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Comment Vladimir Poutine envisage de faire de l’Ukraine une nouvelle Biélorussie ?

(Rome, 13 novembre 2025). Alors que la guerre en Ukraine entre dans son quatrième hiver, Moscou semble poursuivre une stratégie de long terme pour placer Kiev sous sa tutelle. Selon l’expert britannique Jack Watling, Vladimir Poutine suivrait un plan en trois étapes : conquérir et isoler militairement l’Ukraine, l’asphyxier économiquement avant de l’absorber politiquement, à l’image de la Biélorussie. Une issue que l’Occident pourrait encore, à moyen terme, contrecarrer en accentuant la pression économique sur la Russie

L’hiver le plus difficile pour Kiev, le quatrième depuis le début de la guerre d’agression russe, pourrait être imminent. Rien que ces dernières heures, plus de 200 affrontements ont été signalés entre les armées ukrainienne et russe, tandis que le Financial Times rapporte qu’une pénurie de troupes met la ville ukrainienne de Pokrovsk au bord du chaos, le gouvernement central étant incapable de déployer des forces de défense. Outre Pokrovsk, la menace russe plane également sur sa ville jumelle de Myrnohrad, située dans l’est du pays. Dans son analyse de la situation sur le terrain, le journal britannique cite les propos de combattants et d’experts qui affirment que, si elles étaient conquises, les deux villes «pourraient servir de base à de nouvelles offensives russes», tout en soulignant que «l’armée de Kiev est de plus en plus dispersée le long des 1.000 kilomètres de frontière», explique Valerio Chiapparino dans son décryptage dans «Il Giornale».

Alors même que le président Zelensky admet que la situation est «difficile», les craintes grandissent au sein de la coalition occidentale quant aux prochaines actions de Poutine. Jack Watling, l’un des principaux experts du conflit, expose dans «Foreign Affairs» la stratégie possible du Kremlin, identifiant un plan en trois phases que le tsar pourrait suivre pour atteindre son objectif stratégique : soumettre l’Ukraine.

Dans un premier temps, écrit Watling, la Russie cherche à occuper et à détruire le plus de territoire ukrainien possible afin que la partie restante «ne soit économiquement viable qu’avec le consentement de Moscou». Pour y parvenir, l’armée russe devrait maintenir le contrôle des quatre oblasts déjà annexés et y ajouter Kharkiv, Mykolaïv et Odessa, coupant ainsi l’Ukraine de fait de la mer Noire. Ce n’est qu’après avoir atteint ces conditions, poursuit l’analyste, que le Kremlin chercherait un cessez-le-feu pour entamer une deuxième phase «au cours de laquelle il utiliserait le levier économique et la guerre politique, appuyés par la menace d’une nouvelle invasion, pour asseoir son contrôle sur Kiev». Dans une troisième phase, «la Russie absorberait l’Ukraine dans son orbite, à l’instar la Biélorussie».

Selon une source européenne, «face à une Russie déterminée et une Ukraine à bout de souffle, le temps devient l’arme la plus redoutable de Poutine. Si l’Occident ne transforme pas la pression économique en véritable levier stratégique, Kiev risque de se réveiller demain dans l’ombre d’une nouvelle Biélorussie». «Le tsar parie sur l’usure et la lassitude du monde libre. Mais si l’Ukraine tombe, ce n’est pas seulement une frontière qui s’effacera, c’est une idée de l’Europe qui vacillera», ajoute notre source.

Toutefois, rien ne garantit que le pire des scénarios ne se réalisera pour Kiev. Actuellement, Moscou n’a pas encore achevé la première des trois phases, observe Watling, mais il souligne que «la tragique ironie de ces neuf derniers mois de conflit réside dans le fait que, tandis que le débat international était dominé par la perspective de négociations et d’un cessez-le-feu, la Russie a intensifié les combats». «Le Kremlin vise à briser la résistance ukrainienne», conclut l’expert, selon lequel, l’Ukraine s’est montrée ouverte aux négociations, mais l’incapacité de ses partenaires à faire pression sur la Russie a permis à Poutine de gagner du temps pour changer la situation sur le terrain.

Pour Watling, «les deux camps montrent des signes de lassitude, mais aucun n’est prêt pour la paix». L’Occident dispose cependant d’un moyen de saboter le plan du tsar. L’analyste explique que «ce n’est qu’en poussant Moscou vers une crise économique claire à moyen terme que les partenaires internationaux parviendront à convaincre Poutine de se contenter d’un cessez-le-feu».

A lire : Flotte fantôme russe : plus de 40 navires traqués chaque mois par le Royaume-Uni dans la Manche

Cette stratégie inclurait, entre autres mesures de pression sur la Fédération, le ciblage de la «flotte fantôme» russe. Toute initiative occidentale, prévient l’expert, ne pourrait réussir que si l’Ukraine parvient à tenir jusqu’en 2026. Un facteur inconnu que personne n’ose prédire à l’heure actuelle.

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