(Rome, Paris, 08 janvier 2025). L’activité de l’Iran s’étend également en Cisjordanie, à travers les contacts terroristes des Pasdaran. Netanyahu résoudra-t-il le problème à la racine ? «C’est risqué», explique Giuseppe Dentice, analyste à l’Observatoire de la Méditerranée (OsMed) de l’Institut pour les études politiques Saint-Pie V. Mais il faudra attendre Trump, ajoute-t-il
Les négociations à Doha reprennent avec le format multilatéral (composé du Qatar, de l’Egypte, d’Israël et des États-Unis) qui tente depuis des mois de conclure un nouvel accord pour la libération des otages israéliens capturés par le Hamas lors de l’attaque contre Israël le 7 Octobre 2023. À l’occasion de l’anniversaire du quinzième mois de guerre contre d’Israël, le journal turc Daily Sabah rapporte que le groupe terroriste serait prêt à libérer 34 otages en échange d’un cessez-le-feu. Il n’est donc pas clair s’il peut y avoir de réels progrès sur ce dossier (en décembre les Qataris ont parlé d’une «dynamique» positive), mais entre-temps, le conflit autour d’Israël continue d’évoluer à plusieurs niveaux, notamment celui impliquant les Houthis yéménites dans le conflit, au sud. Sur le front nord, les États-Unis confirment que les forces israéliennes ont commencé à se retirer de la ville frontalière du sud du Liban, signe d’un possible apaisement des tensions entre Israël et le Hezbollah. Mais Tel-Aviv précise que si le groupe extrémiste devait violer l’accord, les affrontements reprendront, écrit Emanuele Rossi dans le quotidien «Formiche.net».
Dans le même temps, le front intérieur devient de plus en plus complexe, la sécurité en Cisjordanie étant à nouveau au centre des préoccupations israéliennes après l’attaque terroriste près de Kedumim. L’attaque, qui a frappé une zone stratégique avec une dynamique soigneusement planifiée, met en évidence que l’instabilité croissante de la région pourrait être liée à des dynamiques externes. Le Hamas et d’autres cellules terroristes, soutenues économiquement et militairement par Téhéran, intensifient leurs opérations dans les territoires, dans un contexte déjà marqué par la fragilité de l’Autorité nationale palestinienne et la présence généralisée d’armes, dont beaucoup sont acheminées grâce aux réseaux établis par les Pasdaran.
Ce front intérieur constitue un défi direct pour le gouvernement de Benyamin Netanyahu. La sécurité en Cisjordanie est une question sensible pour sa coalition, qui doit trouver un équilibre entre les exigences des colons et des forces de sécurité avec la nécessité de maintenir un contrôle militaire efficace, sans surcharger les réserves de Tsahal. La réduction des forces en Cisjordanie, dictée par les besoins opérationnels sur d’autres fronts, laisse place à de nouvelles menaces, alors que Téhéran continue de jouer un rôle actif dans l’alimentation de la violence en finançant des groupes armés locaux.
Selon Giuseppe Dentice, analyste à l’Observatoire de la Méditerranée (OsMed) de l’Institut d’études politiques Saint-Pie V, la Cisjordanie représente aujourd’hui l’un des principaux facteurs d’instabilité pour Israël. De plus en plus militarisée, et le conflit interne se complique, la région devient difficile à gérer : «La présence de groupes armés locaux autonomes rend difficile la tâche des forces israéliennes pour contenir la violence», explique Dentice.
«La situation reste explosive», observe l’expert dans son quinzième point mensuel sur la guerre régionale au Moyen-Orient réalisé avec «Formiche.net». Le gouvernement Netanyahu est confronté à de fortes pressions internes de la part des composantes les plus radicales de la coalition, qui réclament «plus de pouvoirs, plus d’autonomie y compris en matière de prise de décision, exerçant ainsi une sorte de chantage permanent pour la survie même de Netanyahu».
Selon l’expert, l’Iran combine la pression du Hamas avec sa propre stratégie, accélérant le transfert de fonds et d’armes vers des groupes terroristes actifs en Cisjordanie, souvent par des intermédiaires se trouvant dans les camps de réfugiés. Là, les Gardiens de la révolution iranienne jouent un rôle crucial, en contactant directement les cellules armées via des canaux clandestins et les réseaux sociaux.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahu pourrait être tenté de résoudre le problème à la racine par une action militaire directe contre l’Iran. Selon l’analyse de Dentice, ce scénario reste une «possibilité concrète, bien qu’extrêmement risquée».
Au niveau régional, la position de l’Iran s’est progressivement affaiblie. «L’Iran a accumulé une faiblesse croissante ces derniers mois», souligne Dentice, expliquant que cela est dû à une série de problèmes internes (la crise économique, le mécontentement populaire), à la pression internationale et au rôle plus affirmé d’Israël dans la lutte contre les menaces venant du nord, notamment du Hezbollah, lourdement frappé ces derniers mois. Bien que la stratégie iranienne visant à soutenir le Hamas et d’autres groupes armés dans la région se soit heurtée à des difficultés opérationnelles, Téhéran continue de fournir des armes et des fonds aux milices locales par des canaux clandestins.
Frapper la République islamique serait désormais plus facile, et finalement le moment idéal ? Le soutien de Washington, à cet égard, déterminant. Donald Trump, lors de son premier mandat, a rejeté à trois reprises les demandes de ses conseillers d’attaquer l’Iran, affirmant qu’il ne souhaitait pas recourir à une action militaire sauf en dernier ressort. Cependant, ces derniers jours, de nouvelles informations laissent entrevoir un éventuel changement d’approche de l’ancien président, qui pourrait envisager un soutien à des actions offensives contre Téhéran.
Sur le plan international, l’entrée en fonction imminente de l’administration Trump représente l’élément clé de l’évolution du conflit. «Les acteurs régionaux et internationaux sont sur le qui-vive», déclare Dentice, ajoutant que l’approche de l’administration Trump restera fortement biaisée en faveur d’Israël et contre l’Iran. Cela pourrait exacerber les tensions au Moyen-Orient, avec un éventuel renforcement de l’axe israélo-américain et une pression accrue sur Téhéran.
Selon l’analyste, les États du Golfe observent prudemment cette évolution, craignant qu’une politique trop alignée sur les intérêts israéliens ne génère de nouvelles instabilités dans la région. «Le 20 janvier, jour de l’investiture de Trump, sera un moment clé pour mieux comprendre la direction que prendra la politique américaine et son impact sur le scénario du Moyen-Orient, à la recherche d’un équilibre stratégique complexe dans la région», conclut Giuseppe Dentice.