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Le pape en Irak. Dans les coulisses du plan de sécurité

(Rome, 03 mars 2021). Voici comment le voyage du Pape sera protégé à un moment où l’Irak devient le territoire de toutes les tensions concernant le dossier nucléaire iranien et la lutte politique intérieur de l’Iran, qui voit les Pasdaran intéressés à utiliser leurs mandataires pour saper le processus de contact entre Téhéran et Washington

Selon le programme public de la visite apostolique historique du pape François en Irak (la première après 15 mois de pandémie), il arrivera à l’aéroport international de Bagdad dans l’après-midi du 5 mars. Le voyage vers la Terre Sainte d’Abraham et le lieu où les chrétiens ont récemment subi des persécutions brutales de la part de l’EI (et d’autres) durera jusqu’au 8 mars, écrit Emanuele Rossi dans «Formiche.net».

Le premier jour, le Souverain Pontife aura une rencontre avec des évêques, des prêtres et des séminaristes dans la cathédrale syro-catholique de « Notre-Dame du Salut ». Le lendemain, il sera à Najaf, une ville sainte pour les chiites au centre du pays: il y rencontrera l’ayatollah al-Sistani, une figure de proue du chiisme. Dans l’après-midi, retour à Bagdad, où le pape célébrera la messe dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph. Le lendemain il sera à Erbil, au Kurdistan irakien: de là il partira en hélicoptère pour Qaraqosh, afin de rendre visite à la communauté chrétienne locale, puis les églises profanées de Mossoul (ancienne capitale du califat) et sera de retour à Erbil où il célébrera la messe au stade «Franso Hariri», ensuite il retournera à Bagdad. Le retour à Rome (aéroport de Fiumicino) est prévu le 8 mars.

La visite est aussi importante que complexe et le programme énuméré ci-dessus sert précisément à identifier certaines de ces complexités substantiellement liées au problème de la sécurité. Erbil, par exemple, a récemment fait l’objet d’une salve de missiles lancée contre la base de la mission internationale qui aide à la formation de forces armées locales contre l’État islamique.

Une milice connue sous le nom de « Blood Guard Brigade/Brigades des gardiens du sang » – qui n’est rien de plus qu’un moyen utilisé par le plus célèbre Kataëb Hezbollah pour revendiquer des attaques sans s’exposer trop ouvertement – a frappé cette grande base qui fait partie du même complexe aéroportuaire civil où Le Pape atterrira. Il y a eu un mort et plusieurs blessés. Dans le complexe, il existe également un centre de coordination du CJTF-OIR. C’est la mission qui a détruit la capacité étatique de l’État islamique, elle est dirigée par les Américains, mais des dizaines d’autres pays participent (y compris l’Italie). L’EI en Irak est toujours une menace: fin janvier, deux kamikazes se sont fait exploser sur un marché de Bagdad, provoquant un massacre.

Les milices irakiennes ne frappent généralement pas Erbil, mais la tension est actuellement très élevée et l’Irak, charnière du Moyen-Orient, est le débouché de la dynamique qui voit les États-Unis prêts à recomposer l’accord nucléaire avec l’Iran, mais sans trop céder. Alors que la dynamique interne évolue à Téhéran en vue des élections de juin, les Pasdaran utilisant ces milices (en Irak, au Yémen et ailleurs) pour saper tout processus politique qui pourrait conduire au maintien au pouvoir de la composante pragmatique-réformiste. Kataëb Hezbollah a récemment fait l’objet d’un raid aérien américain sur la frontière syro-irakienne, car Washington le tient responsable (au nom des Pasdaran) de l’attaque d’Erbil, une autre à la base aérienne de Balad (juste à l’extérieur de Bagdad) et une autre contre l’ambassade américaine dans la capitale irakienne, à quelques jours l’arrivée du Pape François.

« Bien que des problèmes de sécurité existent, il est peu probable que les milices décident d’une action contre la visite du pape: ce serait fou, un suicide », a déclaré une source diplomatique italienne connaissant l’Irak. Une position également soutenue par divers observateurs, qui considèrent en effet la visite du Pape comme un moment de « stop aux armes », bien que le contexte soit très délicat. Ces derniers jours, l’Associated Press avait enregistré comment la volonté du Saint-Père était précisément celle de surmonter ce contexte, et de faire le voyage contre la violence et contre divers risques épidémiologiques. En fait, la visite interviendra alors que l’Irak a resserré la réglementation (du confinement, ndlr) pour contenir les infections, pris dans l’emprise de la pandémie. Ceux qui voyagent avec le Pape seront vaccinés (y compris lui-même), mais le risque encouru est que la création de rassemblements puisse être source de diffusion du virus.

Selon les informations recueillies par « Formiche.net », l’Irak sera responsable de la sécurité générale de la mission papale. C’est aussi une « question de souveraineté territoriale », expliquent des sources locales, auxquelles Bagdad « se soucie beaucoup », embarrassées par le match Iran-Etats-Unis. L’unité choisie pour la protection du pape est celle connue sous le nom de « Golden Division », désormais désignée par l’acronyme CTS (qui signifie Counter Terrorism Service/Service de lutte contre le terrorisme), formée par les forces occidentales au fil des ans.

C’est un département d’élite hautement qualifié au sein duquel il existe groupe dédié à la sécurité des personnalités. Une structure similaire sera créée au Kurdistan, où les Peshmergas ont deux unités en charge: le Zevarani qui est une unité de police militarisée (également entraînée par les Carabiniers dans le passé); l’Asayish qui est la principale unité de renseignement du Kurdistan irakien; la structure est celle qui traite généralement la sécurité des personnalités politiques de haut niveau qui se rendent souvent à Erbil.

Sur le territoire irakien, il y a, comme mentionné, plusieurs unités occidentales (militaires et de renseignement), appartenant à la fois à la mission anti-EI et à la mission (intégrée) de l’OTAN, qui a récemment eu l’autorisation d’être mise en œuvre. D’après nos conversations avec les sources de sécurité occidentales en Irak, il est cependant difficile pour ces composantes de participer sur le terrain au système de protection du pape François. Au moins officiellement.

En fait, il faut considérer que les forces occidentales évitent les voyages terrestres, préférant – même pour les mouvements à l’intérieur de Bagdad – les voyages aériens. Il s’agit d’éviter les pièges explosifs mis en place par l’EI ou les milices (comme fut le cas à l’époque de l’occupation il y a deux décennies). De plus, les mouvements des unités occidentales sont soumis à la demande/communication avec le bureau du Premier ministre (le CNO). Il est cependant possible, selon les sources de « Formiche.net », que les Irakiens impliquent des structures occidentales au niveau du commandement, communiquant avec elles à la fois avant et pendant la phase opérationnelle. Il est peu probable que les drones occidentaux ne volent pas pour une meilleure surveillance. Il est clair que tout le système sera ajouté au dispositif que le Vatican organise de manière autonome autour du Pape partout où il se déplace.

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