(Rome, 23 juillet 2025). La Russie accélère la création d’un écosystème numérique contrôlé par l’État avec le lancement de Max, une application développée sur ordre direct du Kremlin et destinée à remplacer WhatsApp, qui sera interdit d’ici l’automne
La Russie franchit une étape décisive vers la nationalisation complète de son espace numérique avec le lancement de Max, une plateforme multifonction développée par VK, l’entreprise contrôlée par le Kremlin, et agissant sur ordre personnel de Vladimir Poutine. Présentée en mars, l’application sera préinstallée sur tous les appareils numériques vendus dans le pays à partir du 1er septembre et remplacera progressivement WhatsApp, qui sera interdit pour des raisons de sécurité nationale.
Derrière une interface minimaliste, écrit Jacopo Marzano dans «Formiche.net», Max combine messagerie, appels vidéo, paiements en ligne, réseaux sociaux et accès aux portails gouvernementaux, en une seule solution. Mais, selon les analystes et les opposants, il s’agit avant tout d’un outil avancé de surveillance et de contrôle social, capable de collecter en temps réel des données sensibles sur la localisation, les contacts, les transactions bancaires et l’historique de navigation.
Des applications souveraines, le contrôle interne et la militarisation du Web
Selon le Times, des sources indépendantes révèlent que l’application utilisera des autorisations invasives, notamment l’accès root (admin), le contrôle permanent du microphone et de la caméra, ainsi que la capacité d’envoyer automatiquement des informations aux serveurs de VK, sous le contrôle direct des services de sécurité russes. Même après suppression, certaines parties du logiciel resteraient actives dans les fichiers système, rendant l’opération quasiment irréversible.
Ainsi, Max ressemblerait au modèle chinois de WeChat, la super-application utilisée par Pékin comme outil de surveillance, de censure et de gestion centralisée des services numériques et de messagerie. Et tout comme WeChat, Max ambitionne de devenir une infrastructure indispensable à la vie quotidienne : un système intégrant les communications privées, les interactions sociales, les transactions économiques et les services de l’État, éliminant progressivement l’utilisation de WhatsApp et de Telegram, tout en rendant impossible toute forme réelle d’anonymat en ligne.
Max et RuNet : un écosystème numérique centralisé
Ce projet reflète une profonde transformation de la relation du Kremlin à Internet. Au début des années 2000, Poutine affichait une attitude presque méprisante envers Internet, affirmant ne jamais l’avoir utilisé. Les manifestations de masse de 2011 à Moscou, organisées via les applications occidentales comme YouTube et Facebook, ont marqué un tournant. Depuis lors, le Kremlin a progressivement militarisé l’espace numérique, bloquant les sites web étrangers, ralentissant l’accès à des plateformes comme YouTube et poursuivant des milliers de citoyens pour des contenus en ligne jugés extrémistes en raison de leur nature ou de leur origine occidentales. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, la répression a atteint des niveaux sans précédent : près de 4.000 personnes ont été inculpées pour des publications et des commentaires sur les réseaux sociaux, tandis que de nouvelles lois de plus en plus restrictives interdisent même la recherche en ligne de contenus jugés illégaux.
L’introduction de Max s’inscrit dans une stratégie de découplage numérique de la Russie visant à réduire sa dépendance aux technologies occidentales et à s’aligner au modèle autoritaire chinois. À l’instar de Pékin, Moscou entend bâtir une sphère numérique souveraine, où les données restent sous le contrôle de l’État et où les infrastructures critiques sont à l’abri des interférences extérieures. Dans cette logique, Max représente la pierre angulaire technologique d’une stratégie plus large, qui comprend l’expansion du RuNet, sa propre version isolée d’Internet, et un alignement progressif sur la vision chinoise d’un cyberespace fragmenté par blocs nationaux.
À cet égard, la comparaison avec WeChat est révélatrice : le système de crédit social de Pékin, qui surveille et évalue le comportement des citoyens, est fortement structuré autour de l’utilisation de l’application chinoise. Bien que Moscou n’ait pas encore officiellement instauré un tel système, la collecte de données via Max pourrait jeter les bases d’un mécanisme similaire, capable de surveiller et d’orienter l’opinion publique ainsi que de réprimer toute forme de dissidence.