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Syrie : les nostalgiques d’Assad ne cèdent pas, HTC frappe fort. Le spectre de la guerre civile

(Rome, Paris, 8 mars 2025). Une série d’embuscades a surpris les troupes gouvernementales stationnées aux points de contrôle et dans des quartiers généraux de plusieurs villes de la côte nord-ouest de la Syrie. Ces attaques ont été menées par des groupes armés issus de la communauté ethno-religieuse alaouite, une composante de la population syrienne fortement présente dans les villes côtières, fidèle et politiquement ainsi que religieusement liée à l’ancien régime syrien d’Assad, qui a capitulé en décembre 2024, laissant place aux rebelles. Ces derniers ont conquis le pouvoir en Syrie en portant à la tête du gouvernement le chef du front islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) rebaptisé Ahmad al-Charaa.

D’après les reconstitutions de la BBC et d’autres médias et observateurs internationaux, cet évènement a ravivé les rivalités et la haine inter-ethnique, jamais complètement disparu malgré la chute d’Assad, de la mosaïque syrienne. Il a conduit à des affrontements d’une brutalité extrême, les plus féroces depuis que le pays a connu le changement historique de régime il y a maintenant quatre mois. Un carnage marqué par des représailles et d’attaques contre la population, qui, au cours des dernières heures, ont fait selon des informations à confirmer, au moins 800 victimes parmi les civils et les groupes armés, selon les chiffres fournis par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), comme le rapporte Thomas Brambilla dans le média «Inside Over».

Selon la reconstitution de la faction islamiste au pouvoir, les principaux troubles ont éclaté dans la région côtière de Jableh, située entre les villes de Lattaquié et Tartous, à la suite d’une attaque qualifiée de «bien planifiée» et menée par certains «restes des milices d’Assad».
«Pendant la nuit, nous pouvions entendre des tirs et des explosions, alors qu’arrivaient des renforts massifs», a déclaré un homme, prénommé Ali, joint par l’AFP depuis Damas. «Les gens restent enfermés chez eux. Tout le monde a peur. L’arrivée des véhicules militaires et des convois venus de partout n’a rien de rassurant», a-t-il ajouté. Toujours à Jablé, les forces de sécurité ont capturé et arrêté Ibrahim Houweïgé, un ancien chef des services de renseignement de l’armée de l’air, l’une des agences de sécurité les plus proches de la famille Assad, a rapporté l’agence de presse d’Etat Sana. «Il est accusé d’avoir commis des centaines d’assassinats à l’époque du criminel Hafez al-Assad», le père et prédécesseur de Bachar. Cet homme est le principal accusé de l’assassinat de Kamal Joumblat, le père de l’actuel leader druze libanais, Walid Joumblat, en mars 1976. Selon l’OSDH, des forces militaires ont été prises en embuscade sur l’autoroute reliant Tartous à Homs, et sur celle entre Baniyas et Jablé.

L’opération de riposte, menée par les forces de sécurité du gouvernement de Damas, a constitué un premier véritable test et une démonstration de force et de contrôle du pays pour Al-Charaa. Les affrontements se sont ensuite étendus à d’autres zones urbaines de la côte ouest, une zone densément peuplée par la minorité alaouite, où subsistent manifestement des factions militaires fidèles à l’ancien président Bachar al-Assad, exilé en Russie.

Le pouvoir des Alaouites

Le lien territorial entre la zone nord-ouest de la Syrie et le groupe religieux alaouite est très fort. Dans la Syrie moderne, les Alaouites représentent environ 20 % de la population, pour un total d’environ 6 millions de citoyens. Longtemps marginalisés sur le plan politique et exclus des décisions concernant l’avenir du pays, ils ont accédé au pouvoir avec le coup d’État de 1970 qui a porté Hafez al-Assad, un Alaouite, à la tête du pays. Son fils, Bachar, lui a succédé en 2000, faisant des Alaouites le seul groupe minoritaire du Moyen-Orient à gouverner un État souverain.

Durant les années du régime Assad, en plus de la répression violente de la dissidence qui ont caractérisé la période Assad, un système de pouvoir quasi-famille s’est installé. La grande majorité des postes administratifs et politiques étaient occupés par cette minorité, conduisant à la sous-représentation des autres groupes ethniques et religieux, pourtant plus nombreux. Avec le temps, cette dynamique a exacerbé les tensions sociales et renforcé la méfiance de la majorité syrienne envers cette «élite» politique, perçue comme trop proche d’influences étrangères, notamment iraniennes et russes, pour conserver son pouvoir.

La réaction de la Turquie

Aujourd’hui, après quatorze longues années de guerre civile, l’activisme militaire et politique alaouite, encore vivace dans le pays, est perçu par le nouveau gouvernement de Damas comme l’un des nombreux obstacles à une Syrie unie. Ces derniers mois, de nombreux épisodes de violence commise par les forces du HTC contre la minorité alaouite, incluant la population civile, ont été signalés. Il convient de rappeler que le passé de la formation militaire HTC a été marqué par des violations systématiques et fréquentes des droits de l’homme, ce qui lui a valu d’être reconnue comme une organisation terroriste par l’ONU.

On ignore encore quels acteurs pourraient bénéficier de cette insurrection, ni s’il existait un canal d’approvisionnement militaire qui a permis une telle opération, dont les conséquences sont encore imprévisibles. A l’heure actuelle, la seule réaction internationale notable est celle de la Turquie, principal allié du front gouvernemental HTC, qui voit dans la stabilisation de la Syrie un moyen de servir ses propres intérêts régionaux. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a condamné des actions «provocatrices» qui menacent les efforts visant à instaurer la paix, l’unité et la solidarité dans un pays en proie aux troubles comme la Syrie.

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