(Rome, 03 septembre 2025). Alors que Pékin déploie toute sa puissance militaire sur la place Tiananmen, Xi Jinping envoie au monde un message clair : la Chine n’entend plus se contenter d’un rôle secondaire dans l’ordre mondial. Derrière la démonstration de force, c’est une nouvelle ère géopolitique qui s’ouvre, où l’Occident doute et se divise. Pékin, cependant, affirme sa puissance et fédère autour d’elle un Sud global prêt à redessiner les équilibres mondiaux
Dans les rames de métro, les yeux rivés sur leurs smartphones. A la maison, devant leur téléviseur branché sur CCTV-1, la première chaîne de la Télévision centrale de Chine, ou encore au bord des routes et sur les places publiques, fixant les écrans géants.
Toute la Chine s’est arrêtée pour regarder – ou mieux pour apprécier – le défilé militaire massif organisé sur la place Tiananmen pour commémorer le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’événement célébrait la victoire de la Chine dans la soi-disant Guerre de Résistance contre l’agression japonaise, ainsi que la contribution de Pékin à la défaite du fascisme, rapporte Federico Giuliani dans «Inside Over».
Loin d’une fracture entre le peuple chinois et ses dirigeants, ou entre les jeunes générations et le Parti communiste chinois (PCC) : la sensation est que le lien entre les citoyens de l’Empire du Milieu et l’élite politique est non seulement solide, mais renforcée par les récents événements internationaux.
La rhétorique moraliste de l’Occident, combinée aux tarifs douaniers imposés par Donald Trump, a en effet convaincu les «enfants du Dragon» de s’unir face à un monde en mutation. Et la promesse de Xi Jinping, celle de lutter pour la paix et pour un ordre mondial plus équitable que l’actuel, semble avoir convaincu non seulement ses compatriotes, mais aussi les pays du Sud global, eux aussi désireux, enfin en tant que protagonistes, à la table de l’histoire.
Bien plus qu’une parade militaire
Ce qui s’est déroulé à Pékin était bien plus qu’une simple parade militaire. Le gouvernement chinois a manifestement utilisé la scène pour faire étalage de ses muscles et exhiber au monde entier ses innovations militaires les plus impressionnantes, telles que les missiles, les drones et les armes de haute technologie. Mais le véritable objectif de Xi était tout autre : poser les bases d’une nouvelle ère internationale.
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Peu importe ce que peuvent en penser les analystes occidentaux, l’Union européenne ou les États-Unis, la Chine a clairement fait savoir à tous qu’elle n’entendait plus porter le rôle inconfortable qu’on lui avait assigné, bien malgré elle, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bien sûr, la mondialisation et l’Organisation mondiale du commerce ont amplifié la croissance économique de Pékin, mais le Parti se sent désormais suffisamment mûr pour s’engager sur une nouvelle trajectoire de développement, qu’il entend proposer aussi à d’autres.
Le message a été rendu encore plus clair par la présence, aux côtés de Xi, dans la tribune d’honneur, de dirigeants représentant des États ayant défié ou remis en cause la domination américaine sur l’ordre mondial.
Vers une nouvelle ère
La grande parade a servi à attiser le nationalisme, à mettre en lumière le rôle joué par la Chine pendant la Seconde Guerre mondiale et à présenter le Parti comme le sauveur de la nation face à un agresseur étranger : le Japon impérial. Évoquer de tels souvenirs permet, en réalité, de rallier le soutien intérieur face aux incertitudes économiques et aux tensions avec les États-Unis. Cependant, ce serait une erreur de s’arrêter à ce constat.
«Quand, dans le passé, nous nous sommes retrouvés face à une lutte à mort entre justice et mal, lumière et obscurité, progrès et réaction, le peuple chinois s’est uni dans la haine de l’ennemi et s’est rebellé», a déclaré Xi Jinping, décrivant les tensions actuelles comme une nouvelle fatale entre paix et guerre, dialogue ou affrontement.
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Avec la Chine – et avec de nombreux autres pays qui choisiront de la suivre – se rangeant du côté du progrès, de la paix et du dialogue, il ne reste à l’Occident qu’à réajuster son récit envers ses «ennemis» ou à se préparer à l’inévitable : perdre son influence sur ce qu’on appelait autrefois «le reste du monde», mais qui représente désormais un «monde alternatif» prêt à prendre son essor.
Un expert italien nous donne sa version : «Sous les drapeaux et les missiles de la place Tiananmen, Xi Jinping a sonné le glas d’un monde dominé par l’Occident». Et notre contact d’ajouter : «Pékin ne se cache plus, il revendique un rôle central dans une ère nouvelle, où l’influence américaine pourrait vaciller face à l’ascension d’un bloc alternatif». «Xi Jinping entend imposer la Chine comme moteur d’un nouvel ordre mondial. Pour l’Occident, le signal est clair : il n’est plus seul à écrire les règles du jeu», a-t-il conclu.
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