(Rome, Paris, 30 mai 2025). Israël voit d’un mauvais œil un accord américano-iranien. Le Premier ministre Benyamin Netanyahu craint qu’il ne compromette la sécurité de l’État hébreu, ainsi que son héritage politique. De son côté, Donald Trump pousse pour un accord qui pourrait ouvrir la voie à d’autres avancées diplomatiques : une approche également appréciée par les pays du Golfe. Or, si Israël attaque l’Iran, tout risque de s’effondrer et de précipiter la région dans un conflit complexe
Il existe une phase extrêmement délicate entre l’Iran, Israël et les États-Unis, mais qui, par extension, concerne le reste du monde, à commencer par la région stratégique où l’Italie projette directement et principalement ses initiatives politiques internationales : le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Le gouvernement israélien dirigé par Benyamin Netanyahu pourrait être sur le point de lancer une frappe préventive contre les infrastructures nucléaires iraniennes, au moment même où l’administration Trump est sur le point de conclure un accord préliminaire avec Téhéran pour le contrôle de l’enrichissement d’uranium, écrit Emanuele Rossi dans le média italien «Formiche.net».
Une fuite provenant d’un rapport des services de renseignement américains, révélée par des médias (la première dans le New York Times, hier), ce qui constitue en soi un signal : Washington souhaitait-il rendre publiques les intentions israéliennes de faire échouer ce plan supposément secret ? D’après les informations publiées, les États-Unis n’auraient eu que sept heures pour les empêcher, mais le timing est relatif : il est bien connu que Netanyahu s’emploie à faire échouer les négociations entre les États-Unis et l’Iran, qui en sont à leur cinquième round en deux mois.
Pour Israël, cet accord est absolument inacceptable, et fait avant tout l’objet d’une opposition idéologique. La République islamique est perçue, non sans raison, comme l’inspiratrice de nombreux groupes (armés et non armés) qui prônent la destruction de l’État israélien (avec un antisémite manifeste). Il existe ensuite un plan pragmatique : Netanyahu mène le conflit contre le Hamas depuis plus de deux ans (à la suite de l’attaque du 7 octobre), sans obtenir de résultats tangibles. La bande de Gaza est devenue un amas de décombres, la population restante vit des conditions de vie inhumaines voulues par le gouvernement israélien, et la communauté internationale a depuis longtemps perdu patience. Aujourd’hui, de plus en plus isolé, Netanyahu hausse le ton : s’agirait-il d’un baroud d’honneur pour son héritage politique ?
La poursuite de la guerre pourrait en effet être fondamentale pour la survie politique du Premier ministre. Les partis extrémistes qui lui permettent de disposer d’une majorité gouvernementale refusent tout compromis, que ce soit avec le Hamas ou l’Iran, s’il en existe un ; la population l’accuse de ne pas avoir libéré les otages du 7 octobre 2023 ; les poursuites pénales en cours pourraient se concrétiser en cas de chute du gouvernement ; son héritage, après 20 ans de pouvoir, serait terni par le plus grand échec sécuritaire israélien et par son incapacité à résoudre les problèmes fondamentaux de sécurité.
Selon les renseignements américains, un éventuel assaut israélien unilatéral serait probablement inefficace. Cependant, au vu de ces informations, les responsables israéliens estiment que les États-Unis n’auraient d’autre choix que de les soutenir si Téhéran ripostait, et sont donc convaincus qu’une attaque pourrait être menée, même si un accord nucléaire était conclu entre Washington et Téhéran. Mais est-ce vraiment le cas ? L’Amérique version Trump 2.0 est-elle réellement prête à se laisser entraîner dans une guerre régionale potentiellement catastrophique ?
Trump a déclaré avant-hier avoir averti Netanyahu, la semaine précédente, de ne prendre aucune mesure susceptible de compromettre les négociations nucléaires en cours avec Téhéran. «Je lui ai dit qu’il serait inapproprié d’agir maintenant, car nous sommes si proches d’une solution», a-t-il déclaré aux journalistes dans le Bureau ovale. Il a ensuite admis que «la situation pourrait changer à tout moment», mais sa mise en garde était claire depuis cette conversation téléphonique, décrites comme tendu par des sources bien informées.
Où en sont les pourparlers ? Les États-Unis et l’Iran sont proches d’un accord qui sera probablement de portée limitée, qui servirait de base à des négociations ultérieures plus larges. Washington ne cherche pas à inclure d’autres sujets : ni le programme balistique, ni la gestion des groupes armés mandataires de Téhéran (notamment le Hezbollah, les Houthis, les milices chiites irakiennes ou encore le Hamas), ce dernier recevant une aide ponctuelle malgré une autonomie relative. Bien que certains membres de l’administration aient voulu aborder ces questions, les discussions actuelles se concentrent uniquement sur le nucléaire, car Donald Trump veut un résultat concret.
Après tout, c’est le négociateur en chef Steve Witkoff, qui avait laissé entendre, début mai, que les sujets hors le dossier nucléaire étaient «secondaires». «Nous ne voulons pas perturber les pistes sur le nucléaire, car pour nous, c’est une question existentielle», a-t-il expliqué dans une interview accordée au média «Breitbart». Après la dernière série de négociations à Rome, les deux parties ont soumis des propositions à leurs dirigeants respectifs pour consultation et validation, et une nouvelle rencontre, probablement à Oman, est prévue sous peu. L’objectif est de parvenir à un accord global lors de la prochaine réunion. Des indicateurs spécifiques de mise en œuvre sont en cours de discussion, mais des détails techniques sont envisagés, selon des sources proches des discussions et la Maison Blanche.
Cette dynamique est saluée par les pays du Golfe, qui ont récemment normalisé leurs relations avec l’Iran et remis en question, du moins dans leurs discours, leurs liens avec Israël. Cela, malgré les Accords d’Abraham et la volonté de rapprochement stratégique qui les sous-tend, car le drame de Gaza reste incontournable dans la communication des grandes capitales sunnites. Le soutien de ces alliés régionaux renforce donc la ligne suivie par Trump dans les pourparlers avec l’Iran, ce qui accroît la nervosité à Tel-Aviv.
Vendredi dernier, alors que l’Iran et les États-Unis se réunissaient à la résidence de l’ambassadeur d’Oman à Rome, le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, et le chef du Mossad, David Barnea, ont rencontré Steve Witkoff dans la capitale italienne. Lundi, ils se sont rendus à Washington pour discuter avec le directeur de la CIA, John Ratcliffe. Dermer aurait à nouveau rencontré Witkoff mardi, bien que l’objet de cette rencontre soit inconnu, et que les médias israéliens l’aient liée à des tentatives d’accord pour la libération de certains otages. Mercredi, les informations sur une volonté israélienne d’attaquer ont été rendues publiques et commentées par Trump.