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Reprise des essais nucléaires aux États-Unis sur ordre de Trump : une décision aux lourdes implications stratégiques

(Rome, Paris, 31 octobre 2025). En annonçant la reprise des essais nucléaires américains, Donald Trump rompt avec plus de trente ans de moratoire et ravive les tensions stratégiques avec la Russie et la Chine. Cette décision, qui fragilise le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, marque un tournant inquiétant dans l’équilibre mondial des forces

«J’ai donné instruction au Département de la Guerre»  (nouvelle appellation du Pentagone) «de commencer à tester nos armes nucléaires. Ce processus débutera immédiatement». C’est par ces mots que le président américain Donald Trump a annoncé la reprise des essais nucléaires rapporte la chaine italienne «Sky Tg24». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? Et surtout, quelles pourraient en être les conséquences ?

Quels essais seront menés ?

Pour comprendre le type d’essais nucléaires que Trump a en tête, il faut, pour l’instant, se limiter à ses paroles. Le président américain a déclaré que, «compte tenu des essais menés par d’autres pays», le Département de la Guerre recommencera «immédiatement» à tester des armes nucléaires «sur un pied d’égalité» avec les autres États. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Concrètement, cela signifie que ces essais seront menés selon le même modèle de ceux menés par d’autres pays. Le scénario le plus probable est donc que des missiles et autres systèmes militaires à capacité nucléaire seront testés, mais (et c’est important) sans explosion.

Pourquoi les États-Unis reprennent-ils les essais nucléaires ?

La décision de Trump a probablement été provoquée par les récents essais nucléaires effectués par la Russie. «Puisque d’autres pays testent des armes nucléaires, il est approprié que nous le fassions aussi. Les sites d’essais seront déterminés ultérieurement», a en effet souligné le président américain. Mais à quelles armes nucléaires «étrangères» le locataire de la Maison Blanche fait-il référence ? Sans aucun doute au Burevestnik et au Poseidon, qui ont fait la une de l’actualité internationale ces derniers temps.

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Le premier est un missile balistique intercontinental à propulsion nucléaire capable de parcourir  une distance de 14.000 kilomètres en 15 heures», comme l’a annoncé le chef d’état-major russe, Valery Gerasimov. Le second, en revanche, est un drone sous-marin autonome (sans pilote) à propulsion nucléaire : également connu sous le nom de Status-6 ou Kanyon (code OTAN), il peut déclencher un «tsunami radioactif» avec des vagues scélérates atteignant 100 à 500 mètres de hauteur, capables de détruire des villes côtières et des bases navales en quelques minutes, ainsi que de contaminer de vastes étendues marines, tuant la faune et la flore aquatiques. Les zones côtières touchées deviendraient inhabitables pendant des décennies, ajoute la chaine italienne.

Les États-Unis craignent-ils la Russie et la Chine ?

Trump a mis en avant l’importance de ces essais compte tenu des récents essais nucléaires menés par d’autres pays. «En raison de l’énorme pouvoir destructeur» de leurs armes, «je n’ai pas d’autre choix» que de reprendre les essais, a déclaré le président américain. «Les États-Unis possèdent plus d’armes nucléaires que tout autre pays. Cet objectif, y compris une modernisation et un renouvellement complets des armes existantes, a été atteint au cours de mon premier mandat», a déclaré Trump. «La Russie est deuxième et la Chine troisième, loin derrière, mais elle nous rejoindra d’ici cinq ans», a-t-il ensuite avoué. Pour Washington, la menace ne se limite donc pas à la Russie, mais s’étend également à la Chine. Pékin a en effet renforcé son arsenal nucléaire ces dernières années : selon le Pentagone, d’ici 2035 (soit dans les dix prochaines années), Pékin pourrait posséder 1.500 ogives nucléaires.

La réaction de Pékin

Après l’annonce de Trump, Pékin a exhorté les États-Unis à «respecter scrupuleusement» le moratoire international sur les essais nucléaires. «La Chine espère que les États-Unis respecteront sérieusement leurs obligations au titre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et leur engagement en faveur d’une interdiction des essais nucléaires», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun. Pékin souhaite en outre que Washington prenne des «mesures concrètes pour préserver le système mondial de désarmement et de non-prolifération nucléaires et pour sauvegarder l’équilibre et la stabilité stratégiques mondiaux».

