(Rome, Paris, 10 mars 2025). Trois personnes ont été reconnues coupables d’activités d’espionnage pour le compte de Moscou au Royaume-Uni. Un agent anglais et un espion autrichien, considéré comme une «taupe» au service du Kremlin, seraient également impliqués
Un agent du Kremlin à la tête d’un réseau d’espionnage au Royaume-Uni, aurait «manipulé» un employé de la National Crime Agency (une unité comparable au FBI américain) pour mener des opérations d’espionnage commanditées par Moscou. Trois citoyens bulgares et un agent secret autrichien font également partie de l’intrigue. Un signe que l’activité des services de renseignement russes est extrêmement ancrée et active en Europe. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Kremlin a annoncé l’expulsion de deux diplomates soupçonnés d’être des espions britanniques, selon le FSB, le service secret russe qui a pris le relais du KGB.
Selon le Telegraph, l’employé du «FBI britannique» serait impliqué dans des activités d’espionnage liées à Jan Marsalek, un agent du Kremlin qui dirigeait un réseau d’espions opérant au Royaume-Uni, sous la couverture crédible d’un homme d’affaires. Il était à la tête de «Wirecard», (une entreprise de technologies et services financiers allemande qui a fait faillite en juin 2020, Ndlr).
L’espion russe, écrit Davide Bartoccini dans «Il Giornale», aurait manipulé l’agent britannique en le poussant à «exécuter ses ordres», principalement axés sur l’acquisition d’informations concernant German Gorbuntsov, un oligarque sous protection 24 heures sur 24 des autorités britanniques. Gorbuntsov, traqué par les services secrets russes et déjà victime d’une tentative d’assassinat en 2012, pourrait être une cible des tueurs à gages du GRU, le renseignement militaire russe spécialisé dans les «éliminations». Il s’agit de la même unité qui a tenté d’empoisonner Sergueï Skripal, l’ancien agent russe retourné par les Britanniques, visé sur le sol britannique en 2017.
Les «espions bulgares» de Londres
Ces nouveaux détails sur le réseau d’espionnage russe ont été révélés par l’un des «espions bulgares» recrutés par les Russes et qui opérait sous les ordres d’Orlin Roussev, le chef du réseau qui, entre 2020 et 2023, avait surveillé, entre autres, des journalistes, un ancien homme politique et une base militaire allemande.
Les espions bulgares, Katrin Ivanova, Vanya Gaberova et Tihomir Ivanchev, ont été découverts grâce à une opération de contre-espionnage menée par le MI5. Les trois citoyens bulgares, deux femmes et un homme, se faisaient appelés «The Minions», à l’image des personnages du film d’animation «Moi, moche et méchant», qui, ironiquement, aident un certain «Gru», un nom qui correspond précisément à l’acronyme du service de renseignement militaire russe, connu pour recruter des adeptes à l’étranger. Les deux femmes auraient notamment joué un rôle clé dans des opérations de séductions ciblées, connues sous le nom de «honey traps» (pièges à miel).
Selon les services de renseignements britanniques, Marsalek avait déjà utilisé un réseau d’informateurs pour obtenir des renseignements sur les services secrets et les questions de politique étrangère en Égypte, en Israël et aux États-Unis. L’objectif était de repérer les individus apparaissant dans les rapports des «principaux services étrangers». Des informations qui ont un double objectif : identifier les espions potentiels et s’assurer que les espions infiltrés ne se retrouvent pas dans le collimateur du contre-espionnage.
La «taupe» autrichienne au service du Kremlin
Les agents britanniques craignent que le «réseau d’espionnage» ne puisse s’étendre à d’autres pays. Dans cette galaxie d’informateurs apparaît en effet le nom d’un agent secret autrichien, Egisto Ott, accusé d’avoir recherché «illégalement» des informations sur une femme, une présumée espionne russe qui entretenait une liaison avec un parlementaire. Pour ce faire, il aurait accédé aux bases de données de la police secrète autrichienne (BVT).
La brèche dans l’appareil de renseignement autrichien avait déjà été signalée en 2024. L’agent secret autrichien aurait tenté, dès 2017, d’obtenir la confirmation de la présence de l’oligarque russe recherché en Grande-Bretagne, croisant ainsi son enquête avec celle de l’agent britannique de la «National Crime Agency». Les deux hommes se connaissaient depuis un certain temps, ayant travaillé ensemble en mission officielle.
Les investigations activées par Marsalek aurait ainsi conduit plusieurs autorités étrangères à «agir indirectement dans l’intérêt de la Russie». Une piste fondée, puisque Ott, l’agent autrichien, a été suspendu après des avertissements de la CIA et du MI6 selon lesquels il était considéré comme une «taupe» au service du Kremlin.
Parmi les responsables de la sécurité contactés par Ott figure un policier italien, qui aurait mené des «vérifications pour le compte de ce dernier» dans la base de données du Système d’information Schengen, le principal outil de partage d’informations pour la sécurité et la gestion des frontières en Europe.
Ott, cependant, rejette ces accusations : «Je suis un espion. Et je le serai jusqu’au jour de ma mort. Mais je suis un espion autrichien, je n’ai jamais travaillé pour la Russie», a-t-il déclaré.
La réponse du FSB
Pure coïncidence ou représailles ? Peu après la condamnation des espions bulgares, le service de renseignement russe, le FSB, a annoncé avoir identifié deux espions qui opéraient «sous couverture» à l’ambassade britannique à Moscou. L’information a été relayée par l’agence de presse Ria Novosti.
L’ordre de les expulser de la Fédération de Russie, qui doit intervenir dans les deux semaines suivant la révocation de l’accréditation, concerne le deuxième secrétaire de l’ambassade ainsi que le mari de la première secrétaire du département politique de la mission diplomatique britannique. Selon le FSB, ces deux individus auraient «fourni de fausses informations au moment de leur entrée en Russie», et seraient, en réalité, du moins selon les services secrets russes, engagés dans «des activités d’espionnage et de sabotage». Cela semble être un exemple classique de «Tit for Tat» : une mesure de rétorsion dans la guerre sans fin des espions qui se joue entre Londres et Moscou.