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L’Algérie accorde sa grâce à Boualem Sansal : l’écrivain part pour l’Allemagne

(Rome, 12 novembre 2025). Après un an de détention, l’écrivain franco-algérien âgé de 81 ans, condamné pour «trahison», a été gracié par le président Abdelmajid Tebboune. À la demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, Boualem Sansal va recevoir des soins à Berlin. Le Premier ministre français Sébastien Lecornu exprime sa gratitude

L’Algérie a accepté la demande de l’Allemagne de gracier et de transférer en Allemagne l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an. La présidence algérienne a annoncé la nouvelle dans un communiqué, rapporté par le quotidien italien «Il Foglio». Le président algérien Abdelmajid Tebboune a «répondu favorablement» à une requête de son homologue Frank-Walter Steinmeier. «Le président a donné une suite favorable, qui a retenu son attention par sa nature et ses motivations humanitaires», a déclaré le gouvernement algérien dans un communiqué. Steinmeier avait sollicité la grâce de Boualem Sansal et son transfert en Allemagne pour recevoir des soins médicaux, «compte tenu de son âge avancé et de sa santé fragile».

Sansal est incarcéré en Algérie depuis le 18 novembre 2024, après son arrestation à l’aéroport d’Alger à son retour de France. En juillet, il avait été condamné en appel à cinq ans de prison, une peine qu’il devait purger malgré ses 81 ans et son cancer. Il était accusé de «trahison» pour une interview accordée au média français Frontières, jugée inacceptable par le régime d’Abdelmadjid Tebboune.

Au cours des douze derniers mois, l’Élysée a tenté d’exercer des pressions sur le gouvernement algérien, mais la profonde crise diplomatique franco-algérienne a jusqu’ici empêché toute issue. Aujourd’hui, le Premier ministre français, Sébastien Lecornu, a exprimé son «soulagement» face à la décision du président Tebboune : «Je tiens à remercier sincèrement, du fond du cœur, toutes celles et ceux qui ont contribué à cette libération, fruit d’un processus fondé sur le respect et la sérénité», a-t-il déclaré.

Et le quotidien italien d’ajouter : «nous avons couvert cette longue année d’incarcération et exprimé notre inquiétude quant à la santé de l’écrivain, condamné pour ses opinions».

Un geste d’apaisement sur fond de tensions persistantes

La grâce accordée à Boualem Sansal intervient dans un contexte de forte crispation entre Paris et Alger, alimentée depuis plusieurs années par des désaccords politiques et géostratégiques.

Au cœur de ces tensions figure le dossier du Sahara occidental, un territoire disputé entre le Maroc et le Front Polisario, soutenu par Alger. La France, historiquement proche du Maroc, a été accusée par Alger de parti pris depuis que Paris a exprimé son appui à l’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine, position alignée sur celle des États-Unis et de plusieurs pays européens.

Pour Alger, cette orientation constitue une rupture diplomatique majeure, vécue comme un affront à son rôle régional et à son soutien de longue date au Polisario. Les relations franco-algériennes se sont ainsi considérablement détériorées depuis 2021, entraînant rappels d’ambassadeurs, suspension de vols diplomatiques et gel de coopérations sécuritaires.

Dans ce climat tendu, la libération de Boualem Sansal (à l’initiative de l’Allemagne et non de la France) peut être perçue comme un signal d’ouvertures limitées, mais aussi comme le symbole des nouveaux équilibres diplomatiques au Maghreb, où Alger cherche à diversifier ses alliances, notamment vers Berlin et Rome, tout en maintenant ses distances avec Paris.

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