(Paris, Rome, 01 mai 2025). Des documents sur les plans iraniens en Syrie sous le régime d’Assad ont été révélés par Reuters. «Une opportunité de 400 milliards de dollars»
L’Iran s’inspire de son ennemi. On pourrait résumer ainsi ce qu’ont découvert les journalistes de l’agence Reuters : en décembre dernier, ils ont trouvé des documents secrets à l’intérieur de l’ambassade iranienne à Damas montrant que Téhéran entendait accroître son influence en Syrie à l’époque de Bachar al-Assad, en suivant l’exemple du Plan Marshall mis en œuvre par les États-Unis en Europe après la fin de la Seconde Guerre mondiale, écrit Valerio Chiapparino dans «Il Giornale».
Les fichiers consultés et analysés par l’agence britannique, contenus dans une étude officielle de Téhéran de 33 pages, mentionnent à plusieurs reprises le projet qui avait relancé la reconstruction et la croissance du Vieux Continent. En particulier, le document rédigé en 2022 précise que l’initiative de Washington avait rendu l’Europe «dépendante de l’Amérique» et avait créé une «dépendance économique, politique et socio-culturelle».
L’étude confirme ainsi que Téhéran avait l’intention de réaliser un exploit similaire au Moyen-Orient en reconstruisant la Syrie, dévastée par plus d’une décennie de guerre civile. L’homme chargé d’exécuter le plan économique iranien était Abbas Akbari, un cadre du secteur de la construction issu du Corps des gardiens de la révolution islamique. Son équipe, composée également de compagnons d’armes, est à l’origine de l’étude faisant référence au plan Marshall.
«Une opportunité de 400 milliards de dollars». C’est ainsi que les experts iraniens perçoivent la Syrie, cultivant l’espoir de transformer le pays en un «État satellite rentable». Leur plan s’est effondré à la fin de l’année dernière après l’avancée rapide des rebelles islamistes de Hayat Tahrir al-Cham, qui a conduit à la fuite d’Assad en Russie. Dans l’avant-poste diplomatique du régime des ayatollahs, Reuters a également trouvé une série de documents dévoilant les difficultés rencontrées par les investisseurs iraniens dans ce pays. Des preuves confirmées par des enquêtes et des témoignages de chefs d’entreprises syriens et iraniens.
Les investissements des hommes de Téhéran ont été entravés par les attaques terroristes, la corruption locale, les sanctions internationales et les bombardements occidentaux. Dans les dossiers secrets de l’ambassade, une quarantaine de projets sont mentionnés. Parmi lesquels : une centrale électrique à Lattaquié de plus de 400 millions de dollars, un projet de forage pétrolier dans le désert oriental de la Syrie et un pont ferroviaire de 26 millions de dollars sur l’Euphrate construit par une organisation caritative liée au guide suprême Ali Khamenei. Tous ces ouvrages sont inutilisés ou détruits.
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Ces projets ne représentent qu’une petite partie des investissements globaux réalisés en Syrie par la République islamique. Selon les estimations d’anciens parlementaires iraniens, la dette totale accumulée par le régime d’Assad envers l’Iran dépasse les 30 milliards de dollars. En décembre, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmail Baghaei, a déclaré que Téhéran s’attendait à ce que la nouvelle direction syrienne honore les engagements économiques antérieurs.
Les appels des autorités iraniennes se heurtent cependant à une réalité bien différente. En effet, le nouveau président Ahmed al-Charaa a fait savoir que «le peuple syrien porte une blessure causée par l’Iran et nous avons besoin de beaucoup de temps pour guérir». Il s’agit de décennies d’efforts non seulement économiques mais aussi militaires fournis par le régime des ayatollahs aux forces de l’ancien dictateur, le tyran de Damas.
Au vu des résultats obtenus, et comme le souligne Reuters, plus qu’un plan Marshall, la République islamique a subi une débâcle comparable à celle des États-Unis en Irak et en Afghanistan. Un échec aggravé, à partir d’octobre 2023, par le recul de tous les principaux alliés de l’Iran dans la région, principalement sous l’effet des frappes d’Israël.