(Rome, Paris, 10 mars 2025). L’ancien Marine Nate Vance raconte au Figaro son engagement sur le terrain pour défendre l’Ukraine et sa tentative de parler avec l’actuel vice-président des Etats-Unis, son cousin : «Quand J. D. justifiait sa méfiance envers Zelensky par les ‘rapports’ qu’il avait lus, j’ai cru étouffer. J’aurais pu lui dire la vérité»
«J.D. est une bonne personne, intelligente. Quand il critiquait l’aide à l’Ukraine, je pensais que c’était juste une façon de plaire à un certain électorat, que cela faisait partie du jeu politique. Mais ce qu’ils ont fait à Zelensky avec Trump était un guet-apens d’une absolue mauvaise foi.
Celui qui parle ainsi, c’est Nate Vance, dans une longue interview, qui partage avec l’actuel vice-président des États-Unis J.D Vance, les mêmes grands-parents : Beverly, la mère de J. D., est la sœur du père de Nate, James. «Les deux hommes passaient des étés ensemble à Middletown, chez la famille de J.D., ou en Californie, où la famille de Nate a vécu brièvement», écrivait hier Stanislas Poyet, correspondant du Figaro dans le Donbass, comme le rapporte le quotidien italien «Il Foglio».
«Tandis que J. D. Vance gravit les échelons politiques, publiant «American Elegy» en 2016 et devenant sénateur de l’Ohio en 2023, puis étant élu vice-président des États-Unis en 2024, Nate prend une autre voie : il s’embarque pour l’Ukraine, pour lutter contre les Russes dans les tranchées boueuses du Donbass».
Le journal français n’a réussi à le contacter que maintenant, car Nate Vance vient de rentrer du front, après y avoir passé trois ans de sa vie. Il commente ainsi la rencontre du 28 février dernier dans le bureau ovale entre Zelensky, son cousin et le président Trump : «J’ai été bouleversé, quand J.D. justifiait sa méfiance envers Zelensky avec les ‘reportages‘ qu’il avait lus, j’ai cru que j’allais m’étouffer», confie Nate. «Son cousin était en première ligne. J’aurais pu lui dire la vérité, sans filtre, sans arrière-pensées. Il n’a jamais cherché à en savoir plus.
Nate a expliqué au journal français qu’il avait tenté de le contacter à plusieurs reprises, sans succès. «Il n’est pas facile de joindre un sénateur. Mais j’ai laissé des messages à son bureau. Je n’ai jamais reçu de réponse».
La colère de Nate Vance face ce qu’il considère comme une trahison de la nouvelle administration américaine illustre bien la crise qui secoue le Parti républicain. Elle révèle le profond attachement de nombreux Américains à certains idéaux qui les a conduit, dans le passé, de prendre un vol pour l’Europe pour aider les Ukrainiens à se défendre contre les bombes de Poutine. Et il a déclaré au Figaro : «J’ai voulu voir de mes propres yeux. Par curiosité. Et, je l’admets, aussi pour l’aventure. Ce n’est pas très noble, mais c’est la vérité».
Une vingtaine de jours après le début de l’invasion à grande échelle par les Russes, Vance part pour Lviv, au siège logistique ou au soutien médical : «Je voyais l’histoire s’écrire sous mes yeux et je voulais en faire partie».
Ancien Marine, Nate a passé les 20 années qui ont suivi son service au Texas, à travailler dans l’industrie pétrolière, mais reste passionné de chasse et de tir sportif, comme de nombreux républicains. Un soir à Lviv, il rencontre un Anglais à la recherche de recrues pour un bataillon de volontaires étrangers, de préférence avec une expérience militaire, et c’est ainsi qu’il se retrouve dans les tranchées du Donbass, prenant part aux batailles les plus dures entre Koupiansk, Bakhmout et Avdiivka.
«Je n’avais pas prévu de combattre», a-t-il admis au journaliste du Figaro. «Mais quand j’ai vu ce qui se passait réellement, rester en retrait n’était pas une bonne option». Comme tous les volontaires, ingénieurs, avocats, professeurs, il suit une courte formation et rejoint peu après les «Da Vinci Wolves», une unité de soutien de l’armée ukrainienne transformée plus tard en unité d’assaut.
Au début, certains se moquaient de lui, le trouvant plus âgé que la moyenne des volontaires, mais lors d’un exercice de tir, «lorsqu’il touchait une cible à 800 mètres cinq fois de suite avec une Kalachnikov sans lunette, les rires se sont tus».
Son engagement au front a duré jusqu’à il y a trois mois, lorsque J. D. Vance devient vice-président. C’est à ce moment-là que Nate décide de quitter l’Ukraine. «Rester était devenu trop risqué. Je ne pouvais pas me permettre de me faire prendre.
Depuis lors, cependant, «il observe avec consternation la position de l’administration américaine sur la guerre». «Trump et mon cousin pensent qu’ils peuvent duper Poutine. Ils se trompent. Les Russes n’oublieront jamais notre soutien à l’Ukraine. Nous sommes les idiots utiles de Vladimir Poutine».