté de leur combat politique à la cause palestinienne au détriment du Liban et de sa souveraineté. D’ailleurs, l’OLJ semble avoir oublié que les principaux manifestants des premiers jours du Hirak étaient des militants du Hezbollah et du Courant Patriotique Libre qui voulaient « renverser la table » tel que prévu par Gebran Bassil quatre jours avant les premières manifestations, lors de son discours commémorant la défaite du 13 octobre 1990. Leur mouvement était dirigé essentiellement contre le secteur bancaire et Riad Salamé en tête, et contre le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, deux présidentiables accusés d’entretenir des relations avec les Etats-Unis et de comploter contre le Hezbollah, et qui pouvaient concurrencer la candidature de Bassil. Il est évident que ces composantes refusent naturellement de coopérer avec les derniers souverainistes !
L’OLJ se contredit car, dans le même article, tout en affirmant que les FL faisaient partie du pouvoir, il rappelle que « plus d’un mois avant le 17 octobre 2019, soit le 2 septembre, Samir Geagea avait plaidé pour un gouvernement apolitique de spécialistes qui serait à même de mettre en application les réformes visant à redresser l’économie déjà moribonde du pays », et que « deux jours après le 17 octobre, leurs ministres ont claqué la porte du gouvernement ».
Aussi, l’OLJ se contredit en soulignant que le parti des FL se trouve de plus en plus isolé sur la scène politique locale, car il ne participe pas aux tractations gouvernementales en cours. Comment serait-il partie intégrante du pouvoir tout en refusant même de négocier une place au gouvernement ? Bien au contraire, les FL refusent de cautionner le gouvernement, quel qu’il soit, tant qu’il sera soutenu par le même parlement pour mener la même politique.
Mise au point des FL
Les FL ont réagi à cette lecture biaisée de l’OLJ, en publiant, dans le même journal du 13 mai, un droit de réponse cinglant. Le Département des médias au sein du parti a énuméré les inexactitudes qui s’y sont glissées. Dans leur réponse, les FL précisent que :
- Concernant la conclusion de l’article jugeant que les Forces Libanaises étaient de plus en plus isolées et que des composantes de la contestation refusaient de coordonner avec les FL, il convient de rappeler qu’aucun groupe ne peut résumer à lui seul le soulèvement du 17 octobre, ni n’a le droit de parler en son nom et encore moins de se présenter comme porte-parole officiel ; Le soulèvement du 17 octobre comprend des groupes de tous bords, aux convictions parfois divergentes. Les FL coopèrent régulièrement avec plusieurs groupes et personnalités qui partagent ses valeurs et ses convictions que sont la souveraineté, l’indépendance et la nécessité de mener des réformes adéquates.
- Concernant l’absence des FL aux réunions avec Jean-Yves le Drian, les FL rappellent que M. Le Drian a tenu à rencontrer ceux qui sont responsables de former un gouvernement et a réitéré la nécessité de le faire au plus vite afin d’éviter un effondrement total du pays. Il a aussi répondu favorablement au désir qu’avaient émis certains groupes et mouvements de le rencontrer en vue de faire connaissance. Les positions du Patriarche maronite Bechara el-Raï (lui aussi absent des rencontres avec Le Drian, NDLR), et du chef du parti Forces libanaises, Samir Geagea, sont connues de tous et surtout de M. Le Drian. Elles demeurent inchangées. Une rencontre supplémentaire avec M. Le Drian ne pouvait apporter aucun nouvel élément.
- Quant à la conclusion de l’article concernant le prétendu isolement des forces libanaises parce que M. Le Drian n’aurait pas rencontré les FL, cette conclusion est totalement erronée et sans fondements. Il est important de rappeler que le but principal de la visite de M. Le Drian au Liban était d’informer les personnes concernées par la formation du gouvernement du fort mécontentement de la France face au blocage continu qu’exercent ces politiques. La position des Forces Libanaises, elle, est très précise et claire vis-à-vis de ce dossier. Les FL représentent une grande force politique bien établie qui n’avait pas besoin de présenter, à nouveau, sa position à M. Le Drian. Ce qui n’est pas le cas pour certains petits groupes qui souhaitaient rencontrer le ministre français des Affaires étrangères pour faire connaissance d’une part, et, d’autre part, lui présenter ce qu’ils font. Et ceci est tout à fait compréhensible.
- Les FL rappellent à l’OLJ que seules les urnes sont à même de décider quels partis politiques sont isolés et quels partis ne le sont pas.
Les lecteurs de l’OLJ s’interrogent si l’auteure de l’article avait bu avant de pondre ces aberrations et d’étaler ses contradictions en public ? Qui l’aurait induit dans ces erreurs d’appréciation ? S’informe-t-elle auprès des cellules de Laqlouq, pour discréditer les FL, seul obstacle devant son leadership chrétien et par conséquence le principal obstacle devant son accession à la présidence ? S’inspire-t-elle du Hezbollah ou de ses maîtres transfrontaliers qui voient en Samir Geagea et les FL le rempart devant l’effondrement définitif du Liban et son rattachement, malgré lui, à l’axe syro-iranien ? En définitive, l’auteure nuit avant tout à la respectabilité du journal, surtout qu’elle cite des sources françaises au moment où l’ambassade de France au Liban et le Quai d’Orsay avaient démenti en bloc toutes les allégations autour des rencontres de M. Le Drian à Beyrouth.
Après tout, il n’y a que la vérité qui vaille !
Sanaa T.