(Rome, Paris, 01 mars 2025). Les partenaires de l’Ukraine tentent de resserer les rangs du front occidental après la rencontre désastreuse entre Trump et Zelensky à la Maison Blanche. Macron : «Si on ne l’arrête pas, Poutine visera la Moldavie et peut-être la Roumanie»
Sauver à tout prix la relation avec Donald Trump. Telle est la consigne transmise par le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte à Zelensky après l’affrontement avec le président américain à la Maison Blanche, qui risque de compromettre les relations entre Washington et Kiev, avec des conséquences catastrophiques pour tous les autres partenaires de l’Alliance atlantique et de la coalition occidentale soutenant l’Ukraine. Cette directive a été confirmée dans une interview à la BBC par Rutte lui-même, au cours de laquelle il a déclaré avoir parlé à deux reprises avec le dirigeant ukrainien après la réunion désastreuse dans le Bureau ovale, retransmise hier par les télévisions du monde entier.
Le chef de l’OTAN, tel que rapporté par Valerio Chiapparino dans «Il Giornale», a précisé qu’il ne pouvait pas révéler «ce qui a été discuté», mais il a néanmoins fait savoir qu’il avait dit à Zelensky que «nous devons respecter» ce que le président américain a fait jusqu’à présent pour l’Ukraine et qu’il devait «trouver un moyen» de réparer le fossé qui le sépare de Donald Trump. «Nous devons vraiment donner du crédit à Trump», a ajouté M. Rutte, rappelant que c’est le magnat, lors de son premier mandat, qui a fourni à Kiev les missiles antichars Javelin qui se sont avérés essentiels pour repousser les agresseurs russes dans les premières phases du conflit qui a débuté en février 2022.
Dans une interview accordée à la BBC, Rutte, faisant référence à Trump, a affirmé savoir que le Président était «engagé à apporter une paix durable à l’Ukraine, qu’il soutient l’OTAN. C’est évident. Il s’attend à ce que les partenaires européens dépensent davantage et augmentent leur production de défense. Et sur ce point, il a raison». Le secrétaire général de l’OTAN a qualifié de «regrettable» ce qui s’est passé à Washington, rappelant que sans l’aide américaine, Kiev n’irait «nulle part».
En parallèle, les préparatifs battent leur plein pour le sommet sur l’Ukraine et la défense européenne commune convoqué demain après-midi à Londres par le Premier ministre britannique Keir Starmer. Un format qui, comme on l’a appris il y a peu, a été élargi au-delà des frontières de l’Europe pour inclure le Canada. Outre le premier ministre canadien, le secrétaire général de l’OTAN et les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen, Ursula von der Leyen et Antonio Costa, seront présents les dirigeants de l’Ukraine, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Pologne, de l’Espagne, de la Finlande, de la Suède, de la République tchèque et de la Roumanie. La Turquie participera également à la réunion représentée par son ministre des Affaires étrangères.
Au cours des dernières heures, la nouvelle de l’exclusion des pays baltes de la réunion en Angleterre a suscité de nombreux mécontentement. L’initiative du Premier ministre Starmer d’organiser un appel vidéo séparé avec l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie qui devrait avoir lieu avant le début du sommet n’a guère apaisé les tensions. Hier, Sky News a relayé une déclaration anonyme d’un diplomate balte qui a parlé de «trahison» et exprimé ses craintes que le Kremlin puisse interpréter le fait de ne pas avoir invité les trois pays à Londres comme un signe de désintérêt de l’Occident, notamment des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, pour leur sort.
Le président ukrainien, déjà présent à Londres aujourd’hui, a rencontré le Premier ministre britannique à Downing Street. Starmer a affirmé la détermination «absolue» et «inébranlable» du Royaume-Uni à parvenir à «une paix durable pour l’Ukraine basée sur la souveraineté et la sécurité» et s’est engagé à soutenir Kiev «jusqu’au bout». «C’est vraiment un privilège pour moi de profiter de votre amitié», a déclaré M. Zelensky, ajoutant qu’il était «très heureux» de sa rencontre avec le roi Charles III prévue demain. La solidarité de Londres se traduit aussi par l’annonce faite par son gouvernement de l’octroi d’un prêt supplémentaire de 2,26 milliards de livres aux Ukrainiens, étalé sur les prochaines années. L’accord sera signé demain par les deux ministres des Finances des deux pays (la ministre britannique Rachel Reeves et son homologue ukrainien Sergii Marchenko).
De l’autre côté de la Manche, l’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron s’était entretenu avec Trump et Zelensky après l’affrontement dramatique entre les deux dirigeants. Dans une interview à La Tribune Dimanche, le Président français a appelé les deux chefs d’Etat «au calme, au respect et à la reconnaissance» et a prévenu que si Vladimir Poutine n’est pas retenu, «il visera certainement la Moldavie et, peut-être plus loin, la Roumanie». Pour cette raison, selon Macron, un éventuel désengagement des États-Unis en Ukraine «ne serait pas dans leur intérêt» et si Washington acceptait de «signer un cessez-le-feu sans aucune garantie de sécurité pour l’Ukraine», sa «capacité de dissuasion géostratégique contre la Russie, la Chine et d’autres disparaîtrait le même jour».
Enfin, le Président français a laissé entrevoir une ouverture au dialogue avec Moscou qui n’interviendra «qu’au moment opportun, lorsque la situation sera stabilisée, mais je n’exclus rien».
C’est justement au sujet des négociations pour la fin du conflit, que le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déclaré il y a quelques heures que l’Union européenne devrait suivre «l’exemple des États-Unis» en entamant «des discussions directes avec la Russie sur un cessez-le-feu et une paix durable en Ukraine».