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L’Iran relance la course aux missiles, tandis que l’appui de Pékin accélère la reconstruction de son arsenal

(Rome, 16 novembre 2025). Alors que l’Iran accélère la reconstruction de son arsenal balistique après la «guerre des 12 jours», l’appui discret mais déterminant de la Chine redessine les équilibres régionaux. De l’augmentation rapide de la production de missiles à l’importation de propergols solides via le port de Bandar Abbas, Téhéran semble engagé dans une course aux armements qui inquiète Israël et ses alliés. Pékin, devenu un fournisseur clé, apparaît désormais comme un acteur central de cette montée en puissance stratégique

L’Iran mise sur la production de missiles : l’expansion de l’arsenal balistique permet à Téhéran de reconstituer progressivement ses stocks et sa capacité de production, mis à mal par la «guerre des douze jours». Autre élément à prendre en compte : les récentes livraisons chinoises font de Pékin un acteur de plus en plus influent dans la nouvelle dynamique de l’équilibre régional, écrit Davide Ragnolini dans le portail «Inside Over».

Forte hausse de la production balistique iranienne

Le 5 novembre, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a affirmé que la puissance balistique de l’Iran «dépasse désormais de loin celle de la guerre des douze jours». Peu auparavant, le ministre iranien de la Défense, Aziz Nasirzadeh, avait déclaré que la production des systèmes de défense iraniens s’était «améliorée tant en quantité qu’en qualité par rapport à la période précédant la guerre des douze jours déclenchée par Israël en juin».

Ces affirmations ne sont pas sans fondement, mais elles sont partiellement confirmées par le suivi effectué par divers analystes sur le programme balistique iranien, notamment en ce qui concerne l’augmentation du rythme de production des munitions balistiques. Tout cela s’inscrit dans un climat de préoccupation grandissante face à un possible nouveau conflit lié au programme nucléaire de Téhéran.

La capacité de pénétration des armes balistiques est une source de préoccupation pour Tel-Aviv et ses alliés régionaux : selon un rapport du JINSA (The Jewish Institute for National Security of America), durant la guerre des Douze Jours, l’Iran a lancé 574 missiles balistiques, dont environ 53 % ont pénétré les défenses antiaériennes israéliennes et américaines. Étant donné que lors de l’attaque contre Israël le 1er octobre 2024, l’Iran a utilisé exclusivement des missiles balistiques de moyenne portée (MRBM), dont environ 90 % ont atteint l’espace aérien israélien (soit 180 missiles sur 200), et qu’environ la moitié ont touché les bases militaires autour de Tel-Aviv, il est aisé de déduire que la capacité balistique de Téhéran s’imposera comme un élément tactique clé dans la confrontation avec son adversaire régional historique.

La capacité de production mensuelle de missiles balistiques de l’Iran était estimée, en juin 2025, entre 50 et 100 unités. Cependant, selon certaines analyses, le stock de missiles balistiques iraniens a été ramené à 2.720 unités au 1er juillet, avec une production mensuelle projetée de 150 à 200 missiles autour du 15 novembre, rendue possible par des rotations en trois équipes sur les sites de Parchin et de Khojir.

Disponibilité opérationnelle et délais d’interception

Durant la guerre des Douze Jours, la majorité des missiles balistiques à portée intermédiaire (MRBM) tirés par l’Iran étaient des types Ghadr (portée de 1.600 km, ogive de 750 kg) et Emad (portée de 1.800 km, ogive de 750 kg). Il est possible que l’Iran ait également utilisé les missiles Kheibar Shekan (portée de 1.450 km, ogive de 600 kg), Sejjil (portée de 2.000 km, ogive de 750 kg) et enfin Khorramshahr-4 (portée de 3.000 km, ogive de 1.500 kg), doté d’une portée quasi intermédiaire, d’une ogive plus lourde et probablement d’une meilleure précision.

On ignore encore quels types de missiles balistiques Téhéran développe actuellement, mais le besoin opérationnel semble évident : des MRBM à propergol solide, capables d’offrir un avantage tactique plus rapide, sont nécessaires pour se préparer à un éventuel nouveau match de confrontation militaire avec Tel-Aviv.

Outre les missiles Haj Qassem et Kheibar Shekan, le redoutable Fattah-1 est également doté d’un système de propulsion à propergol solide : ce missile utilise un système à deux étages et embarque une ogive manœuvrable (MaRV) capable de vol autonome avec correction de trajectoire. Comparés aux missiles balistiques à propergol liquide, les missiles à propergol solide assurent une disponibilité opérationnelle accrue, une utilisation plus sûre, et par conséquent, une réduction des délais d’interception disponibles pour la défense adverse.

Pékin et le combustible solide à Bandar Abbas

Selon des sources du renseignement occidentales, après la «Guerre des Douze Jours», Téhéran avait déjà entrepris la reconstruction de plusieurs installations de missiles endommagées, dont les sites de Parchin et de Chahroud, frappés lors des attaques israéliennes en octobre 2024. La reconstruction des installations abritant les mélangeurs de combustible solide, indispensables à la production de missiles balistiques, remonte déjà au mois d’août dernier. Cependant, l’Iran ne dispose actuellement d’aucun mélangeur opérationnel et reste dépendant de lots importés de l’étranger.

L’Iran recevrait des cargaisons de perchlorate de sodium au port de Bandar Abbas pour produire les composites de combustible solide couramment utilisés par les lanceurs de missiles modernes. Ce fait a incité, le 12 novembre, deux membres du Congrès américain à demander une enquête sur la livraison de 2.000 tonnes de perchlorate de sodium chinois, commencée fin septembre.

L’annonce américaine du mardi 11 novembre concernant de lourdes sanctions contre 32 personnes et entreprises de huit pays (Iran, Chine, Turquie, Allemagne, Inde, Ukraine, Hong Kong et Émirats arabes unis), accusées d’avoir aidé l’Iran à reconstruire ses capacités de production et techniques militaires. Ces sanctions concernent notamment la fourniture de «substances chimiques pour propergols de missiles, tels que le perchlorate de sodium et l’acide sébacique».

Cette mesure, à l’instar d’autres sanctions unilatérales, ne semble pas suffisante pour freiner les mécanismes de coopération et d’échanges régionaux. Déjà principal fournisseur d’armements du Pakistan, la Chine pourrait jouer un rôle déterminant dans le rétablissement des capacités militaires iraniennes.

Plus Téhéran renforce à grande vitesse son arsenal balistique avec l’appui croissant de Pékin, plus le risque d’un affrontement direct et dévastateur avec Israël se rapproche. Si aucune mesure de désescalade n’est prise, le prochain échange de missiles pourrait ne plus se limiter à une «guerre des 12 jours», mais ouvrir la voie à un conflit d’une ampleur sans précédent au Moyen-Orient. Et comme le dit un spécialiste régional, la combinaison d’une production accélérée, d’armes de plus en plus sophistiquées et d’un soutien stratégique étranger crée un cocktail explosif qui pourrait faire basculer la région dans une escalade incontrôlable.

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