Interrogé sur l’humiliation subie par Ursula von der Leyen lors d’une rencontre avec Recep Tayyip Erdogan et Charles Michel, Clément Beaune a estimé qu’il y avait « un vrai problème de dérive autocratique » en Turquie.
Depuis mardi 6 avril, la scène provoque des remous diplomatiques entre Bruxelles et Ankara. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avait été placée en retrait sur un divan lors d’une réunion des présidents des institutions européennes avec le chef d’État turc Recep Tayyip Erdogan et le président du Conseil européen Charles Michel. Les deux hommes avaient quant à eux bénéficié de fauteuils côte à côte. « Peut-être que l’un et l’autre auraient dû quitter la pièce. Mais il faut remettre l’Eglise au milieu du village : le problème dans cette affaire, ce n’est pas l’Europe, c’est la Turquie », a souligné Clément Beaune ce dimanche 11 avril, invité de l’émission du Grand Jury de RTL-Le Figaro-LCI.
L’UE tombée dans « une forme de piège »
L’attitude de Charles Michel s’explique par l’existence d’un protocole de l’Union européenne, plaçant le président du Conseil au-dessus de celui de la Commission dans les réunions officielles. Mais la scène, renommée depuis « Sofagate », a choqué tant elle semble appartenir à un autre siècle. Ce qui a conduit le secrétaire d’État aux Affaires européennes à considérer que « le protocole, c’est de la politique. Personne ne peut ignorer que quand il y a une rencontre aussi importante, et je crois que le protocole européen n’avait pas vu la salle donc cela veut dire que ça avait été organisé. En tout cas, ça ne pouvait pas être ignoré ».
Aussi, le secrétaire d’État a considéré que Charles Michel était alors tombé dans « une forme de piège ». « C’est un problème turc, qui a été fait délibérément à notre égard. Il y a eu une forme de piège. Mais entre celui qui a tendu le piège et celui qui est tombé dedans, je préfère qu’on mette la culpabilité sur celui qui a tendu le piège, ça me parait normal ». Clément Beaune a poursuivi, n’étant pas tendre avec le comportement d’Ankara. « Nos voisins, et parfois nos adversaires, savent très bien jouer des images et des symboles. Et nous faisons preuve parfois d’une forme de naïveté. Le sujet, c’est que la Turquie s’est mal comportée et au-delà du Sofagate, c’est le sujet d’une forme d’agressivité générale et de posture à l’égard de l’Europe ». Sans pour autant estimer, à l’instar du chef du gouvernement italien Mario Draghi, que le président turc était un dictateur, Clément Beaune a pointé « un vrai problème de dérive autocratique en Turquie ». Avant de prendre une série d’exemples : « On l’a vu avec l’interdiction en cours d’un parti d’opposition, on l’a vu avec le limogeage brutal du gouverneur de la banque centrale, avec la sortie de la Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes. Tout ça n’est pas neutre ». Jeudi lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie turque a qualifié d’«injustes» l’ensemble des accusations européennes et a souhaité rappeler que «la Turquie est un État profondément enraciné et ce n’est pas la première fois qu’on accueille des dignitaires étrangers». (LCI)