L'actualité du Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord

Liban : à la veille des élections dans le sud, la balle est entre les mains des électeurs de Jezzine !

(Roma, 22 mai 2025). L’incident survenu le 22 juin dernier à Sannine, impliquant des miliciens armés du Hezbollah ayant attaqué, arrêté et interrogé des citoyens dans la région, a semé la panique parmi les habitants. Le Hezbollah a, une semaine plus tard, nié cet incident. Alors, que s’est-il passé à Sannine ? Le Hezbollah est-il réellement implanté dans de nombreuses zones et villages chrétiens, en particulier dans la région de Jezzine ? Ses miliciens sont-ils effectivement déployés jusque sur les pentes montagneuses, jusqu’à Ayoun El-Siman et les hauteurs de Byblos ?

Le 23 juin dernier, l’ancien président et leader du Parti Kataëb, Amine Gemayel, a révélé l’agression de cinq jeunes dans la région de Sannine par des hommes armés du Hezbollah. Ces derniers auraient tiré en l’air pour les arrêter, les ont interrogés avant de les relâcher. Ces jeunes sont pourtant originaires de la région, précisément de Baskinta.

Cet incident a soulevé de nombreuses questions : pourquoi le Hezbollah est-il déployé dans des zones à majorité chrétienne, éloignées de toute ligne de front avec Israël ? Le prétexte d’un éventuel débarquement israélien dans cette zone isolée tient-il la route ? Le Hezbollah est-il capable de couvrir militairement toutes ces régions montagneuses pour empêcher une telle opération ? Si cet argument semble fallacieux, quelles sont alors les véritables motivations de ce déploiement ? S’inscrit-il dans une stratégie plus large, amorcée le 7 mai (la razzia de Beyrouth et du Département du Chouf, fief des Druzes) avec l’extension du contrôle militaire du parti de Beyrouth vers les montagnes et d’autres régions du Mont-Liban ?

Le Hezbollah n’a réagi à ces révélations médiatisées par Amine Gemayel, et relayées par Samir Geagea, président du Parti des «Forces libanaises» (FL), qu’une semaine plus tard, ce qui a suscité des soupçons. Le parti de Dieu, prompt d’ordinaire à démentir ou commenter tout événement le concernant, il répond généralement en quelques heures.

Indépendamment des témoignages publiés sur le site du Parti Kataëb et relayés par la presse, un document officiel de la direction du renseignement de l’armée libanaise a fait surface, daté du 22 juin 2008, décrivant les faits comme suit :

«Alors que des jeunes du secteur faisaient une tournée à Sannine, huit hommes masqués et armés, à bord d’une Toyota blanche camouflée, ont tiré en l’air pour les arrêter. Un jeune est descendu pour demander des explications, tandis que le second véhicule a été intercepté. Un troisième homme a réussi à s’échapper. Les hommes armés se sont identifiés comme membres du Hezbollah, expliquant leur présence pour la nécessité de surveiller la zone contre un éventuel débarquement israélien. Les jeunes ont été relâchés vers 14h, sans subir de maltraitance. Ils ont confirmé la présence d’un camp du Hezbollah à environ 10 km de l’incident».

A lire : Liban: un réseau souterrain aurait été découvert sous le port de Beyrouth, grâce à l’explosion. Qu’en est-il des sous-marins du Hezbollah à Ouzaï ?

Ce document officiel, émis par la Direction du renseignement de l’armée libanaise, confirme de manière irréfutable la véracité des faits et contredit les dénégations du Parti de Dieu.

Le déploiement dans les villages de Jezzine

Des sources sécuritaires ont révélé les détails et les cartes du déploiement militaire du Hezbollah dans la région de Jezzine, notamment dans des villages chrétiens. Le Parti considère cette zone comme une seconde ligne de défense au nord du fleuve Litani.

Ce déploiement suit deux axes stratégiques parallèles :

  • Le premier : il part des terres communales de Jinsnaya vers l’est, en passant par les versants situés entre Hassaniyeh et Wadi el-Laymoun, la colline de Berti, la zone de Sefenti, jusqu’à la ferme de Kafra ;
  • Le second : il débute au sud de la route reliant Souwaneh-Rmana-Jabal Toura-Radar, et traverse Loueizeh-Sijed-ferme de Zoughrine-Aïchiyeh-El-Qotrani-Sreireh-Birket-Jabour, jusqu’à Meidoun et Machghara dans la Békaa Occidentale.

Les habitants redoutent une politique de déplacement forcé des populations chrétiennes de la région de Jezzine, une conséquence directe de la militarisation de la zone, les miliciens du Hezbollah empêchant les agriculteurs de cultiver leurs terres, de construire, limitant leur présence à une heure par jour, voire interdisant complètement l’accès à certains parcelles.

Un citoyen du secteur témoigne : en voulant construire une maison, il a dû obtenir une autorisation du responsable sécuritaire du Hezbollah à Jba’a. Bien que l’autorisation ait été accordée, il s’est vu interdire les travaux  pour des raisons de «sécurité».

Les habitants expriment leur frustration face à l’utilisation massive de matériaux de construction pour ériger des fortifications militaires. Selon des sources bien au fait, une entreprise coréenne serait chargée des travaux, sous supervision des membres du Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne (CGRI).

Lire aussi : Liban: la Corée du Nord et l’Iran derrière les tunnels du Hezbollah

Selon ces sources, la zone abrite des rampes de lancement de missiles situées à environ 30 km de la frontière sud, capables d’atteindre des cibles à plus de 100 km à l’intérieur du territoire israélien. Le secteur Rmana-Jabal Toura serait, en matière de puissance de feu, le plus stratégique pour le Hezbollah après le camp de Janta dans la Békaa.

Des explosions récentes et des manœuvres à balles réelles ont causé la mort de cinq miliciens du Hezbollah, ils sont originaires de Nabi Cheet, appartenant aux familles Chokr, Moussaoui et Mawla, alors qu’ils manipulaient des explosifs.

Les faits démontrent que les actions du Hezbollah dépassent largement la simple préparation à une confrontation avec Israël, d’autant plus dans des zones éloignées de toute ligne de front. Ce déploiement intervient alors même que des négociations israélo-syriennes indirectes progressent sous médiation turque, soulevant de sérieuses questions sur les véritables intentions du Hezbollah. Le parti se contentera-t-il d’un nouveau démenti tardif ou finira-t-il par révéler au grand jour l’ampleur de sa présence militaire sur le territoire libanais ?

A lire aussi : Voici comment le Hezbollah menace Israël : de l’aide Nord-coréenne au réseau de tunnels

Recevez notre newsletter et les alertes de Mena News


À lire sur le même thème