(Rome, 17 octobre 2025). Leur simple présence suffit à raviver le souvenir de la Crimée : les «petits hommes verts» de Poutine ont refait surface, cette fois aux confins de l’Estonie, mettant à l’épreuve la prudence et la réactivité de l’Alliance atlantique. Ils avaient disparu depuis la Crimée, ils sont de retour, et leur apparition aux portes de l’Estonie rappelle que la Russie de Poutine n’a jamais cessé de tester les lignes rouges de l’OTAN
Les «petits hommes verts» de Poutine repérés aux frontières de l’Estonie. Dans le climat paranoïaque qui persiste à percevoir la menace et à envisager le pire scénario (une escalade entre la Russie et l’OTAN), la détection de ces «petits hommes verts», ancien surnom donné aux Spetnaz, ces forces spéciales opérant sous le contrôle des services de renseignement, tels que le GRU, et qui «apparaissent» régulièrement dans les zones sensibles, de la Syrie à la Crimée, ne peut en aucun cas être considérée comme un bon présage. Cependant, selon le gouvernement de Tallinn, il ne faut pas céder à la panique ni amplifier les tensions, même si celui-ci élabore déjà des plans d’évacuation en cas de guerre, écrit Davide Bartoccini dans «Il Giornale».
Des uniformes anonymes, dépourvus d’insignes et de marques distinctives, typiques des forces spéciales russes, et la crainte persistante et pressante que ces «sept hommes armés en uniforme anonyme», identifiés dans une étroite bande de territoire russe traversant le sud-est de l’Estonie, puissent également s’inscrire dans une stratégie du Kremlin visant à semer la peur et la division en Europe. Leur présence, celle des présumés «Little Green Men» de Moscou, a été qualifiée de «brève mais préoccupante» par les autorités estoniennes, qui ont préféré bloquer la route à la frontière entre le pays balte et le territoire russe afin d’«éviter d’éventuels incidents» dans ce que la journaliste Ellie Cook décrit comme une «petite portion de territoire russe en forme de coin» s’enfonçant en Estonie et connue sous le nom de Saatse Boot. Il s’agit d’une route d’environ 800 mètres traversant le territoire russe.
Les images, diffusées par la chaîne estonienne ERR, montrent des hommes, jeunes et moins jeunes, armés de fusils d’assaut Kalachnikov modernes et le visage couvert de cagoules balaklava, sans aucun insigne reconnaissable.
Les gardes-frontières estoniens ont déclaré : «Nous avons observé des groupes d’hommes armés, apparemment engagés dans des activités suspectes. Il ne s’agit pas de gardes-frontières ; la situation représente une menace».
Moins spectaculaire que les trois chasseurs MiG-31 russes qui ont survolé l’espace aérien de l’OTAN le mois dernier en direction de l’enclave russe de Kaliningrad, mais assurément plus inquiétant, surtout après l’étrange version diffusée par le FSB, les services secrets russes, qui peuvent prendre le contrôle des unités Spetnaz. Ces derniers ont affirmé que l’Ukraine envisageait de mener des «opérations sous faux drapeau» pour entraîner l’OTAN dans le conflit. Selon des sources russes, rapidement démenties par les services de renseignement ukrainiens, des sabotages seraient attribués à de faux chasseurs Spetnaz russes ou biélorusses.
«Les informations suggérant que la situation à la frontière entre l’Estonie et la Russie devient tendue sont exagérées», a déclaré le ministre estonien des Affaires étrangères dans un communiqué publié sur les chaînes officielles, ajoutant que la Fédération de Russie «agit de manière plus déterminée et visible qu’auparavant, mais que la situation reste sous contrôle». Et le ministre d’ajouter : «Pour être clair, rien de grave ne se passe à la frontière».
Selon les dernières analyses de plusieurs agences de renseignement occidentales, la dernière en date partagée par les services secrets danois, Moscou a progressivement «intensifié ses opérations militaires et clandestines» contre l’Alliance. Les tactiques de guerre hybride employées par la Russie (cyberattaques, sabotages et campagnes de désinformation planifiées) sont conçues pour «opérer dans la zone grise» évitant ainsi de déclencher l’article 5 du Traité de l’OTAN, tout en semant l’instabilité et en testant la cohésion de l’Alliance, ses contre-mesures et, peut-être plus important encore, sa détermination.
La présence de troupes russes portant des uniformes anonymes, surnommées les «petits hommes verts», a déjà été considérée comme le prélude à l’annexion de la Crimée en février 2014. Envoyées pour sonder les défenses ukrainiennes, les Spetnaz avaient alors pris le contrôle d’objectifs stratégiques, ouvrant la voie à des opérations qui ont conduit à l’annexion de toute la péninsule.
De ce fait, leur identification sur un territoire limitrophe de l’OTAN n’est pas de bon augure. Mais les faits nous apprennent que les petits hommes verts sont apparus, puis aussitôt disparus. Peut-être s’étaient-ils trompés de chemin ; sur une frontière aussi étroite, cela peut arriver.