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Brexit : vers un nouveau départ ? Un accord signé entre Londres et Bruxelles, mais les fantômes rôdent encore

(Rome, Paris, 24 mai 2025). À Lancaster House, entre tapis rouges et déclarations solennelles, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont signé le 19 mai 2025 ce que Politico a qualifié d’accord «historique» : défense, énergie, pêche et mobilité, le tout réuni dans un cadre unique de normalisation. Mais derrière les sourires de Keir Starmer et d’Ursula von der Leyen, une autre réalité se dessine. Celle d’un Royaume-Uni qui revient en Europe, non pas en tant que protagoniste, mais en tant que figurant. Et d’une Union qui, dans une époque d’instabilité mondiale, a appris à utiliser le Brexit comme un levier plutôt que comme un traumatisme, écrit Giuseppe Gagliano dans le quotidien italien «Inside Over».

Le point le plus visible a été celui de la pêche : une prolongation de 12 ans des droits des flottes de l’UE dans les eaux britanniques. Un thème symbolique, viscéralement lié au Brexit, désormais transformé en concession. Pour Keir Starmer, il s’agit d’une démarche pragmatique : en échange de la paix commerciale, quelques filets en plus. Mais pour Nigel Farage et les conservateurs, il s’agit d’une capitulation. Et les accusations d’avoir «bradé les pêcheurs» ne se sont pas fait attendre.

En réalité, c’est sur le front de la défense que le pacte révèle ses véritables enjeux. Londres cherche depuis longtemps un moyen de réintégrer la machine industrielle de la sécurité européenne. Participer au programme SAFE, un méga-plan de 150 milliards de dollars pour le réarmement européen, reviendrait à garantir un avenir à l’industrie de défense britannique, tout en reconnaissant l’autorité politique (et juridique) de Bruxelles. Ce qui est en jeu, c’est non seulement l’accès aux contrats militaires, mais aussi la redéfinition du concept même de «souveraineté post-Brexit».

La prééminence de Bruxelles

Ainsi, entre les références à la guerre en Ukraine et à la «plus grande menace pour la sécurité du continent depuis des générations», Ursula Von der Leyen a réaffirmé le concept : l’unité européenne se mesure désormais aussi avec Londres à l’intérieur. Mais sous certaines conditions. La Cour de justice européenne comme arbitre final, la supervision des systèmes d’échange d’émissions, des règles phytosanitaires communes, des passeports biométriques et peut-être un retour d’Erasmus+ (European Action Scheme for the Mobility of University Students). Bruxelles dicte, Londres écoute. Starmer, pour sa part, tente de vendre le tout comme une relance du rôle international du Royaume-Uni : «Nous sommes de retour», a-t-il déclaré. Mais dans les rangs travaillistes, des doutes commencent à rebondir : que reste-t-il du mantra de la «Global Britain/la Grande-Bretagne mondiale» si l’on renégocie même l’accès à l’e-gate (les portiques automatiques) dans les aéroports européens ?

L’impression est que cet accord n’est que le premier pas vers un rapprochement lent qui ne dit pas son nom. Le Royaume-Uni souhaite bénéficier des avantages de l’intégration européenne (commerce, recherche, mobilité) sans le coût politique d’une adhésion formelle. L’UE, pour sa part, sait qu’elle tient les cartes en main. Et elle utilise sa position de force pour renforcer son système de régulation, désormais exporté outre-Manche.

Le jeu est non seulement technique, mais aussi symbolique. Il s’agit d’un règlement de compte entre une vision stratégique continentale et l’illusion insulaire d’une autonomie qui, en réalité, n’existe plus. Le Brexit est terminé. Mais pas son héritage.

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