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L’homme qui prépare la guerre contre l’OTAN : qui est le général russe Andreï Mordvitchev ?

(Rome, Paris, 25 mai 2025). Andreï Mordvitchev, chef de l’armée russe, 49 ans, incarne le tournant militaire voulu par Poutine : de la conquête de Marioupol à l’avancée sur Avdiivka, son approche a redéfini la guerre sur le front oriental

Pragmatisme tactique, usage massif de drones et une vision offensive calquée sur l’expérience du Donbass. Tel est l’avenir de l’armée russe. En septembre 2023, lors d’une interview accordée à la télévision d’État russe et enregistrée dans les forêts du Donbass, Andreï Mordvitchev s’est exprimé avec un ton ferme et une vision stratégique. En tenue de combat, il a déclaré : «L’Ukraine n’est qu’une étape intermédiaire. Combien de temps durera le conflit ? Je ne fixe pas de date. Mais si l’on regarde vers l’Europe de l’Est (et c’est là qu’il faut se concentrer), cela prendra plus de temps.

«Si nous parlons de l’Europe de l’Est, que nous devrons attaquer, il est évident que la guerre durera plus longtemps». Le journaliste lui a demandé si l’Ukraine n’était «qu’un tremplin», ce à quoi il a répondu un «oui» catégorique. «Oui, absolument. Ce n’est que le début», a-t-il dit. La guerre «ne s’arrêtera pas là», a-t-il ajouté. L’OTAN ? Elle sera moins résistante que les Ukrainiens : ces derniers ont une mentalité slave et une formation héritée de la tradition soviétique», a-t-il affirmé.

Qui est le général Mordvitchev ?

Originaire de la région de Pavlodar au Kazakhstan, il a été nommé il y a quelques jours, à seulement 49 ans, chef d’état-major : une fonction qui lui confère la responsabilité de refonder l’ensemble de l’armée russe. Il remplace le général Oleg Salyoukov, promu jeudi secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe. Ce remaniement intervient dans le cadre d’un réajustement plus large de la direction militaire russe en pleine guerre en Ukraine. Jusqu’alors, Mordvitchev était responsable des opérations militaires en Ukraine.

Trois ans plus tôt, écrit Francesca Salvatore  dans le quotidien «Il Giornale», les autorités de Kiev avaient annoncé sa mort, une information qui s’est avérée fausse mais relayée par les médias internationaux. Aujourd’hui, le Kremlin lui demande de transformer radicalement les forces armées : il devra s’appuyer sur l’expérience acquise au combat, innover dans la doctrine militaire opérationnelle et reconstruire une éthique de la victoire. Il est souvent comparé à Georgy Zoukov, le général qui a conduit l’Armée rouge jusqu’à Berlin en 1945. Pour lui, l’innovation tactique est la seule constante de la guerre moderne.

Le tournant de Marioupol

Avant de prendre le commandement du district militaire central en 2023, Mordvitchev a servi en Syrie et dans d’autres zones de conflit. Mais c’est durant l’offensive sanglante de Marioupol, au printemps 2022, qu’il s’est imposé. Les analystes estimaient alors que le nombre de troupes russes était insuffisant pour prendre la ville, défendue par une garnison déterminée. Selon la théorie militaire, il aurait fallu au moins cinq assaillants pour chaque défenseur ; or le rapport était inférieur à deux pour un.

Sa stratégie : diviser le tissu urbain en secteurs isolés avec des chars, les détruire avec de l’artillerie et des roquettes, puis envoyer les forces spéciales tchétchènes pour éliminer les poches de résistance, quartier par quartier. Même les combattants retranchés dans l’aciérie d’Azovstal finirent par se rendre. Pour l’Ukraine, ce fut un massacre : on parle de 25.000 civils tués et de nombreux crimes de guerre, dont le bombardement du théâtre servant d’abri aux civils. Pour Moscou, il s’agit de l’une des rares victoires significatives dans une phase marquée par les défaites.

Les premières phases de l’invasion (de Kiev à Kharkiv, en passant par Soumy) se soldèrent par de lourdes pertes pour les troupes russes, remplacées par des volontaires souvent âgés et peu entraînés. Les drones ukrainiens surveillaient le terrain et frappaient systématiquement. Ainsi, la guerre éclair voulue par Poutine s’est transformée en une longue et épuisante bataille de tranchées. Au printemps 2023, Mordvitchev a pris le commandement du district militaire central et des brigades opérant dans le Donbass. Face au nouveau contexte, il réécrit les règles d’engagement. Il a reconnu la révolution technologique apportée par les drones, s’est attaqué au problème de la faible qualité des nouvelles recrues et a intégré l’usage de bombes planantes dans l’aviation.

Héros de la Fédération de Russie

En quelques mois, il a développé une nouvelle méthode offensive : une avancée lente mais continue, qui exploite l’infiltration de petits groupes dans les points faibles du front, l’usage chirurgical de bombes larguées par les chasseurs Sukhoi et l’asphyxie des lignes logistiques ennemies par des essaims de drones et des tirs d’artillerie. Une tactique qui a permis à la Russie de regagner systématiquement du terrain.

Le point de bascule s’est produit en octobre 2023, avec la prise d’Avdiivka, bastion ukrainien hautement fortifié. En évitant l’usage des chars en terrain découvert, Mordvitchev a appliqué sa stratégie. L’Ukraine y a déployé ses meilleures unités, mais a été contrainte à une retraite désastreuse à la mi-février. Depuis lors, les troupes russes ne se sont plus arrêtées.

Le président Poutine lui a décerné le titre de «Héros de la Fédération de Russie», lui rendant hommage comme symbole de la capacité offensive retrouvée. Sa stratégie est devenue un modèle opérationnel de l’ensemble de la campagne dans le Donbass, où sont testées des solutions inédites, parfois déroutantes, comme les incursions à moto ou en trottinette.

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