(Rome, 28 février 2025). Les deux présidents se retrouvent à la Maison Blanche pour signer l’accord sur les minéraux. La conférence de presse finale est annulée. Le magnat : «Vous ne montrez aucune gratitude». La réponse : «Je ne suis pas venu ici pour jouer». Giorgia Meloni : «Les divisions nous affaiblissent. Un sommet entre les États-Unis, l’UE et leurs alliés est désormais nécessaire»
Tout avait commencé par une poignée de main, avec des compliments sur l’élégance de Volodymyr Zelensky. Mais la rencontre d’aujourd’hui à la Maison Blanche entre le président américain Donald Trump et le dirigeant ukrainien s’est terminée par un affrontement sans précédent dans l’histoire de la diplomatie. Vingt minutes d’échanges tendus, sans filtre, devant les caméras du monde entier. Avec cette accusation cinglante de Trump à Zelensky : «Vous jouez avec la troisième guerre mondiale».
Il reste à voir quelles seront les conséquences à moyen terme («Soit vous concluez l’accord, soit nous nous en allons», a lancé Trump), mais le premier effet immédiat de cette altercation historique est que l’accord sur les minerais ukrainiens est tombé à l’eau, écrivent Sabrina Bellosi et Massimo Basile dans l’agence italienne «AGI».
Aucune signature et pas de conférence de presse conjointe. «Zelensky pourra revenir quand il sera prêt pour la paix», a écrit Trump sur Truth, laissant entendre qu’il avait évincé le président ukrainien, comme l’a affirmé plus tard Fox News.
Mais le dirigeant ukrainien a rapidement répliqué : «Nous travaillons pour une paix juste et durable».
Malgré les politesses d’usage, la tension était déjà palpable dès le début de la rencontre, car les États-Unis n’avaient pas obtenu tout ce qu’ils souhaitaient. Assis face à face, les deux dirigeants ont commencé à répondre aux questions des journalistes en présence de leurs délégations respectives, dont le vice-président américain J.D. Vance et le secrétaire d’État Marc Rubio.
Zelensky a rappelé les étapes qui l’ont conduit à Washington, le début de la guerre, la bataille que Kiev a parfois menée seule contre l’«assassin» Vladimir Poutine : «Je ne veux pas de compromis», a-t-il précisé. «Je ne veux pas de cessez-le-feu», a-t-il poursuivi, car Poutine «a violé le cessez-le-feu 25 fois». Les tons sont montés. «Vous voyez la haine qu’il éprouve pour Poutine», a déclaré Trump aux journalistes, «et c’est vraiment difficile pour moi de faire un accord avec cette haine». Le président a rejeté l’idée selon laquelle il se rangeait du côté du Kremlin : «Je ne suis pas du côté de qui que ce soit. Je suis du côté des Etats-Unis seulement et, pour le bien du monde, je veux parvenir à un accord». Puis il a reproché à Zelensky son manque de gratitude et son incapacité à imposer les conditions des négociations : «Vous n’avez aucune carte en main». Puis l’ultimatum brutal est tombé : «Soit nous concluons l’accord, soit nous nous retirons et si nous partons, vous devrez vous en sortir seuls et vous n’avez aucune carte en main. Vous jouez avec la vie de millions de personnes, vous prenez un pari sur la troisième guerre mondiale». Zelensky, d’abord surpris par ces propos, mais il a gardé son sang-froid et a répondu : «Je ne suis pas venu ici pour jouer aux cartes».
Dans ce climat de tension où les voix se chevauchaient, le vice-président Vance est intervenu. «Je pense que c’est irrespectueux de votre part d’entrer dans le Bureau ovale et de tenter de discuter de cette question devant les médias américains.» Trump est encore plus menaçant : «Vous n’êtes vraiment pas en bonne posture en ce moment». Conscient du spectacle diffusé dans le monde entier, Trump a mis fin à la réunion : «Je pense que les chaînes de télévision ont suffisamment de matière». Que la situation ait dérapé ou que les deux hommes aient sciemment choisi une rupture publique, le fossé semblait impossible à combler immédiatement.
«Vous m’avez reçu à la Maison Blanche pour m’humilier», aurait déclaré Zelensky. Quelques minutes plus tard, Trump publiait sa version sur Truth Social. «Je suis arrivé à la conclusion que le président Zelensky n’est pas prêt pour la paix», a-t-il écrit. Et d’ajouter : «il pourra revenir quand il le sera».
Mais Zelensky ne s’est pas laissé faire et a immédiatement réagi : « Merci, président Trump», a-t-il écrit sur X après avoir quitté la Maison Blanche. «L’Ukraine a besoin d’une paix juste et durable, et nous travaillons précisément pour cela».
Antonio Tajani : «Garder son sang-froid»
«C’est un moment de grande tension, il faut donc garder son sang-froid, réagir avec beaucoup de calme et voir comment les choses vont évoluer après cette conversation qui n’a certainement pas été concluant», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, dans l’émission «Zapping» à propos de l’affrontement entre Trump et Zelensky.
«Voyons comment la situation évolue, notamment dans les négociations qui devront avoir lieu entre les Etats-Unis, la Russie, avec la participation de l’Ukraine et de l’Europe, qui doit être unie et parler d’une seule voix. C’est une étape délicate, nous devons être très prudents», a-t-il ajouté.
«Nous défendons l’indépendance de l’Ukraine. Il faut trouver un moyen de discuter, de se confronter. Tout cela est très difficile, mais nous le savions depuis le début. La paix ne se construit pas en une semaine. Je pense que cela prend un peu de temps», a ajouté M. Tajani.
A propos des droits de douane, Tajani déclare : «En Europe, nous avons des idées pour protéger nos entreprises et pour les exportations, nous avons déjà des plans alternatifs pour explorer de nouveaux marchés». Tajani a aussi annoncé qu’il se rendra en Algérie lundi pour un forum économique.
Giorgia Meloni : «Les divisions nous affaiblissent. Un sommet entre les États-Unis, l’UE et leurs alliés est nécessaire»
«Chaque division de l’Occident nous affaiblit et favorise ceux qui voudraient voir le déclin de notre civilisation. Non pas de son pouvoir ou de son influence, mais des principes sur lesquelles elle s’est fondée, en premier lieu la liberté», a affirmé la Première ministre, Giorgia Meloni. «Une division ne profiterait à personne. Il est nécessaire, souligne-t-elle, d’organiser un sommet immédiat entre les États-Unis, les États européens et les alliés pour discuter franchement de la manière dont nous entendons affronter les grands défis d’aujourd’hui, à commencer par l’Ukraine, que nous avons défendue ensemble ces dernières années, et ceux auxquels nous devrons faire face à l’avenir. C’est la proposition que l’Italie entend soumettre à ses partenaires dans les prochaines heures», conclut-elle.