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Sécurité mondiale : le coût d’un ordre instable

(Rome, Paris, 13 août 2025). Comment est-il possible de parvenir à un compromis quelconque sans se référer à un modèle éthico-politique, même vaguement partagé ?

En 1985, la rencontre historique à Genève entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev marquait la fin de la Guerre froide. Peu de temps après, l’empire soviétique s’effondrait. Quarante ans plus tard, la rencontre en Alaska entre Donald Trump et Vladimir Poutine confirme ce qui était clair depuis longtemps : la fin de l’ère du multilatéralisme. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si l’UE, et même Kiev, ont été exclues de ce sommet et leur participation se limitant, pour l’heure, à des simples consultations, à commencer par la visioconférence d’aujourd’hui. Le fait est que le système géopolitique né après la Seconde Guerre mondiale est désormais aux archives. Ainsi, vendredi 15 août, le destin du monde dépendra de l’issue de la rencontre entre seulement deux hommes. Autoritaires et influents certes, mais dépourvus de principes et de règles partagés sur lesquels s’appuyer, écrit Ferdinando Adornato dans «Il Giornale».

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De plus, le tsar et le magnat incarnent deux visions opposées de la géopolitique. Poutine croit en la volonté de puissance des États. Il utilise fréquemment le langage de la force et de la menace. Il se voit comme l’héritier d’une histoire glorieuse allant de Pierre le Grand à Staline. Son objectif ne se limite donc certainement pas au Donbass. Il s’agit plutôt de construire une nouvelle Russie, une Grande Russie, pour laquelle il a besoin, au minimum, d’une Ukraine dotée d’une «souveraineté limitée». A Donald Trump, cependant, cette conception de l’histoire politique ne correspond pas. Sa vision de l’ordre mondial est principalement façonnée par les affaires et le commerce, les intérêts financiers et les stratégies. Il s’ensuit que tant le «modèle Poutine», fondé sur la volonté de puissance, que le «modèle Trump», fondé sur la primauté des affaires, n’ont de lien avec les normes historiques du droit international. Lequel est le grand perdant de notre époque.

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Telle est donc la difficulté de la réunion d’Alaska : comment parvenir à un compromis sans un cadre éthico-politique, même vaguement partagé ? Trump se vante de ses talents exceptionnels de médiateur. Son «sens des affaires» devrait lui faire comprendre que le cœur du problème n’est pas, comme il l’a lui-même dit, un simple «échange de territoires» (ne sont-ils pas tous ukrainiens ?), mais plutôt un autre type d’accord : «des territoires en échange de sécurité». Autrement dit, même si Zelensky accepte de céder (pour 49 ou 99 ans, selon les rumeurs) les régions occupées par Moscou, il est clair que cela ne pourra se faire qu’avec des garanties militaires et politiques précises pour la sécurité de l’Ukraine à moyen et long terme. Or, c’est précisément ce que la soif de puissance de Poutine refuse d’accepter. Et précisément ce que, à l’inverse, Trump devrait savoir obtenir s’il veut se montrer un «pacificateur» crédible. En réalité, il semble presque que Poutine cherche à convaincre le magnat de revenir aux schémas de la Guerre froide, lorsque Moscou pouvait envahir Prague parce que le monde entier était divisé entre deux superpuissances rivales se partageant des zones d’influence. Mais nous ne sommes plus en 1968, et le mur de Berlin n’existe plus : son plan est donc anachronique et dangereux. Non seulement pour Kiev, mais pour la sécurité de toute l’Europe.

Et, en fin de compte, pour celle du monde entier. Celui-ci est arrivé à un tournant décisif de son histoire. L’invasion russe a effacé des règles et des valeurs partagées, jusqu’au caractère sacré des frontières d’une nation, un principe resté intact jusqu’en 2022, et considéré comme un symbole du droit international. L’ONU connaît un déclin décadent et inquiétant. Le recours à la guerre, autrefois exceptionnel, tend à devenir la norme. On en compte aujourd’hui 56 conflits sur la planète, un record depuis la Seconde Guerre mondiale. Le coût annuel s’élève à 19.000 milliards de dollars, soit 2.380 dollars par personne ! La planète peut-elle se permettre de continuer ainsi ? Evidemment non. Nous devrions alors nous fixer un objectif comparable à celui accomplie par nos ancêtres dans l’après-guerre, en réécrivant ensemble les valeurs et les normes du nouvel ordre mondial. Mais qui possède un tel courage et une telle clairvoyance aujourd’hui ? Non, on ne voit pas de dirigeants du calibre de Roosevelt ou de Churchill. Pourtant, la Terre ne trouvera la paix que si l’on recommence à réfléchir «en grand» à une vision à son avenir.

Bien sûr, rien de tout cela ne peut être attendu de Trump et Poutine le 15 août : ce serait déjà beaucoup s’ils trouvent la voie d’un véritable cessez-le-feu. Mais n’oublions pas qu’une grande partie de l’avenir du monde se joue en Ukraine (et, par la même occasion, au Liban et à Gaza).

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