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Le silence pragmatique de l’Arabie, du Qatar et de l’Égypte

(Paris, Rome, 14 juin 2025). Israël en action pour redessiner l’«échiquier». Même le sultan Erdogan hurle, il observe et reste passif

L’attaque israélienne contre l’Iran ne se résume pas à une tentative d’anéantissement du programme nucléaire iranien, ni à une simple revanche contre le régime islamique qui a juré de détruire l’État hébreu. Elle vise bien plus haut et ambitionne, du moins dans les intentions de Benyamin Netanyahu, une refonte complète de l’équilibre stratégique au Moyen-Orient. Elle donne un sens différent, presque préparatoire, à vingt mois de guerre commencés à Gaza, suite à la réaction militaire israélienne à l’attaque terroriste perpétrée le 7 octobre 2023 par le Hamas. Et elle force, en définitive, tous les États et les «militants» de la région à reconsidérer leur position, dans l’éventualité d’un affaiblissement du régime des ayatollahs, voire, dans l’hypothèse la plus extrême et certainement souhaitée à Jérusalem, sa chute spectaculaire, écrit Roberto Fabbri dans «Il Giornale».

Nous assistons à une décapitation méthodique du régime de Téhéran, menée selon des modalités similaires à celles utilisées par Israël au cours de ces vingt derniers mois pour éliminer les milices régionales que l’Iran armait contre Israël : l’élimination ciblée des plus hauts généraux et conseillers de Khamenei apparaît désormais comme l’aboutissement logique d’une série d’assassinats stratégiques, ayant déjà tué les dirigeants du Hamas (Haniyé et, entre autres, les frères Sinwar), le chef charismatique du Hezbollah au Liban, Hassan Nasrallah, et l’ensemble de sa chaine de commandement militaire. Mais dans ce contexte, l’accord discret avec la Turquie pour se débarrasser du dictateur de Damas Bachar al-Assad prend tout son sens : en supprimant la Syrie, l’Iran perd sa pièce maîtresse de son «axe de la résistance» anti-israélien.

Et si aujourd’hui, tant la Turquie d’Erdogan que l’Arabie saoudite de Mohammed ben Salman condamnent verbalement les attaques israéliennes contre la République islamique d’Iran, il ne semble pas encore que l’on assiste à l’émergence d’un front musulman unifié espéré par le Hamas (contre Netanyahu), à la suite de la riposte inévitable d’Israël contre les Palestiniens de Gaza.

Les puissances musulmanes du Moyen-Orient restent en retrait. Elles observent les effets de la démonstration de force israélienne contre son ennemi régional le plus redoutable. Elles attendent de voir si la riposte iranienne (promise) dévastatrice se concrétisera, et quels en seront les conséquences concrètes. Elles savent que, derrière une rhétorique pacifiste et un ballet diplomatique peu convaincant, la superpuissance américaine soutient de fait Israël dans ce qui est bien plus qu’une «opération spéciale», pour reprendre les termes de Poutine : il s’agit en réalité de l’ouverture, par la force, d’une nouvelle phase stratégique, dont l’enjeu pourrait être un repositionnement de l’ensemble des acteurs moyen-orientaux, sans exception.

Ni l’Arabie saoudite, ni l’Égypte, ni l’ambitieux Qatar, ni les Émirats arabes unis, ni même la Turquie, la puissance régionale, ne disposent des moyens nécessaires pour influencer ce qui se jouera en Iran dans les jours à venir : c’est pourquoi ils attendent de voir ce qui restera du régime des ayatollahs, avant de s’adapter à la nouvelle donne. Les pays signataires des Accords d’Abraham, tout comme la nouvelle Syrie dirigée par Al-Charaa, se montrent en réalité prêts à nouer des relations encore plus pragmatiques avec Israël. Reste à trancher la question éternelle : celle du dossier palestinien, qui, selon un expert régional, seule cette question palestinienne demeure comme obstacle majeur à une normalisation complète.

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