(Rome, Paris, 28 août 2025). En activant le mécanisme de “snapback” pour rétablir les sanctions de l’accord nucléaire de 2015, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni accentuent la pression sur l’Iran, dans un contexte de blocage diplomatique et d’escalade régionale. Cette décision vise à ramener Téhéran à la table des négociations, mais révèle aussi les limites de la diplomatie occidentale : malgré ses promesses, Donald Trump n’a pas réussi à proposer une alternative crédible, laissant l’UE assumer la charge d’une stratégie de fermeté qui risque d’alimenter la confrontation au Moyen-Orient
La décision de l’Europe accroît la pression économique et politique sur Téhéran, mais risque de déclencher une nouvelle phase d’escalade, dans un contexte déjà marqué par la crise au Moyen-Orient et la fragmentation du front international autour du dossier nucléaire, écrit Ferruccio Michelin dans «Formiche.net»
Une offensive diplomatique coordonnée
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni (Groupe E3) ont notifié jeudi matin au Conseil de sécurité de l’ONU leur intention d’activer le mécanisme dit «snapback», qui entraîne la réintroduction automatique de toutes les sanctions suspendues en vertu de l’Accord nucléaire «Joint Comprehensive Plan of Action» (JCPOA) de 2015. Cette décision, confirmée par des sources diplomatiques européennes au portail «Axios», constitue l’une des mesures les plus fermes contre Téhéran de ces dernières années.
Objectifs affichés : pression maximale avant octobre
Dans le texte envoyé aux membres du Conseil de sécurité, les trois pays ont précisé qu’ils restaient ouverts à des négociations avec l’Iran dans les 30 prochains jours, avant l’entrée en vigueur des sanctions, afin de conclure un nouvel accord sur le nucléaire. L’objectif affiché est double :
- Ramener Téhéran à la table des négociations avec Washington ;
- Garantir aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) un accès complet aux sites nucléaires, y compris aux stocks d’uranium enrichi à 60 %, non détruits par les frappes américaines et israéliennes.
Un contexte diplomatique bloqué
Cette initiative fait suite à des semaines de tentatives de médiation infructueuses. La dernière réunion à Genève, mardi, s’est soldée par un échec. Selon des sources diplomatiques, l’Iran refusant toute proposition concrète et rejetant l’idée d’une prolongation du délai fixé à fin août pour éviter le retour des sanctions. Mercredi, les ministres des Affaires étrangères des E3, en coordination avec l’UE et après consultation avec Washington, avaient déjà signalé leur intention d’aller de l’avant.
Réaction de Téhéran
Téhéran a immédiatement menacé de suspendre sa coopération avec l’AIEA si le mécanisme était activé. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Kazem Gharibabadi, a rappelé que l’activation du mécanisme entraînerait la suspension de la coopération avec l’AIEA. Ces dernières années, les responsables iraniens ont évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’un retrait du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en réponse à un éventuel retour en arrière. L’Iran dénonce par ailleurs une logique jugée incohérente et punitive, soulignant que les États-Unis se sont retirés unilatéralement du JCPOA en 2018, avant d’intensifier les frappes ciblées contre ses infrastructures nucléaires.
«Si l’Iran suspend la coopération avec l’AIEA ou menace de se retirer du TNP, cela pourrait faire basculer le dossier iranien dans une logique de prolifération ouverte, avec un risque d’alignement renforcé Téhéran-Moscou-Pékin», nous confie une source proche du dossier.
Calendrier et perspectives
Le mécanisme prévoit un délai de 30 jours avant la mise en œuvre des sanctions. Les Européens souhaitent conclure le processus avant que la Russie ne reprenne la présidence du Conseil de sécurité en octobre, redoutant un éventuel blocage politique orchestré par Moscou. Les diplomates du Groupe E3 insistent toutefois que le retour au «snapback» ne signifie pas «la fin de la diplomatie », laissant entrevoir un possible compromis de dernière minute avec Téhéran.