(Rome, Paris, 03 avril 2025). Israël veut que la Turquie quitte la Syrie, et a envoyé un signal clair à cet effet en bombardant les aéroports tenus par les forces du HTC
Le changement de régime à Damas n’a pas mis fin aux bombardements israéliens en Syrie : mercredi 2 avril, Tsahal a frappé les capacités militaires restantes des bases de Hama et T4, ainsi que d’autres sites d’infrastructures militaires restants dans la région de Damas.
L’armée israélienne a déclaré qu’elle «continuerait à agir pour éliminer toute menace contre les civils israéliens» provenant du territoire syrien. Ces dernières frappes font monter la tension entre Israël et la Turquie, car les aéroports touchés ne sont pas aux mains des «rebelles» opposés au nouveau gouvernement établi à Damas, mais bien contrôlés par les forces pro-gouvernementales, rapporte Paolo Mauri dans le quotidien italien «Il Giornale».
Israël craint que les pistes d’atterrissage ne soient utilisées directement par la Turquie pour déployer des troupes, des défenses aériennes et d’autres équipements, et pour y établir une présence turque de facto sur le territoire syrien. La Turquie aurait l’intention de transformer la base T4 en un centre de drones, a rapporté le «Jerusalem Post», citant une source de renseignement occidentale, et Ankara «envisage le déploiement temporaire de systèmes de défense aérienne S-400 sur la base T4 ou à Palmyre pour protéger l’espace aérien pendant les efforts de reconstruction». «Cependant, aucune décision définitive n’a été prise et la Russie devra donner son approbation».
Des images satellite récentes, prises entre le 19 mars et le 2 avril, montrent que les précédentes frappes aériennes israéliennes ont créé deux grands cratères sur la piste de la base T4, rendant pratiquement impossible l’atterrissage de tout avion de transport lourd. La piste de roulage principale est également coupée en trois sections, ce qui rend toute remise en service de la base encore plus difficile.
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«L’établissement d’une base aérienne turque à Palmyre, en Syrie, pourrait accentuer les tensions régionales et accroître le risque de conflit avec Israël», a déclaré, la semaine dernière, un haut responsable de Tsahal à «The War Zone». «Compte tenu des efforts constants déployés par Israël pour empêcher toute implantation militaire hostile en Syrie, une présence militaire turque significative, notamment dans des endroits stratégiques comme Palmyre, pourrait être perçue comme une menace pour les intérêts sécuritaires israéliens».
Il convient de rappeler que la base aérienne T4 située stratégiquement au centre de la Syrie, à 225 km de la frontière turque, a toujours été un point névralgique pour les milices pro-iraniennes pendant la récente guerre civile. Un conflit interne qui est loin d’être terminé, puisque la Turquie soutient ses mandataires en Syrie, encore engagées contre les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes et soutenues par les États-Unis.
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Ankara et Tel-Aviv ont officiellement ouvert une saison de confrontation, parfois dur, pour combler le vide de pouvoir laissé par la chute du régime du tyran Bachar al-Assad, Tel-Aviv se montrant de plus en plus actif pour tenter d’endiguer l’influence turque : l’attaque de la base aérienne T4 peut être lue comme un message direct et explicite à la Turquie. La présence de personnel turc et d’équipements antiaériens est en effet perçue par Israël comme une menace pour la liberté de ses chasseurs-bombardiers de survoler le territoire syrien, et constituerait aussi une menace pour les FDS, toujours confrontées aux forces de Hay’at Tahrir al-Cham (HTC), qui peinent encore à consolider le contrôle total du pays. Ces derniers ont récemment été engagés dans de très violents affrontements contre les forces pro-Assad restantes dans la zone côtière de Lattaquié.
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La question est particulièrement délicate : le nouveau gouvernement de Damas reçoit de plus en plus de reconnaissance internationale, y compris de la part de puissances comme la Russie, qui tient à maintenir sa présence militaire en Syrie, peu importe le gouvernement en place. De plus, les États-Unis disposent encore des troupes et des moyens dans la région pour lutter contre les derniers foyers de l’État islamique. Une présence turque plus importante et plus visible pourrait donc contrarier plus d’un acteur international.
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En somme, la Syrie demeure un «État en faillite» tant que des puissances étrangères occupent son territoire, ou son ciel, en soutien aux diverses factions en conflit, et tant qu’aucune autorité centrale ne sera en mesure d’imposer sa souveraineté sur l’ensemble du pays.