(Rome, Paris, 29 octobre 2025). Alors que les tensions avec la Russie demeurent vives, Washington a décidé de réduire une partie de sa présence militaire en Roumanie et dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. Officiellement, il s’agit d’un simple rééquilibrage stratégique vers l’Indo-Pacifique, mais cette décision intervient dans un contexte où l’engagement américain en Europe reste étroitement scruté par ses alliés
Les États-Unis ont décidé de réduire une partie de leur présence militaire en Roumanie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est, dans le cadre d’une réévaluation de leur posture militaire sur le continent. L’information a été confirmée par le ministère de la Défense de Bucarest, qui a indiqué avoir été informé de la décision de Washington, nous explique Francesca Salvatore dans «Il Giornale».
Une remodulation du flanc Est
Selon les autorités roumaines, les États-Unis ont choisi de suspendre la rotation en Europe d’une brigade dont des éléments étaient déployés dans plusieurs pays de l’OTAN. Après cette réorganisation, environ 800 soldats américains resteront déployés sur le territoire roumain, où se trouvent des bases clés telles que Mihail Kogălniceanu, Deveselu et Câmpia Turzii. Le ministère a précisé que la décision américaine s’inscrit dans le cadre d’une «réévaluation des besoins globaux», tout en soulignant que la coopération militaire entre Washington et Bucarest demeure «solide et stratégique».
Le gouvernement américain n’a pas encore communiqué de détails opérationnels concernant le nombre total de soldats concernés ni le calendrier du retrait, mais la mesure prendrait effet immédiatement, selon des sources de la défense roumaine. Outre la Roumanie, cette réduction devrait également toucher la Bulgarie, la Hongrie et la Slovaquie, pays accueillant des unités américaines et de l’OTAN déployées sur le flanc est de l’Alliance.
Réorganisation stratégique ou signe d’un désengagement ?
Cette réduction d’effectifs intervient alors que l’OTAN maintient un niveau de vigilance élevé le long de sa frontière avec la Russie et près de la mer Noire. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’Alliance a considérablement renforcé sa présence en Europe du Sud-Est, déployant des troupes multinationales et multipliant les exercices conjoints. La Roumanie est devenue l’un des principaux centres de commandement et de logistique de l’OTAN dans cette région, notamment grâce à la base de Deveselu, qui abrite le système de défense antimissile «Aegis Ashore», considéré comme un élément crucial de la défense collective européenne.
À Washington, cette décision est interprétée comme s’inscrivant dans une réorganisation stratégique plus large, visant à équilibrer les engagements militaires américains entre l’Europe et d’autres zones d’importance géopolitique croissante, telles que l’Indo-Pacifique. La Maison Blanche et le Pentagone insistent depuis longtemps sur la nécessité d’une contribution européenne accrue à la sécurité du continent, réaffirmant que les alliés de l’OTAN doivent renforcer leurs capacités de défense autonomes.
Le ministère roumain de la Défense a précisé que cette réduction ne signifiait pas une diminution de la coopération militaire bilatérale, mais un simple «ajustement technique» dû à la présence déjà consolidée de l’OTAN en Europe de l’Est. Cependant, dans de nombreux cercles diplomatiques, la décision américaine est aussi interprétée comme un signal politique : une mesure qui pourrait indiquer la volonté de Washington de concentrer ses ressources sur des théâtres d’opérations plus éloignés, laissant aux Européens une plus grande part de responsabilité en matière de sécurité régionale.
Un équilibre entre priorités mondiales et durabilité
Stratégiquement, cette décision revêt une importance qui dépasse le simple nombre de soldats concernés. Le flanc oriental de l’Alliance représente la principale ligne de dissuasion face à Moscou et au conflit en Ukraine, et la présence américaine en Roumanie a revêtu une valeur symbolique et opérationnelle essentielle ces dernières années. Une réduction, même partielle de la présence américaine, pourrait alimenter dans la région le sentiment d’un désengagement américain, bien que l’OTAN continue de garantir la défense collective et de renforcer ses propres structures.
Les observateurs internationaux notent que ce réajustement ne correspond pas à un véritable désengagement, mais reflète un équilibre entre les priorités mondiales et la viabilité des opérations militaires. Ces dernières années, les États-Unis ont déjà accru leurs investissements dans les infrastructures militaires en Pologne et dans les pays baltes, tandis que la Roumanie demeure un point névralgique pour les opérations en mer Noire et pour la logistique à destination de l’Ukraine. La décision de Washington s’apparente donc davantage à un redéploiement des forces qu’à un retrait politique. Elle n’en demeure pas moins un geste qui aura des répercussions symboliques et diplomatiques, à un moment où l’unité et la capacité opérationnelle de l’OTAN sont toujours perçues comme essentielles à la stabilité de l’Europe de l’Est.
La Roumanie, quant à elle, a réaffirmé sa confiance dans la solidité de l’alliance transatlantique, assurant que la coopération avec les États-Unis se poursuivra à plein régime.
Selon le ministère roumain de la Défense, la présence américaine dans le pays «demeure un pilier essentiel de la sécurité collective» et l’OTAN «continue de renforcer sa capacité de réaction sur l’ensemble du front oriental».
En définitive, la réduction partielle des troupes américaines en Europe de l’Est ne signe pas un désengagement, mais traduit plutôt une évolution des priorités stratégiques de Washington dans un contexte international de plus en plus complexe.
Si les États-Unis cherchent à rééquilibrer leurs forces vers l’Indo-Pacifique pour faire face aux défis croissants posés par la Chine, ils restent un acteur central de la sécurité européenne. «Entre adaptation stratégique et signal politique, cette manœuvre américaine souligne la fragilité d’un équilibre que l’Alliance devra maintenir face à une Russie toujours menaçante et à un ordre mondial en pleine recomposition», précise un observateur européen.