La réaction de la Russie

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ne pense pas que l’annonce faite par Trump sur la reprise des essais nucléaires puisse déclencher une nouvelle course aux armements. Moscou, a-t-il ajouté, n’a pas été informée par Washington de la reprise des essais et se réserve le droit d’agir «en fonction de la situation». Par ailleurs, «les États-Unis sont un pays souverain et ont le droit de prendre des décisions souveraines, a-t-il expliqué. Mais je tiens à rappeler la déclaration du président Poutine, qu’il a réitérée à plusieurs reprises, à savoir que, si quelqu’un renonce au moratoire» sur les essais nucléaires, «la Russie agira en conséquence».

La réaction de l’ONU

La réaction de l’ONU fut cependant ferme. Via un porte-parole, elle a réaffirmé que les essais nucléaires «ne doivent jamais être autorisés». De fait, le retour des essais d’armes nucléaires aux États-Unis marque le début d’une nouvelle ère, 80 ans après le bombardement d’Hiroshima, et compromet le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), signé par Bill Clinton en 1996 mais jamais ratifié par le Sénat américain.

Le rôle du Traité TICE

Le TICE (Traité d’interdiction complète des essais nucléaires) a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en 1996. Il n’est jamais entré en vigueur, faute de ratification par neuf pays, dont les États-Unis. La Russie s’en est retirée en 2023. Néanmoins, il a été respecté par Washington et a servi, au moins en partie, de moyen de dissuasion international.

Qu’interdit le Traité TICE ?

Ce Traité interdit toutes les explosions nucléaires, tant à des fins militaires que civiles, et établit un système de surveillance supervisé par un secrétariat technique provisoire basé à Vienne en Autriche, et composé de 300 employés originaires de 93 pays. Comme indiqué dans le dernier rapport annuel, le TICE vise à «limiter l’amélioration qualitative des armes nucléaires et à mettre un terme au développement de nouveaux types d’armes».

Le TICE a-t-il été respecté ?

La trajectoire vers une interdiction totale (de plus en plus compromise après l’annonce de Trump et les récents essais de Poutine) a une longue histoire. Un accord initial remonte à 1963, au plus fort de la Guerre froide, avec le «traité partiel» interdisant les essais dans l’espace et en eaux profondes, signé par les États-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne. Le dernier essai américain a eu lieu le 23 septembre 1992 au Nevada, et fut le numéro 1.054 depuis le début le début des essais en 1945. Quelques semaines plus tard, Washington a signé un moratoire de neuf mois sur les essais nucléaires explosifs, moratoire qui a ensuite été pérennisé. Du moins jusqu’à aujourd’hui. Malgré le renforcement de leurs arsenaux, la Chine et la Russie semblent avoir respecté, jusqu’à présent, l’interdiction des essais nucléaires du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) : le dernier essai de Pékin remonte à 1996 et celui de Moscou à 1990, soit avant même la chute de l’Union soviétique. Les cas les plus récents ne concernent pas tant les ogives nucléaires elles-mêmes, que les vecteurs.

Que pourrait-il se passer désormais ?

Si les faits confirment les propos de Trump, la Russie et la Chine pourraient suivre l’exemple américain. Moscou pourrait accélérer les essais non explosifs, donc sans ogives nucléaires : en d’autres termes, des simulations avancées pour vérifier la trajectoire, la propulsion et la fiabilité des vecteurs qui transporteraient les ogives en cas de conflit réel. Et Pékin ? La Chine pourrait en profiter pour tenter de réduire son désavantage face aux États-Unis, en misant sur le renforcement de son arsenal et sur la «miniaturisation», qui consiste à rendre les ogives nucléaires plus petites et plus légères, sans en réduire la puissance explosive. En pratique, on obtient une bombe plus compacte et plus légère, mais qui conserve la même puissance destructrice.

Un expert européen affirme que «si la décision du président américain reste pour l’heure symbolique (aucun essai explosif n’ayant encore été annoncé), elle envoie un signal politique fort : celui d’une Amérique prête à réaffirmer sa suprématie militaire, même au prix de la stabilité internationale».

En définitive, la décision relève non seulement d’une démonstration de force, mais elle s’inscrit dans une recomposition plus large de l’ordre nucléaire mondial. En rompant avec la logique de modération héritée de l’après-Guerre froide, Washington cherche à redéfinir les rapports de puissance face à une Russie revancharde et une Chine en expansion stratégique.

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