(Rome, 16 juillet 2025). Israël a mené des frappes aériennes sur le centre de Damas, marquant une escalade dans un bras de fer engahé avec le nouveau leadership syrien dirigé par Ahmed al-Charaa. Cette action s’inscrit dans un contexte de tensions intercommunautaires et stratégiques dans le sud de la Syrie, où Tel-Aviv affirme défendre la minorité druze
Dans une coïncidence digne d’un scénario cynique, la présentatrice Noor Al-Houda Mourad de «Syria TV», une chaîne pro-gouvernementale financée par Doha, basée à Istanbul et disposant de bureaux à Damas, commentait les menaces du ministre israélien de la Défense, Israël Katz, qui menaçait d’intervenir en Syrie, lorsque le bâtiment derrière elle a été frappé par un missile. Une série de frappes aériennes a touché mercredi des sites clés de la capitale syrienne, notamment le bâtiment du commandement de la Défense, situé dans le centre de Damas, à quelques pas du palais présidentiel où Ahmed al-Charaa, le nouveau dirigeant syrien, a pris ses fonctions il y a quelques mois. Ancien membre d’Al-Qaïda, il est aujourd’hui un chef rebelle victorieux de la guerre civile contre le régime brutal et sectaire de Bacahr al-Assad. Al-Charaa a rapidement été réhabilité par les chancelleries internationales, y compris occidentales, écrit Emanuele Rossi dans «Formiche.net».
Les explosions ont été provoquées par une première vague de frappes de drones, suivie de bombardements plus intenses. Les premières données du ministère syrien de la Santé sont très partielles, mais au vu de la forte densité de population dans la zone, le bilan risque de s’alourdir.
Ces opérations militaires font suite à des incursions menées depuis plusieurs jours dans le sud de la Syrie, notamment dans la région de Soueïda, théâtre de tensions intercommunautaires croissantes entre druzes et bédouins sunnites. Les forces israéliennes sont intervenues, affirmant vouloir protéger la minorité druze, historiquement proche de l’État hébreu, contre les sunnites, lesquels, selon Israël, bénéficient de la complaisance du gouvernement, où des extrémistes sunnites occupent des postes clés, y compris à la présidence. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a réitéré son engagement à protéger ce qu’il a qualifié de «notre peuple» avant l’attaque.
Tsahal a confirmé la responsabilité des attaques et diffusé des images des opérations. Tel-Aviv a ainsi ouvert un nouveau front : depuis plus d’une décennie, les Israéliens frappent en Syrie, mais visaient surtout les transferts d’armes iraniennes aux milices chiites locales et au Hezbollah. Ces forces combattantes ont été défaites par les rebelles menés par al-Charaa, qui s’était même montré ouvert au dialogue avec Israël (dans la logique des accords d’Abraham, selon certaines sources américaines).
L’attaque israélienne contre Damas ouvre ainsi un nouveau scénario : l’État hébreu est déjà engagé contre le Hamas à Gaza et les groupes palestiniens en Cisjordanie, le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen, et a momentanément suspendu ses attaques directes contre l’Iran.
Toutes ces opérations sont liées au conflit post-7 octobre 2023, tandis que celle contre Damas n’y est formellement pas liée. Israël semble toutefois maintenir l’élan guerrier, manifestement une volonté apparente de régler tous les comptes avec ses voisins.
Les tensions à Soueida ont éclaté après la diffusion en ligne d’un message audio offensant envers Mahomet, attribué à un dignitaire druze, mais démenti par le gouvernement. Des groupes extrémistes sunnites ont utilisé cet épisode comme prétexte pour attaquer des zones druzes, déclenchant des affrontements armés, notamment à Jaramana et Sahnaya.
Les Druzes, une minorité religieuse non musulmane également présente au Liban et en Israël, comptent environ 500.000 personnes en Syrie, concentrées principalement dans le sud. Ces derniers jours, les forces syriennes ont été visées dans cette région : Israël affirme vouloir défendre les Druzes, dont certains ont trouvé refuge de l’autre côté de la frontière, avec l’aide des autorités israéliennes. Mais dans le même temps, Netanyahu entend empêcher l’avancée de l’armée syrienne vers la frontière. Tel-Aviv a instauré une «zone de sécurité» près du plateau du Golan, territoire syrien occupé depuis 1967, et a demandé à Damas de se tenir à l’écart des provinces du sud, attisant ainsi les tensions autour de la souveraineté nationale.
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Le raid sur Damas marque un tournant dans l’action israélienne, déplaçant l’attention de la périphérie vers le cœur du pouvoir syrien. Reste à savoir s’il s’agit d’une démonstration de force contre la nouvelle direction intérimaire dirigée par Ahmed al-Charaa ou du début d’une opération de plus grande envergure. Hier, une source militaire israélienne a déclaré que «si al-Charaa ne comprend pas le message, son gouvernement pourrait ne pas faire long feu».