(Rome, 10 juin 2025). Un important entretien téléphonique a eu lieu hier entre Trump et Netanyahu sur le dossier du nucléaire iranien. L’échéance de l’ultimatum lancé par le Premier ministre israélien, fixé pour demain, pour clore l’accord américano-iranien, approche dangereusement. Passé ce délai, si aucun accord n’est trouvé entre Washington et Téhéran, il se sentira autorisé à frapper Téhéran, comme le rapporte Davide Malacaria dans «Inside Over».
Trump à Netanyahu : n’attaquez pas
Les détails cet appel ont été confidentiellement rapporté à Haaretz : «Trump a demandé à Netanyahu de cesser ses déclarations publiques au sujet d’une attaque contre les réacteurs nucléaires iraniens, et lui a clairement signifié qu’il n’obtiendrait pas le feu vert pour mener une telle attaque dans un avenir proche», tandis que le Premier ministre israélien «a demandé à la Maison Blanche de mettre fin aux négociations avec l’Iran».
À l’issue de l’échange, Trump a annoncé publiquement qu’un nouveau cycle de négociations avec Téhéran se tiendrait jeudi (la demande du Premier ministre israélien étant ignorée) au cours duquel l’Iran devrait soumettre une contre-proposition à celle avancée par Washington et rejetée précédemment.
Lors de son annonce, Trump a rappelé que, soit l’Iran conclut un accord, soit il sera contraint de bombarder. Cet ultimatum est empreint d’un sentiment de désespoir : il sait qu’il ne pourra pas longtemps résister à la pression de Netanyahu et des faucons anti-iraniens qui pullulent à Washington, un élément que Téhéran semble sous-estimer.
Il est probable que, pour élaborer sa contre-proposition, l’Iran se soit concerté avec la Russie, à laquelle Trump a demandé de l’aide. Pourtant, de nombreux doutes persistent quant à cette dangereuse partie de bras de fer. D’autant plus que Netanyahu semble ne pas avoir pris en compte la demande de Trump, puisqu’à l’issue de la conversation, il a convoqué son cabinet de sécurité.
Mais cette fois, Trump a joué une carte que la communauté juive internationale et de nombreux Israéliens devraient apprécier : il a déclaré que Téhéran était entré dans le jeu des négociations sur Gaza et qu’il espérait que cela permettra d’en obtenir un résultat positif. Un tel aboutissement conduirait à la libération de tous les otages, ou du moins une partie, et offrirait un peu de répit à la population palestinienne. L’espoir est nécessaire, mais la foi l’est moins.
Les hackers de Téhéran
Pendant ce temps, l’Iran se prépare au pire. Il a ainsi annoncé hier avoir mené une attaque de piratage informatique la plus intrusive jamais subi par Israël. Une opération au cours de laquelle, selon al-Mayadeen, des informations cruciales auraient été dérobées concernant les ressources nucléaires israéliennes, suffisantes pour permettre à l’Iran de les frapper.
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Ainsi, si Tel-Aviv tente réellement de bombarder les installations nucléaires iraniennes, il risque une réponse équivalente, avec pour conséquence qu’Israël, dont le territoire est limité, pourrait devenir inhabitable pour des décennies.
De plus, toujours selon al Mayadeen, Téhéran aurait mis la main sur les «plans d’Israël pour la région», ajoutant qu’il prévoit à les rendre publics prochainement. Des «surprises» sont à prévoir, selon une source interrogée par le même média arabe. Si l’on tient compte du fait qu’Israël aurait armé une milice liée à l’EI pour combattre le Hamas, les archives israéliennes pourraient en effet réserver bien des révélations.
Tout cela pourrait n’être qu’un moyen d’ouvrir une négociation en coulisses avec l’adversaire régional. Mais convaincre Netanyahu de renoncer à son objectif décennal sera presque impossible, surtout aujourd’hui, alors qu’une guerre avec l’Iran lui permettrait de dissimuler les horreurs de Gaza et de resserrer sa coalition gouvernementale, vacillante en raison de la révolte des Haredim contre la conscription obligatoire (dont ils étaient auparavant exemptés).
Petite parenthèse : il y a deux jours, la synagogue fréquentée par l’ancien grand rabbin séfarade Yitzhak Yossef, également chef spirituel du parti ultra-orthodoxe Shas», en voie de retrait du gouvernement, a été incendiée ; une attaque qui, ailleurs, aurait été qualifiée d’antisémite, et que les partisans du Shas ont attribuée à une réaction violente contre leur position politique.
Guerre civile
Au-delà des tensions internes en Israël, c’est tout l’équilibre régional qui est en jeu et qui pourrait bientôt basculer. Trump fait ce qu’il peut pour désamorcer la situation, mais s’il n’avait pas la force de faire plier Netanyahu, c’est encore pire aujourd’hui.
Il se retrouve, en effet, empêtré dans la répression de la révolte déclenchée par son durcissement de la politique migratoire, une mesure déjà dénoncée comme brutale.
L’épicentre de la crise est Los Angeles, qui a déjà vu éclater des émeutes afro-américaines. Celles de 1992 étaient plus marquantes, mais plus récemment encadrées par «Black Lives Matter», un mouvement désormais marginalisé après avoir été instrumentalisé par le Parti démocrate, puis discrédité lorsque certains de ses dirigeants ont trop vigoureusement exprimé leur soutien à la cause palestinienne.
Mais au-delà de cette parenthèse, reste la révolte qui embrase les villes américaines et met Trump dans une situation délicate. Lui, en cow-boy habituel, il pense pouvoir tout régler par la force : la Garde nationale d’abord, les Marines ensuite. Il risque d’attiser encore plus un incendie déjà nourri par trop de pyromanes.
Une dernière note de couleur : à l’été 2024, le film oubliable «Civil War» est sorti en salles. La réaction disproportionnée d’un président américain brutal à une rébellion locale déclenche une guerre civile entre États loyalistes et opposants, ces derniers étant victorieux, et leurs forces spéciales prennent d’assaut la Maison-Blanche et tuent le président. Même Hollywood, cette fabrique de rêves qu’est Los Angeles, sait parfois annoncer (par accident) les soubresauts du réel.