L’avenir de l’Iran en Syrie passe par les conversions

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(Rome, 8 avril 2021). Après 10 ans de guerre, l’Iran change de stratégie en Syrie. Tout en continuant à soutenir militairement le gouvernement de Damas en échange d’un retour économique, Téhéran tente d’infiltrer la population civile – majoritairement sunnite – par le biais de conversions.

L’Iran a été le premier pays à prendre le parti de Bachar al-Assad une fois que la guerre a éclaté en Syrie. Les relations entre la dynastie Assad et la République islamique sont solides depuis 1979, lorsque le président syrien de l’époque a reconnu le changement de régime en Iran, donnant ainsi une légitimité à l’ayatollah Khomeiny et à sa révolution. Malgré les liens étroits, Hafez al-Assad avait immédiatement mis un terme aux tentatives de l’Iran d’étendre son influence sur la Syrie, pour empêcher le pays de devenir un nouveau Liban.

La guerre a cependant donné à la République islamique l’occasion de mettre les pieds de manière plus stable sur le territoire syrien. Téhéran a tout d’abord accru sa présence grâce à des milices, initialement formées par des combattants chiites arrivés non seulement d’Iran, mais aussi d’Afghanistan, d’Irak et du Pakistan, pour ensuite enrôler les Syriens eux-mêmes. La tâche principale confiée aux miliciens sunnites est de garder les mausolées chiites présents sur le territoire syrien: de cette manière un premier lien se crée avec la religion chiite et avec l’Iran lui-même, qui paie de sa poche les Syriens qui s’enrôlent dans ses rangs.

Grâce à sa seule présence militaire, au cours de la dernière décennie, Téhéran a réussi à se positionner dans les zones frontalières du Liban et d’Israël, puis à prendre également le contrôle des villes à la frontière avec l’Irak suite à la défaite de l’État islamique. Comme nous l’avions déjà expliqué, le contrôle du passage d’Al-Bou Kamal dans l’est de la Syrie est particulièrement important pour l’Iran. Par ce couloir, Téhéran parvient à approvisionner non seulement les milices présentes en Syrie mais aussi le Hezbollah au Liban, en faisant passer des armes et des munitions d’un pays à l’autre. Ce n’est pas un hasard si la zone en question a souvent été soumise aux bombardements de l’armée de l’air israélienne, particulièrement préoccupée par la présence de l’Iran en Syrie.

Une présence militaire et religieuse

Mais dix ans après le début du conflit et le retour progressif de la Syrie sous le contrôle d’Assad, l’Iran s’est rendu compte qu’une présence militaire seule ne suffisait pas. Une fois la guerre terminée, l’avenir du pays sera décidé à la table des négociations entre le gouvernement et l’opposition et Téhéran doit être prêt en cas de changement de régime. Se fier uniquement à la famille Assad est contre-productif non seulement en raison de l’incertitude sur le sort du président actuel, mais aussi parce que cela forcerait une fois de plus l’Iran à dépendre de la famille Assad. La solution, selon la République islamique, est de convertir le plus grand nombre de sunnites au chiisme ou du moins de réduire l’hostilité de la majorité sunnite envers les partisans d’Ali.

Comme mentionné, l’Iran a d’abord offert aux Syriens la possibilité de rejoindre leurs milices, étant ainsi payés pour protéger les sanctuaires chiites restaurés par Téhéran ou construits à partir de zéro pour commémorer d’importantes personnalités chiites décédées en Syrie. Cependant, la rémunération offerte aux sunnites est la moitié de celle des chiites et l’incitation économique à elle seule a suffi dans plusieurs cas à convaincre les Syriens de se convertir. Pour les citoyens d’un pays dévasté par dix ans de guerre et réduit à la faim, passer du sunnisme au chiisme était un sacrifice nécessaire pour offrir à leur famille des conditions de vie plus dignes, comme le disent certains convertis à «Foreign Policy».

Au fil du temps, l’Iran a également étendu sa présence grâce à des dons de nourriture et d’argent, fournissant à la population syrienne des services médicaux gratuits, construisant des écoles et offrant des bourses pour poursuivre ses études universitaires dans les universités iraniennes. Une véritable campagne de soft power qui pourrait aider la République islamique à consolider sa présence en Syrie. La restauration et la construction de mausolées chiites sont également importantes dans le plan iranien, qui s’accompagne d’une réécriture de l’histoire et du poids du chiisme dans un pays à majorité sunnite.

La protection des minorités

Le changement démographique que l’Iran tente de provoquer lui permettrait de revendiquer une plus grande influence sur la dynamique interne de la Syrie une fois la guerre terminée. Les chiites continueront certainement à représenter une minorité également à l’avenir, mais une augmentation substantielle de leur nombre donnerait à l’Iran un moyen de demander une plus grande protection et des garanties pour les chiites. L’Iran pourrait même aller jusqu’à demander que la nouvelle constitution prévoie un partage des pouvoirs sur une base sectaire à l’instar du Liban (un système à l’agonie, ndlr), augmentant ainsi son emprise sur la Syrie également au niveau politique.

Dans tous les cas, Téhéran pourra toujours se lever en défenseur des chiites présents dans le pays, se mêlant des affaires intérieures de son voisin chaque fois qu’il perçoit une menace pour la minorité non sunnite. La présence de miliciens iraniens sur le territoire syrien sera également importante: certains d’entre eux ont déjà déménagé en Syrie avec leurs familles et pourraient rester dans le pays même après la fin du conflit, représentant ainsi une carte supplémentaire pour l’Iran.

Futura D’Aprile. (Inside Over)