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La cause palestinienne n’est plus une priorité pour le monde arabe. À quoi sert le mur du Caire ?

(Rome, 27 juillet 2025). Le mur du Caire est, dans sa matérialité, la démonstration la plus spectaculaire et la plus irréfutable de ce que beaucoup préfèrent ignorer : la question palestinienne n’intéresse plus le monde arabe. Elle est devenue un simple outil servant uniquement à affaiblir Israël. Personne ne veut la résoudre. Et le mur en est le symbole parfait

Alors que la communauté internationale est divisée sur l’avenir de Gaza et la reconnaissance d’un État palestinien, l’Égypte a choisi une voie beaucoup plus concrète et définitive : un mur. Un mur haut, épais, surveillé et technologiquement avancé. Un mur qui marque non seulement la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza, mais aussi, de manière symbolique, la frontière entre le monde arabe et la cause palestinienne. Et ce mur est un message clair : Le Caire veut laisser les problèmes là où ils sont, c’est-à-dire au-delà du mur, écrit Roberto Arditti dans «Formiche.net».

Le nouveau système égyptien fortifié s’étend sur environ 14 kilomètres à la frontière sud de la bande de Gaza. Contrairement aux anciennes barrières, souvent improvisées ou temporaires, il s’agit d’une infrastructure permanente. Le mur est constitué d’une structure en béton armé, profondément enfoui, conçue pour empêcher toute tentative de percement de tunnels. Il se prolonge en surface par des panneaux d’acier renforcé, des capteurs sismiques, des caméras thermiques et des drones de surveillance continue. Les forces armées égyptiennes ont renforcé l’ensemble de la zone par des patrouilles permanentes, des postes de contrôle blindés et une zone tampon bien délimitée, interdisant l’accès aux civils et aux véhicules non autorisés. La structure est flanquée d’un corridor militaire interne et d’une zone tampon d’au moins 500 mètres entièrement évacuée depuis des années.

Ce dispositif marque la fin de l’ère des tunnels, qui, pendant des décennies, ont été le moteur du trafic souvent illicite d’armes, d’hommes, de carburant, de cigarettes et de biens de première nécessité entre Gaza et le Sinaï. L’armée égyptienne a fait exploser des centaines de galeries, certaines longues de plus d’un kilomètre et équipées de chariots sur rails. L’Égypte en a physiquement et politiquement fermé tous les accès. Il s’agit d’une décision d’une importance géopolitique considérable.

Il s’agit non seulement d’une question de sécurité – bien que cela reste une priorité pour Le Caire, notamment après les attaques djihadistes dans le Sinaï – mais plutôt d’une question de stratégie. L’Égypte, comme la majorité du monde arabe, a désormais adopté une posture de détachement froid et calculé à l’égard de la cause palestinienne. Aucun État arabe ne souhaite véritablement en assumer la charge. En effet, plus la question reste entre les mains d’Israël, plus Israël s’affaiblit politiquement, moralement et militairement. C’est une position cynique, mais parfaitement rationnelle du point de vue égyptien, saoudien ou émirati.

Le mur à la frontière avec Gaza est donc bien plus qu’un ouvrage défensif : c’est un choix politique assumé. L’Égypte, le pays arabe le plus peuplé et historiquement le plus impliqué dans la question palestinienne, se retire. Elle ne veut pas de réfugiés, de responsabilités, pas d’implication directe. Elle préfère maintenir ses relations avec Israël et les États-Unis, quitte à subir des critiques publiques. Car au fond, le Caire le sait – et d’autres dirigeants arabes le savent aussi – qu’un véritable projet d’intégration régionale des Palestiniens n’existe plus. De fait, le silence des capitales islamiques après le 7 octobre confirme que la solidarité arabe n’est plus qu’un slogan usé, bon pour quelques déclarations rituelles dénuée de conséquences.

Les chiffres du mur

L’Égypte a construit une barrière militaire définitive à sa frontière sud avec Gaza :

  • Longueur estimée : 12 à 14 Km,
  • Hauteur : jusqu’à 7 mètres,
  • Profondeur : entre 6 et 18 mètres sous terre,
  • Composition : béton armé et panneaux d’acier, équipés de capteurs électroniques, de caméras thermiques, de systèmes d’alarme et de drones de surveillance.

La construction a débuté en 2009 avec un mur métallique de 18 mètres de profondeur, puis a été modernisée en 2020 avec une nouvelle section en béton armé entre Kerem Shalom et le point de passage de Rafah. Ce nouveau mur mesure 7 mètres de haut, à seulement 8 mètres de l’ancienne barrière, et intègre un système de capteurs et de tours d’observation. Les technologies utilisées sont similaires à celles utilisées en Israël : vision nocturne thermique, radar au sol et drones d’inspection continue.

Sur le plan sécuritaire, Le Caire a déployé «plusieurs centaines» de soldats, appartenant au Corps des gardes-frontières (estimé à environ 25.000 hommes sur l’ensemble du territoire). Ces unités gardent les checkpoints blindés, patrouillent les zones évacuées et assurent le contrôle de la zone tampon de 500 mètres.

Le plan égyptien a aussi conduit à la démolition de plus de 1.600 tunnels souterrains et de plus de 1.200 habitations dans la région de Rafah, avec un financement partiel de 70 millions de dollars pour la seule première phase de l’évacuation. Le coût de la barrière est estimé à des centaines de millions de dollars.

Cette barrière est non seulement une réponse technique à la menace des tunnels, mais aussi une séparation définitive. Et la fin de l’ère des galeries souterraines témoigne d’un choix politique et existentiel : l’Égypte se retire. En murant sa frontière, elle déclare qu’elle n’entend plus prendre en charge Gaza. Elle n’a aucune responsabilité envers les Palestiniens, ni aucune volonté de les accueillir. Tout est laissé entre les mains d’Israël, tandis que le monde islamique, avec l’Égypte en tête, coupe tous les ponts.

Le mur du Caire est, dans sa forme physique, la démonstration la plus dramatique et incontestable de ce que beaucoup refusent de voir : la question palestinienne n’intéresse plus le monde arabe. Elle n’est devenue qu’un outil utile pour user Israël. Personne ne veut résoudre ce problème. Et le mur en est le symbole parfait.

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