(Rome, Paris, 01 février 2025). L’infrastructure est liée à la géopolitique, et l’une des premières conséquences des nouvelles opportunités d’échanges et de relations est la nécessité de créer en temps utile un terreau favorable à ces objectifs. Cela passe par la pacification des conflits en cours, qui représentent un risque et une entrave à cette nouvelle évolution
Comment le «Corridor du milieu», charnière entre l’Asie et l’Europe, pourra-t-il contribuer à la pacification des zones de guerre ? Une fois de plus, c’est la Turquie qui apporte un éclairage, en définissant cette voie commerciale comme la route la plus fiable, la plus rapide et la plus pratique reliant l’Asie et l’Europe. L’occasion en est donnée par un sommet entre les ministres des Affaires étrangères de Turquie, d’Azerbaïdjan et d’Ouzbékistan. Bien que fortement axé sur des analyses techniques et de enjeux commerciaux et logistiques, ce sommet s’avère être un moment de réflexion utile, tant sur la manière dont cette nouvelle infrastructure sera en mesure de garantir les connexions et le dialogue, que sur sa portée politique, en parallèle du corridor IMEC, écrit Francesco De Palo dans «Formiche.net».
Le rôle tripartite
«La route la plus fiable, rapide et économique entre l’Asie et l’Europe est le corridor Asie centrale-mer Caspienne-Caucase du Sud-Turquie», a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan lors d’une conférence de presse conjointe avec ses homologues azerbaïdjanais et ouzbek. Le raisonnement avancé par le gouvernement d’Ankara est que les chaînes d’approvisionnement mondiales ont été perturbées en raison de trois facteurs, tels que la pandémie, la guerre entre la Russie et l’Ukraine et la crise au Moyen-Orient. Par conséquent, au centre du plus grand volume d’échanges commerciaux au monde, à savoir entre l’Asie et l’Europe, trois pays, selon Fidan, jouent un rôle clé : la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan. Cette position leur confère un poids croissant, tant en termes de volume potentiel d’échanges que d’influences géopolitique associée.
Lors de la conférence de presse, Hakan Fidan a souligné les développements «satisfaisants et prometteurs» en Syrie, qui ont ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunités pour la région. «Nous devons soutenir la reconstruction et le développement de la Syrie main dans la main. La stabilité et les progrès de la Syrie garantiront la stabilité et la sécurité régionales, et apporteront de nouvelles opportunités dans les domaines de la logistique, du transport, du commerce et de l’énergie», a-t-il noté selon la presse locale.
Il est clair que le projet a deux objectifs à atteindre à court terme : d’une part, harmoniser les réglementations et simplifier les procédures douanières, en supprimant progressivement les «barrières commerciales» ; de l’autre, une perspective à moyen terme, la construction d’une base opérationnelle qui devra gérer cette nouvelle infrastructure. C’est l’objet de la Déclaration d’Ankara, qui fixe noir sur blanc les mesures à adopter dans les secteurs du commerce, de l’investissement, de la logistique et du transport de transit, ainsi que les incitations aux investissements extérieurs et le calendrier d’exécution précis.
Le projet
De point de vue technique, le projet prévoit la possibilité de charger des camions sur des navires chinois à destination de l’Azerbaïdjan via la mer Caspienne, atteignant les portes de l’Europe. Ainsi, le Corridor du milieu pour le commerce pan-asiatique, imaginé par les présidents de la Chine et du Kazakhstan, vise à relier idéalement et matériellement deux domaines stratégiques tels que la géopolitique et les infrastructures. Après l’initiative lancée par Xi Jinping et Kassym-Jomart Tokayev, l’intérêt autour du projet ne cesse de croître, notamment de côté de l’UE et de l’Italie. Le corridor partira de Zhengzhou, puis touchera Ürümqi et Khorgos jusqu’au Kazakhstan, puis jusqu’au port de Kuryk pour traverser la mer Caspienne, avec pour destination finale la Turquie. Pour réduire les délais liés à la bureaucratie douanière, le projet repose sur le système Carnet TIR, qui permet d’éviter les inspections intermédiaires et les retards, en offrant aux pays de transit un bon passage douanier international vers plusieurs destinations connectés.
Scénarios
L’infrastructure et la géopolitique sont de plus en plus étroitement liées. L’émergence de nouvelles opportunités d’échanges implique l’anticipation d’un climat favorable, notamment par la résolution des conflits en cours, qui représenteraient un risque et une entrave à une nouvelle dynamique commerciale à grande échelle. Si à ce jour, le volume total des marchandises transportées entre l’Asie centrale, la mer Caspienne et le Caucase s’élève à environ 2,3 millions de tonnes, une fois le projet finalisé, ce chiffre atteindra 11 millions de tonnes. Ces perspectives ont motivé la décision européenne à investir 10 milliards d’euros, dans le cadre d’un vaste programme couvrant 33 projets d’infrastructure majeurs, parmi lesquels une série d’interventions impliquant le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.
IMEC
Le Corridor du Milieu entre en concurrence avec le corridor IMEC situé entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe, qui connaît une phase complexe en raison des tensions accrues au Moyen-Orient. Il s’agit d’un vecteur qui trace de nouvelles routes maritimes et terrestres pour le transport de marchandises reliant l’Inde à l’Europe à travers la péninsule arabique, à savoir la Jordanie et Israël. En parallèle, il intègre l’infrastructure énergétique, comme des câbles électriques sous-marins et des gazoducs dédiés à l’hydrogène vert. Le protocole d’accord pour l’établissement du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) a été signé à New Delhi, lors du sommet indien du G20.
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