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Emmanuel Macron avait raison : en matière de Défense, aucun pays européen ne peut remplacer les Etats-Unis

(Rome, Paris, 09 mars 2025). Emmanuel Macron a dû réagir avec prudence au plan de paix pour l’Ukraine proposé par Donald Trump. D’une part, le président français a salué l’idée de relancer les négociations : «Nous voulons la paix, et je pense que l’initiative du président Trump est très positive», a-t-il déclaré, reconnaissant le potentiel «game-changer» d’un nouvel engagement américain. De l’autre, Emmanuel Macron s’est en revanche empressé de mettre en garde Trump : la paix ne peut signifier ni la capitulation de l’Ukraine, ni un cessez-le-feu déséquilibré sans véritables garanties de sécurité. «Mon message a été : Soyez prudents, car l’Ukraine a besoin de garanties substantielles», a dit Emmanuel Macron, laissant entendre qu’un accord précipité et au rabais serait inacceptable, écrit Giuseppe Gagliano dans le média «Inside Over». Cette position révèle déjà une contradiction fondamentale : l’Europe appelle à la paix, mais pas à n’importe quel prix ; elle soutient l’idée de négociations, mais craint que celle menée par Trump ne conduise à une «paix» défavorable à Kiev et à l’ordre européen.

Il convient de rappeler que répète depuis 2017, Emmanuel Macron répète que l’Europe doit renforcer sa souveraineté pour assurer sa sécurité et réfléchir à une défense commune. Aujourd’hui, la situation internationale et le changement d’«ère» opéré par le rapprochement entre les États-Unis et la Russie et le désengagement annoncés des Américains dans la protection de notre Continent donnent raison au président de la République française. Longtemps décrié, son discours est désormais validé. Jeudi à Bruxelles, les 27 (sauf la Hongrie de Viktor Orban) ont donné leur feu vert à un plan de 800 milliards d’euros pour renforcer leurs capacités de défense. «Nous allons de l’avant de façon décisive vers une Europe de la défense forte et plus souveraine», s’est félicité le président du Conseil européen Antonio Costa.

Les préoccupations du Président français sont partagées par de nombreux partenaires de l’UE. Officiellement, l’Union européenne réaffirme qu’aucun accord ne peut être décidé dans le dos de Kiev : «il n’y aura pas de décision sur l’Ukraine sans l’Ukraine», martèle par exemple la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock. La Commission européenne a également souligné que l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne sont pas négociables. En substance, les dirigeants européens disent accueillir favorablement tout effort de paix, à condition qu’il n’impose pas à Zelensky des concessions inacceptables. Le problème, notent les observateurs critiques, est que le «plan Trump» semble aller exactement dans la direction opposée : selon certaines indiscrétions, il inclurait un gel du conflit sur les lignes de front actuelles, la renonciation de Kiev à la Crimée et à l’OTAN, ainsi que l’instauration d’une zone démilitarisée, un scénario qui, selon certains, «pourrait être écrit au Kremlin», car il entérine presque toutes les exigences de Poutine. Sans surprise, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, a averti qu’un tel résultat équivaudrait à une capitulation déguisée et affaiblirait sérieusement la sécurité de l’Europe.

Face à cette perspective, l’Union européenne révèle toutes les limites de sa stratégie. La rhétorique et la réalité divergent : Bruxelles proclame son soutien indéfectible à l’Ukraine, mais dans le même temps, certains gouvernements commencent à se demander combien de temps le conflit peut durer et à quel prix. L’initiative de Trump a pris l’Europe au dépourvu, mettant en évidence l’absence d’un plan alternatif crédible du côté européen. Pendant que Trump et Poutine esquissent un accord à deux, les dirigeants de l’UE semblent désorientés : selon Politico, ces derniers «ont peiné à réagir» à l’annonce de négociations menées sans eux et sans les Ukrainiens.

Emmanuel Macron a tenté de rassembler un front commun européen, mais sa capacité à parler au nom de tous, reste limitée. Il en résulte un tableau de désunion : certaines capitales, effrayées par le pari de Trump, sont devenues rigides, rejetant toute hypothèse d’un accord imposé («la paix ne peut se faire qu’avec l’Ukraine, et avec les Européens», a rappelé la Lettonie) ; d’autres, plus résignés, semblent se préparer au fait accompli. Même l’idée de Macron de proposer une force européenne de maintien de la paix en Ukraine (pour montrer que l’UE «est prête à faire plus») reste vague et controversée. Des experts comme Bolton mettent en garde : déployer des forces européennes sans mandat clair risque de geler le conflit et de conduire à une partition de facto de l’Ukraine. Et de fait, nombreux sont à Bruxelles qui admettent que l’Europe n’a pas encore la capacité d’assurer seule la sécurité du continent : des années d’appels à une «autonomie stratégique» n’ont pas suffi à réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis. Dans cette optique, l’enthousiasme de Macron pour une Europe enfin davantage protagoniste semble peu cohérent.

Alors qu’il proclame que «les Européens sont prêts à faire beaucoup plus», en coulisses, ses émissaires (et ceux de Berlin, Rome et Varsovie) supplient Washington de ne pas se désengager. Le virage américain brutal a en effet placé l’Europe sur la défensive : ces derniers jours, Trump a affiché un ton inhabituellement hostile envers les alliés de l’UE tout en envoyant des signaux conciliants à Moscou, jetant le doute sur la fiabilité du lien transatlantique. Pour les gouvernements européens, c’est un scénario cauchemardesque : le parapluie de sécurité américain se retire alors que la guerre fait rage à leurs frontières orientales. Cela force l’UE à se livrer à un exercice d’équilibriste quasi schizophrénique : d’une part, elle doit rejeter avec fermeté les accords inacceptables qui trahiraient l’Ukraine ; de l’autre, pour amadouer Trump (et l’opinion publique américaine) afin de les maintenir engagés. C’est l’équation insoluble que la diplomatie européenne tente aujourd’hui de résoudre, non sans contradictions évidentes.

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