(Rome le 23 janvier 2021). La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon. Ce sont les pays avec lesquels l’administration Biden a voulu entamer les premiers contacts diplomatiques après l’investiture du nouveau président. Et c’est un double signal de Washington: d’une part, les priorités stratégiques de l’Amérique; d’autre part, l’absence évidente de l’Italie dans les plans de la Maison Blanche. Au moins dans la période post-transition.
La note de la Maison Blanche est très claire. Le document publié par l’administration déclare que Jake Sullivan « a souligné la volonté de l’administration Biden de renforcer l’alliance transatlantique et d’affirmer notre volonté de travailler avec les alliés européens pour un certain nombre de priorités communes, y compris les questions liées à la Chine, à l’Iran et à la Russie ». Et pour ce dossier, Washington semble avoir choisi Paris et Berlin pour l’Union européenne, le Royaume-Uni pour confirmer l’axe atlantique, tandis que Tokyo est l’élu pour le front du Pacifique.
Un choix précis qui indique aussi ce que peut être la stratégie entreprise par la nouvelle administration américaine: il n’y aura pas de discontinuité totale sur certains points avec son prédécesseur, notamment sur le Pacifique et donc sur la Chine. En revanche, c’est différent en ce qui concerne les relations avec l’Europe et les dossiers impliquant à la fois les puissances de l’UE et les États-Unis. Dans ce cas, le mot d’ordre de Biden semble être celui du dialogue, avec Washington prêt à traiter avec Berlin et Paris comme interlocuteurs dans l’Union européenne et avec le Royaume-Uni, qui demeure dans cette relation privilégiée même après le changement de l’administration. Après tout, Boris Johnson avait déjà montré depuis un certain temps une certaine divergence avec Donald Trump, finalement confirmée par l’accord avec Bruxelles ainsi que par la vision différente concernant la gestion du coronavirus et les relations commerciales avec la Chine.
Les Etats-Unis ne semblent donc pas vouloir abandonner l’Europe à son sort, conscients que pour les principaux dossiers sur la table, à savoir la Chine, l’Iran et la Russie, le dialogue avec les partenaires du (vieux) continent est essentiel. L’éventualité d’une reprise des négociations sur un accord nucléaire iranien ne peut se passer du soutien de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, qui, tout en partageant certaines questions avec l’Amérique, notamment sur le programme de missiles et le terrorisme, n’ont jamais approuvé le choix de Trump de quitter le 5+1. Et cette aversion pour la sortie de l’accord pourrait avoir un poids d’une importance fondamentale pour essayer de trouver un carré avec l’Iran au moins en ce qui concerne la bombe atomique. Le cas des différents fronts de guerre dans lesquels s’affrontent les deux puissances est différent: notamment en Syrie, l’appel du «gouvernement» Biden aux engagements de guerre américains semble déjà avoir conduit à une nouvelle augmentation des troupes dans le nord-est. Discours similaire pour la Russie, dans lequel Biden d’une part tente de dialoguer avec Moscou, mais d’autre part tentera en tout cas de sécuriser les engagements occidentaux aux portes du Kremlin, à commencer par le front ukrainien. Là encore, il est clair que l’administration démocratique aura besoin de l’implication des forces européennes engagées dans le format de «la Normandie».
Les États-Unis semblent donc avoir choisi: le Japon pour l’Indo-Pacifique, la France et l’Allemagne pour l’UE, le Royaume-Uni pour l’Atlantique. Et l’Italie ? Sans surprise, Rome reste en dehors de ces premiers appels téléphoniques de Sullivan. Le poids italien, au fil des années, s’estompe dans les différents dossiers ouverts par les États-Unis dans le monde, mais surtout l’Italie ne donne aucune garantie ni du point de vue diplomatique, ni du point de vue de la convergence avec les États-Unis. L’Amérique ne fait actuellement pas confiance à l’Italie et à ses dirigeants, conscients du fait que la ligne suivie par ceux qui siègent au palais Chigi (le siège de la présidence du Conseil des ministres italien, ndlr) est de moins en moins claire. La continuité, qui est une question cruciale pour un empire comme celui des États-Unis, n’est pas une caractéristique qui peut être considérée comme coïncidant avec ce qui a été fait ces dernières années. Il suffit simplement de penser aux excès de zèle de Giuseppe Conte avec Trump à l’époque du gouvernement jaune-vert et à ses fermetures une fois qu’il est devenu jaune-rouge. Il en va de même pour les relations avec la Chine, avec l’Italie qui est passée de l’exploit de la nouvelle route de la soie à l’exclusion des sommets de l’UE et de Pékin. Sur le front iranien aussi, l’Italie n’a jamais offert aux États-Unis une vision claire, passant à nouveau de relations positives avec Téhéran à une forme d’indifférence substantielle. Une ligne que l’on peut aussi entrevoir dans de nombreux autres contextes, du golfe Persique au Sahel, en passant par la Libye même, où l’Italie est passée du statut de premier interlocuteur à une présence presque indifférente dans le contexte de la guerre entre Tripoli et Benghazi.
Il est clair que face à cette incertitude totale sur la stratégie du pays, l’Amérique regarde ailleurs. Un leadership méconnu combiné à une absence de transparence et de clarté dans ses objectifs rend les relations avec Rome presque évanescentes aux yeux d’un Washington en crise d’identité, en pleine transition géopolitique et surtout dans le besoin urgent d’alliés. Si les Etats-Unis veulent une sorte d’Occident multipolaire qui s’opposera à leurs adversaires, force est de constater qu’ils ne semblent pas – pour le moment – disposés à se tourner vers l’Italie. Ce qui, au mieux, est considéré comme peu fiable; au pire, elle risque d’être reléguée au rôle de puissance subordonnée de l’Allemagne. «Intelligence docet»/«recours à l’intelligence».
Lorenzo Vita. (Inside Over)