(Rome, Paris, 19 février 2025). Le président ukrainien à Erdogan : «Nous avons appris la tenue du sommet par les médias, ils parlent de l’Ukraine sans nous». Aujourd’hui, Macron organise un sommet incluant d’autres partenaires de l’OTAN
Volodymyr Zelensky tente d’élargir l’éventail des participants aux pourparlers de paix : «Qu’ils soient équitables, qu’ils incluent l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Turquie, toute négociation visant à mettre fin à la guerre ne doit pas se dérouler dans le dos des acteurs clés». Un souhait formulé hier à Ankara par le président ukrainien, qui, après avoir condamné les discussions américano-russes organisées par l’Arabie saoudite («Nous l’avons appris par les médias», a-t-il avoué lors d’une conférence de presse avec son homologue turc Erdogan), se retourne à nouveau vers Bruxelles. Il a convenu avec les Saoudiens de reporter son voyage au 10 mars, écrit Francesco De Remigis dans le quotidien «Il Giornale».
Zelensky était attendu à Riyad aujourd’hui. Ecarté des discussions par une exclusion orchestrée par le tandem russo-américain, il annule l’étape ; notamment en raison des nouveaux signaux de dynamisme diplomatique émanant d’Europe. Paris saisit une fois de plus l’opportunité d’une contre-offensive. Macron tente de remodeler le format mis en place à la hâte lundi, jugé insuffisant en termes de représentativité. Cette fois, le président français élargit l’invitation en convoquant également le Canada, partenaire de l’OTAN, pour aujourd’hui. Ensuite la Norvège, les trois pays baltes, la République tchèque, la Grèce, la Finlande, la Roumanie, la Suède et la Belgique. Certains participeront uniquement par vidéoconférence. Mais il est jugé impératif de donner naissance à un chœur européen face à une Amérique perçue sourde et aveugle, hormis les éclairs du secrétaire d’Etat américain Marco Rubio : «L’Europe a aussi imposé des sanctions» contre Moscou, a-t-il expliqué hier, «donc l’Europe devra aussi s’asseoir à la table des négociations» sur l’Ukraine.
L’UE insiste, pour sa part, mise toujours sur les sanctions, unie sur ce point, malgré le scepticisme d’Orbán. Le seizième paquet de sanctions sera adopté d’ici la semaine prochaine, a déclaré hier le ministre polonais des Finances, dont le pays assure actuellement la présidence du Conseil de l’UE pour une période de six mois. Les efforts déployés hier à l’Ecofin ne cachent pas les dysfonctionnements de ces trois dernières années : «à chaque fois que nous mettons en œuvre, de nouvelles tentatives de contournement apparaissent», a admis le ministre Domanski, «mais nous voyons de plus en plus de preuves que l’économie russe n’est pas si forte qu’elle le prétende». Alors, allons de l’avant : «Même si les États-Unis devaient révoquer les leurs», a pour sa part confirmé le commissaire Dombrovskis.
Cette fois, les mesures viseront les équipements de jeux vidéo, tels que la Xbox de Microsoft ou la PlayStation de Sony, dont les consoles peuvent être détournées à des fins militaires, notamment pour faire voler des drones. Pour le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, «nous n’obtiendrons la paix que par la pression, nous continuerons à alourdir le coût de la guerre de Poutine». Le Vieux Continent reste cependant relégué au second plan des discussions. Ursula von der Leyen a rencontré hier Kellogg, l’envoyé américain pour l’Ukraine. Rien de plus que des déclarations d’intention sur la «contribution à une paix durable» et de défendre «l’intégrité territoriale de l’Ukraine». Même tonalité du côté du numéro un du Conseil Européen, António Costa.
En revanche, le candidat CDU-CSU à la chancellerie allemande, Friedrich Merz, a haussé le ton, laissant entendre que, s’il devait diriger l’Allemagne, il ne laisserait pas cette tâche à Emmanuel Macron seul : «Berlin doit assumer un rôle de leader et veiller à ne pas être relégué à la table des enfants, nous devrons un jour tenter sérieusement de rétablir de bonnes relations avec la Russie». L’Europe, selon des fuites du Palazzo Chigi (le Siège du gouvernement italien), vise désormais un accord durable basé «sur des garanties de sécurité» pour Kiev et sur une «augmentation des investissements» dans la Défense. Le président polonais Douda, après une rencontre en tête-à-tête avec Kellogg, a déclaré avoir reçu des «assurances» selon lesquelles les États-Unis ne réduiront pas leur présence militaire sur le Vieux Continent. Pourtant, la quasi-totalité des chancelleries insistent pour se réarmer et d’investir davantage : «Des propositions concrètes sont en route», a confirmé Dombrovskis.
Le Premier ministre français François Bayrou est catégorique : «Pour la première fois depuis 1945, la guerre peut atteindre le sol européen, nous sommes dans un contexte des années 1930, avec des icebergs qui nous frappent en pleine figure».
Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani relativise l’importance des discussions à Riyad, les qualifiant de simples «pourparlers entre Américains et Russes». «Il n’y a aucun véritable processus de négociation en cours, un traité ne peut pas être conclu sans les Ukrainiens et les Européens», a-t-il dit. Et le sommet à l’Elysée ? «Il est interlocutoire, Maintenant, il faut être pragmatiques et unis, tous les 27 ensemble», souligne le ministre Tajani.
Mais l’alerte venue de Kiev est claire : les discussions à Riyad ne font qu’«alimenter l’appétit de Poutine». Une rencontre entre Zelensky et Kellogg est toutefois prévue.