(Rome, 10 avril 2025). Les négociations entre les États-Unis et l’Iran sur le programme nucléaire iranien débuteront samedi à Oman. Ces négociations, annoncées par Donald Trump lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche aux côtés de Netanyahu, représentent une étape importante vers la paix mondiale, bien que leur issue demeure incertaine, comme le rapporte Davide Malacaria dans son décryptage dans «Inside Over».
Faire dérailler les négociations
Après la surprise initiale, les partisans d’une guerre contre l’Iran ont lancé un feu nourri destiné à capoter le processus. A commencer par les déclarations de Netanyahu sur l’application du «modèle libyen» à Téhéran, une allusion faite lors de la conférence de presse et réitérées avant son départ des Etats-Unis.
«Nous sommes d’accord sur le fait que l’Iran ne doit pas avoir l’arme nucléaire», a déclaré Netanyahu immédiatement après sa rencontre avec Trump. «Cela peut se faire par un accord, mais seulement si cet accord suit le modèle libyen : on arrive, on fait exploser les installations, on démonte tout l’équipement par les Américains et sous leur supervision». Une exigence qui semble faite pour provoquer un refus catégorique de Téhéran et ainsi justifier des bombardements.
Autre stratégie plus subtile rapportée par le Washington Post : selon un responsable américain, «si les discussions ne sont pas directes, Witkoff pourrait ne pas se rendre à Oman». Cette confidence met en lumière un conflit interne au sein de l’administration Trump, entre les partisans du dialogue et les faucons qui cherchent à faire dérailler la réunion en exploitant une divergence apparue ces derniers jours.
Trump a en effet parlé de discussions directes avec les Iraniens, tandis que ces derniers ont toujours insisté sur le fait qu’elles seraient indirectes, les officiels omanais faisant la navette entre la délégation de Téhéran et celle des Etats-Unis dirigée par Steve Witkoff. Une différence en apparence mineure, mais qui pourrait avoir des conséquences explosives.
D’autres tensions : l’affaire Khamenei
Comme pour envenimer davantage la situation, la justice argentine a émis hier un mandat d’arrêt contre l’ayatollah Khamenei. Elle estime que l’attentat contre l’AMIA (Association Mutuelle Israélienne Argentine) en 1994, qui a causé 85 morts et environ 300 blessés, avait été ordonné directement par le Guide spirituel chiite.
Il n’échappe à personne que le président argentin est aligné sur la droite israélienne, et l’objectif de cette initiative semble évident : discréditer les interlocuteurs des Etats-Unis pour rendre tout dialogue impossible.
De son côté, Trump continue de proférer des menaces de guerre comme s’il distribuait des bonbons. D’ailleurs, l’Amérique s’est, depuis des décennies, engagée sur cette voie désastreuse, avec une intensification au fil des ans, justifiée par la volonté d’apporter liberté et démocratie aux peuples sous le joug de tyrans. Le modèle libyen évoqué par Netanyahu en est un triste rappel.
Hier, Trump a de nouveau durci le ton contre l’Iran : si l’armée doit intervenir, «elle le fera». Cela dit, il est clair que le président américain est dans un grand embarras, pris en étau entre son ouverture au dialogue et la pression des faucons qui réclament des frappes immédiates. Ainsi, ses déclarations virulentes servent à la fois à afficher sa fidélité à la ligne dure et à calmer la grogne des cercles bellicistes.
La nomination de Colby et la réunion d’Istanbul
Cette grogne a dû atteindre son paroxysme hier, avec une nouvelle doublement irritante pour les faucons anti-iraniens : En plus de l’annonce de l’ouverture des négociations, Elbridge Colby a été officiellement nommé Sous-secrétaire à la Défense chargé de la politique. Il s’agit du troisième poste le plus élevé du Pentagone, mais de première importance, puisque c’est lui qui oriente la doctrine militaire américaine.
Sa nomination a été l’une des plus controversées de l’ère Trump, Colby ayant par le passé déclaré qu’il était possible de coexister avec un Iran doté de l’arme nucléaire. Pour obtenir le poste, il a dû accepter le dogme selon lequel Téhéran ne doit en aucun cas posséder cette arme, tout en restant fidèle à sa ligne modérée.
Hier, l’approbation définitive de sa nomination a eu lieu : le Sénat l’a confirmé par 54 voix contre 45. Et il est probable que les déclarations de Trump visaient à faire passer la pilule auprès des faucons anti-iraniens, qui ont dû encaisser l’affront. Il est à noter que Colby prendra ses fonctions trois jours avant le début officiel des négociations avec Téhéran, un timing porteur de sens.
Le jeu est donc loin d’être terminé ; en fait, cela ne fait que commencer et l’issue reste incertaine. Les faucons font tout pour ouvrir la voie aux bombes. Leur stratégie : multiplier les provocations indirectes (comme le mandat d’arrêt de Khamenei) et introduire dans les discussions des exigences extrêmes, comme l’arrêt total du programme nucléaire, même civil, le désarmement des milices chiites au Liban, en Irak et au Yémen, ou encore le démantèlement des missiles et drones, fiertés de la défense iranienne.
C’est pour cette raison que le ministre iranien des Affaires étrangères a immédiatement précisé que les négociations se concentreraient exclusivement sur les questions nucléaires et rien d’autre. Cela dit, il est évident que les États-Unis poseront sans doute un maximum de conditions au départ, comme cela s’est produit lors des négociations sous la présidence Obama. A l’époque, un compromis a été trouvé, aujourd’hui, tout reste à faire.
Cela dit, il convient de noter qu’aujourd’hui, Russes et Américains se rencontrent à Istanbul, une rencontre précédée d’un échange de prisonniers, échanges qui ont marqué des moments de détente même pendant la guerre froide. Les Russes ont précisé que le contenu des échanges resterait confidentiel.
Le fait que ce sommet ait lieu à la veille des négociations américano-iraniennes et deux jours après la ratification par la Douma (le parlement russe) de l’accord sur le partenariat stratégique entre Moscou et Téhéran, laisse entendre que l’Iran sera précisément au cœur des discussions.