(Rome, 10 septembre 2025). Alors que l’ONU devait se pencher sur la reconnaissance de la Palestine, Israël a frappé à Doha visant le Hamas, déclenchant la colère du Qatar et du monde arabe. En parallèle, l’intrusion des drones russes en Pologne ravive les tensions au sein de l’OTAN. Deux fronts, du Moyen-Orient à l’Europe, où chaque incident alimente l’escalade et fragilise la position déjà ambiguë de Donald Trump
Le jour même de l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations Unies, au cours de laquelle plusieurs pays clés devraient reconnaître l’État de Palestine, Israël a bombardé des représentants et des négociateurs du Hamas à Doha, au Qatar. Aujourd’hui, la situation en Pologne prend de l’ampleur : le Premier ministre Donald Tusk demande l’activation de l’article 4 de l’OTAN suite à l’incursion de drones russes sur son territoire. Comme d’habitude, les escalades au Moyen-Orient et en Ukraine avancent en parallèle, écrit Davide Malacaria dans son décryptage dans le portail «Inside Over».
Doha a légitimement qualifié l’attaque israélienne de «terrorisme d’État». Cette définition s’applique également à la double attaque contre la Flottille de la Liberté, visant des civils engagés dans une mission humanitaire.
Mais tout cela découle de l’impunité dont jouit Tel-Aviv, qui se croit libre d’agir à sa guise, au mépris du droit international et des droits humains les plus élémentaires, notamment le droit à la vie, refusé aux Palestiniens contraints d’évacuer Gaza sous les bombes pour connaître un sort tout aussi tragique (89 morts la nuit dernière).
Le Qatar a trouvé un fort soutien dans les pays arabes, qui commencent peut-être à comprendre qu’ils ne sont pas à l’abri du bras israélien. Reste à savoir s’ils parviendront à sortir de la paralysie dans laquelle ils sont plongés depuis le 7 octobre.
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Le rôle de Trump dans l’attaque reste à déterminer. On peut aisément établir un parallèle avec ce qui est arrivé à l’Iran, bombardé par Israël alors que des négociations avec les États-Unis étaient en cours, une chronologie qui a conduit plus d’un à penser que la main tendue des Américains visait à faire baisser la garde aux Iraniens.
C’est ce qui se serait produit cette fois-ci, les dirigeants du Hamas ayant été persuadés de se réunir à Doha pour examiner la proposition de trêve américaine, se faisant ainsi des cibles faciles. Et il est évident que l’armée américaine, qui dispose de sa base régionale (Al-Oudeid) la plus importante au Qatar, a été prévenu afin de ne pas interférer, ou pire.
Autre chose est de savoir si le locataire de la Maison Blanche a donné son feu vert ou si sa version est vraie, à savoir que l’avertissement transmis par l’armée américaine lui est parvenu tardivement, lui laissant seulement le temps de contacter Witkoff pour alerter le Qatar (qui a nié toute alerte préalable).
Cette version doit être complétée par l’hypothèse d’un sabotage interne, étant donné que de nombreux hauts gradés de l’armée et d’autres services de sécurité sont acquis au dogme des «guerres sans fin», et qu’il est facile de brouiller les pistes et de retarder les échéances.
Les critiques de Trump à l’égard de l’attaque israélienne restent cependant, comme toujours, hargneuses et confuses, lorsqu’il s’agit d’Israël, assorti de la déclaration habituelle de subordination aux lignes directrices de Tel-Aviv.
Cette soumission semble être aggravée par l’affaire Epstein, qui pèse sur Trump. Comme le rappelle l’auteur Davide Malacaria, l’affaire avait été reléguée aux oubliettes pendant un certain temps, après que le magnat se soit retiré du chaos moyen-oriental.
Mais lorsque Trump a tenté de relancer les négociations avec le Hamas avec une proposition brutale, et que le Hamas aurait pu accepter (d’où les bombardements pour l’en empêcher), l’affaire est revenue en force.
Ainsi, à la veille de la frappe de Doha, les héritiers d’Epstein ont soumis l’un de ses carnets au Congrès américain, et les médias impériaux, le Washington Post et le New York Times, ont publié en première page une image de celui-ci : une image extraite de ce carnet : un dessin d’une femme nue accompagné de phrases suggestives que Trump aurait réalisé pour Epstein.
Nous ignorons si les héritiers anonymes d’Epstein sont liés aux services de renseignement israéliens, comme semble l’avoir été le défunt milliardaire pédophile, mais le timing interroge. Au-delà des détails, la nouvelle flambée de l’affaire Epstein peut contribuer à expliquer la docilité de Trump à l’égard de Tel-Aviv, mais elle n’en découle pas nécessairement qu’il ait donné son feu vert à l’attaque.
Dans le doute, rappelons que la thèse selon laquelle, en négociant avec l’Iran, Trump aurait voulu lui tendre un piège, nous semble infirmée par les faits. Et notons que les médias, avides de «guerres sans fin», tant israéliens qu’américains, ont été les premiers à évoquer la coordination entre Netanyahu et Trump pour l’attaque de Doha, d’où l’idée d’un piège tendu au Hamas (coordination démentie par Netanyahu car il risquait trop en cas de refus de la Maison Blanche).
Il s’agit peut-être d’une question secondaire concernant le Moyen-Orient, car, comme le démontrent les bombes visant le Hamas, Trump éprouve de sérieuses difficultés à intervenir sur les crises régionales cruciales ; moins sur le front ukrainien.
En réalité, la mise en avant de l’«imprévisibilité» de Trump – qui est autre chose que son ambiguïté manifeste dont il use pour se protéger des critiques – vise à compromettre les négociations avec Poutine, amené à se convaincre de la futilité du dialogue (même si le Tsar reste pour l’instant ouvert).
Ceci nous amène aux drones russes qui ont pénétré le territoire polonais, poussant Varsovie à invoquer l’article 4 de l’OTAN, qui appelle les États membres à se réunir pour décider d’une éventuelle riposte.
Nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé. Pour l’heure, il n’y a que les accusations de Kiev et de Varsovie concernant une attaque russe contre la Pologne, et les démentis de Moscou. Dans ce contexte d’incertitude, le rapport du ministère biélorusse de la Défense semble plausible : les drones russes auraient été détournés vers leur territoire et vers le territoire polonais en raison d’interférences électroniques. Il ne s’agit donc pas d’une attaque contre Varsovie, et de toute façon, c’est inexplicable.
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D’autres missiles sont tombés en Pologne sans provoquer une réaction aussi disproportionnée, grâce à deux facteurs. Le premier est le duel entre le Premier ministre polonais Tusk, antirusse, et le nouveau président, Karol Nawrocki, moins enclin à la confrontation ; Tusk cherchant à exploiter l’incident pour accroitre ses soutiens.
Le deuxième élément est que le «parti de la guerre» occidental tentera probablement d’exploiter la situation des frappes de drones pour résoudre son principal dilemme du moment : ramener le président américain Donald Trump en guerre contre la Fédération de Russie».