(Rome, Paris, 23 juillet 2025). Après la guerre éclair entre Israël et l’Iran, des explosions et des incendies suspects frappent des sites sensibles en République islamique. Téhéran soupçonne un sabotage israélien, mais évite toute réaction officielle
Le conflit entre Israël et l’Iran, qui a éclaté en juin et (du moins officiellement) après 12 jours de raids et de représailles réciproques, conclus par le bombardement américain des sites nucléaires du régime des ayatollahs, pourrait ne pas être totalement clos. Des responsables iraniens, cités anonymement par le New York Times, affirment que de nombreux incidents enregistrés ces dernières semaines en divers endroits de la République islamique pourraient être le résultat d’actions menées par Israël.
Les soupçons concernant Israël
Plusieurs explosions et incendies, écrit Valerio Chiapparino dans le quotidien «Il Giornale», ont ravagé des immeubles résidentiels, des raffineries de pétrole, une entreprise de chaussures et une route près d’un grand aéroport. L’un des incidents les plus graves s’est produit samedi dernier : un incendie dans une raffinerie stratégique d’Abadan, dans le sud de l’Iran, a paralysé une chaîne de production et fait un mort. Une autre déflagration significative a eu lieu dans un immeuble résidentiel de la capitale iranienne réservé, à prix réduits, aux employés de la justice. La crainte, à peine chuchotée, est que l’explosion ait eu pour objectif de semer le doute et la peur parmi les juges et les procureurs, les laissant sur la liste noire d’Israël, comme ce fut le cas pour les scientifiques nucléaires, ciblés par le passé.
Jusqu’à présent, les autorités iraniennes attribuent officiellement ces incidents, quasi quotidiens, à des fuites de gaz, à des incendies de déchets et à des infrastructures vétustes. Cependant, dans les cercles du pouvoir à Téhéran, d’autres hypothèses très différentes circulent. Trois responsables iraniens, dont un membre des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), ont indiqué au New York Times que malgré l’absence de preuves formelles, les soupçons se portent clairement sur Israël, déjà responsable par le passé d’attaques similaires. Une source européenne a d’ailleurs admis qu’elle croyait également à une opération de sabotage israélienne en cours.
Silence stratégique de Téhéran
Les sources iraniennes indiquent que la piste israélienne n’est pas évoquée publiquement car le régime ne souhaite pas se retrouver obligé de réagir militairement contre Tel-Aviv. Le récent conflit avec Israël a gravement endommagé les défenses aériennes, les lanceurs de missiles, les bases militaires et les installations nucléaires iraniennes. Revenir à un état d’hostilité ouvert serait un risque coûteux pour les dirigeants du régime des ayatollahs. Il n’est cependant pas passé inaperçu qu’après la guerre des 12 Jours, le directeur du Mossad, David Barnea, avait déclaré dans une vidéo célébrant le travail de l’agence :
- Même après le cessez-le-feu, nous garderons un œil sur tous les projets en Iran,
- nous serons présents comme nous l’avons toujours été.
Méfiance grandissante au sein de la population
Dans un Iran frappé par une canicule extrême, la méfiance envers les autorités grandit. «La longue tradition d’opacité, de dissimulation et de manque de transparence du gouvernement iranien, conjuguée à ses réponses vagues, n’a fait qu’accroître la peur et la suspicion de l’opinion publique», déclare Omid Memarian, expert auprès d’un institut de recherche en politique étrangère basé à Washington. C’est le cas de la mort mystérieuse, la semaine dernière, du général de brigade Gholamhossein Gheybparvar, ancien commandant adjoint des Gardiens de la révolution et chef d’une base militaire chargée de réprimer les manifestations de femmes en 2021. Officiellement, il serait décédé des suites de blessures chimiques subies pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980, aggravées par le «stress» provoqué par le récent conflit avec Israël.
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Il convient de noter que les explications liées à l’incendie de la raffinerie d’Abadan (qui a fait un mort et plusieurs blessés) ou celles de l’explosion survenue près de l’aéroport de Mashhad (dans le nord-est du pays), officiellement attribuée à un «brûlage contrôlé des mauvaises herbes», peinent à convaincre l’opinion. Tout comme un autre incendie à Téhéran attribué à un feu de déchets.
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Pourquoi, si tout est sous contrôle, des fuites de gaz ou des déchets en flammes provoquent-ils quotidiennement autant de chaos ?, s’interrogent les Iraniens. Par ailleurs, la compagnie nationale de gaz iranienne a publié des statistiques qui, selon elle, ne montrent aucune augmentation notable des explosions dues à des fuites de gaz cette année par rapport à l’année dernière.
L’enjeu diplomatique
Par ailleurs, selon le «Jerusalem Post», le président américain Donald Trump aurait déclaré en privé que les États-Unis n’avaient plus l’intention de persuader Téhéran de revenir à la table des négociations sur le dossier nucléaire. «S’ils veulent venir, ils sont les bienvenus.
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Mais nous les supplierons pas», aurait déclaré le magnat. Dans une interview accordée à Fox News, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a réitéré sa position sur la question : «Nous ne pouvons pas renoncer à notre droit d’enrichir de l’uranium», a-t-il dit, reconnaissant les dommages importants causés aux installations nucléaires. Peu après, Donald Trump a publié un message sur son réseau social Truth, affirmant : «Si nécessaire, nous frapperons à nouveau des sites nucléaires».
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Prochain test à Istanbul
Au-delà des mots, les intentions réelles de Téhéran seront mises à l’épreuve vendredi prochain à Istanbul, où une réunion est prévue entre le vice-ministre iranien des Affaires étrangères et des représentants de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne.
Les pays européens ont averti le régime de Téhéran qu’en l’absence d’un nouvel accord d’ici août, de lourdes sanctions internationales seraient réinstaurées. Mais en arrière-plan, la menace qui pèse sur la République islamique pourrait être encore plus grave.