Dabaiba n’atterrit pas à Syrte. Voici ce qui s’est passé en Libye

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(Rome, 30 avril 2021). Autour de Syrte, où se tiennent les réunions du mécanisme de dialogue militaire «5+5», se déroule une partie de la dynamique de la Libye actuelle. La question de la sécurité (de la route côtière est-ouest) et celle des milices et des mercenaires étrangers.

Selon le Premier ministre libyen, Abdelhamid Dabaiba, ceux qu’il a qualifiés de mercenaires étrangers l’ont empêché d’atterrir à l’aéroport de Syrte, alors qu’il était « Libyen et l’aéroport est sur le sol libyen ». Syrte est une ville située sur le golfe éponyme, au centre de la Libye. Elle est connue pour être le lieu de naissance et la demeure mortelle du Raïs Kadhafi, pour avoir servi de «capitale florissante» de l’État islamique de 2015 à 2016, et pour être le point de cessez-le-feu de la dernière guerre civile entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque.

Géographiquement, elle est située dans une hypothétique ligne de partage est-ouest, bien qu’elle appartienne culturellement à la Tripolitaine. La situation dans la ville est la suivante: à l’intérieur, se trouvent des milices liées au chef de guerre de Benghazi, Khalifa Haftar, tandis qu’à l’extérieur, se trouvent des milices Tripolitaines qui y ont arrêté leur contre-offensive soutenue par la Turquie. Mais Dabaiba parle de «mercenaires étrangers» parce que des hommes du groupe Wagner sont également présents dans la zone, une unité de «sous-traitants» armés souvent associée au sale boulot du Kremlin.

Ceux-ci, d’après divers types de dénonciations du public (de l’ONU à AfriCom), auraient même construit un mur de protection qui relie Syrte à al Jufra, une ville de l’arrière-pays qui abrite une base aérienne où se trouvent Mig et Sukhoi russes (transférés de Syrie sur ordre de Moscou mais sans insigne d’identification, selon le schéma de la guerre hybride de Poutine). Quand Dabaiba parle de ces mercenaires, même s’il n’y fait pas explicitement référence, il ne peut que désigner les Russes – ou tout au plus une série de «sous-traitants» africains (tchadiens et soudanais) qui ont été embauchés par les commanditaires de Haftar pour la guerre qui a eu lieu entre avril 2019 et octobre 2020. D’autres contractants, des Syriens déplacés de Turquie, n’ont pas le contrôle de l’intérieur de la ville.

A ces mêmes heures, dans un communiqué publié sur le profil Facebook de l’opération «al Bunian al Marsous», le groupement avec lequel les milices de l’Ouest ont coordonné la contre-offensive à l’assaut haftarien, le commandant des QG de «Sirte Al-Jufra» a souligné: «Nous avons établi 3 conditions pour l’ouverture de la route côtière, qui se résument par un cessez-le-feu, le déminage et le retrait des mercenaires». Il s’agit de la route côtière qui relie l’est à l’ouest de la Libye, une liaison dans laquelle l’Italie joue un rôle clé dans la construction d’une future infrastructure autoroutière.

La question de la sécurisation de l’actuelle route côtière, ainsi que celle des milices étrangères et des mercenaires, ont été débattues jusqu’à hier, jeudi 29 avril, lors des réunions du Comité militaire «5+5», un organe composé d’un nombre égal de commandants de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque – et qui, comme le gouvernement Dabaiba, se déplace sous les auspices de l’ONU depuis la négociation du cessez-le-feu en octobre dernier. Selon les membres de l’Ouest (Libyen), il existe plusieurs malentendus liés aux Haftariens; selon le directeur du département des affaires morales de la milice Haftar, «le problème dans la région occidentale réside dans les groupes armés qui ne sont soumis à aucun contrôle, et ne peuvent être intégrés, parce qu’ils ont peut-être des idées terroristes et sont impliqués dans des opérations de contrebande».

Ferruccio Michelin. (Formiche)